Les intérêts de Zoro
Par DavidLeMarrec, jeudi 18 août 2005 à :: Littérature - Baroque français et tragédie lyrique :: #74 :: rss
Tout est dans le titre, ou presque.
A propos du Zoroastre de Rameau.
Une question parfaitement ingénue. (Je vais légèrement passer pour un niais, mais qu'importe ! )
Quel peut être l'intérêt de prendre ce sujet de Zoroastre ? C'est un sujet fortement connoté, difficilement contrôlable, et là, nous disposons simplement de la présentation d'un prince comme un autre, un brin magicien sur le côté des bords, mais pas plus. En outre, dans la France très catholique, exalter celui qui est à l'origine de l'antique catharisme, j'avoue ne pas saisir quel est l'attrait de prendre ce risque - enfin, le compositeur peut, mais le commanditaire ? En plus, à titre tout à fait personnel, j'éprouve vraiment beaucoup de perplexité devant cette démythification de Zoroastre - un amoureux de ténor ! (1)
Certes, on me dira que c'est une sorte de grand-prêtre de la Raison. Mais extrêmement subversif, alors, puisqu'il lutte contre des superstitions en place qui ont pour direct équivalent les fondements moraux de la société française d'alors. Le pouvoir finançait ça ? Ce n'était pas la Régence, tout de même ! En fait, ils reprennent manifestement la symbolique Ormuzd/Ahura-Mazda vs. Ahriman pour bâtir une démonstration à la manière de la Flûte, sur une sorte de révélation séculière (2). Pourtant, l'attaque contre l'Eglise est frontale, dans ce cas-là, puisque le sujet exhume forcément le souvenir de la vieille guerre civile, en en renversant les légitimités !
Pour finir, ce vieux fonds mythique sert ici de croyance complètement sécularisée et émancipée, raison de plus que je ne comprenne pas l'intérêt pour les princes de soutenir ce sujet. Je suis très content qu'il y ait un Zoroastre, mais je ne vois pas bien ce qu'il signifie... Si vous pouviez m'aveugler de vos lumières, ce serait très bienvenu.
David - cillé
(1) Il est amusant, ce personnage qui incarne la Raison tout en suivant les transports de l'Amour !
(2) En tout cas, la ressemblance avec la Flûte est frappante : un culte solaire qui remplace les idoles, la morgue de ceux qui le pratiquent, le jugement sans appel sur les participants au culte des ombres. Même la structure du drame, avec ses démons qui triomphent ou disparaissent sans justification autre que ce qui arrange le dramaturge... (une tempête infernale par acte, quand même)
P.S. : Après tout, si on y regarde à deux fois, ce n'est pas une première. Sous un régime bien plus contraignant et au sein de l'opéra qui loue la circonstance politique, le Phaéton de Lully est pour le moins ambigu. Ce Phaéton châtié, est-il celui qui se croit égal au Roi-Soleil ou le roi qui s'octroie les attributs du Soleil ? Voilà qui me laisse tout autant perplexe.
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