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Lecture en paperolles

Au lieu de se plaindre. Gloire à Neuchâtel.


Au lieu de se plaindre, l'Université de Neuchâtel profite des potentialités techniques de l'outil informatique pour tenter de rendre lisible le plus long roman jamais écrit en langue française : Artamène ou le Grand Cyrus de Madeleine et Georges de Scudéry - 13 095 pages de l'époque. Tout en redites et et en serpentements baroques, ce type de roman est réputé illisible aujourd'hui.

C'est pourquoi, pour rendre cette part du patrimoine, largement occultée, à la lecture des courageux, l'Université en question a choisi de mettre en ligne un synopsis qui se déroule en paperolles, vers le plus précis, jusqu'au texte lui-même. Si bien qu'il est possible :

  • de sauter les passages qui ennuient, les redites qui agacent, sans rien perdre de la compréhension (en connaissant à l'avance la nature des passages sautés)
  • de lire sur une courte ou longue période, sans jamais être perdu, grâce aux résumés par livre
  • de saisir au mieux les enjeux structurels noueux de l'oeuvre
  • d'avoir une idée précise de sa teneur sans en goûter exhaustivement les sortilèges.

Ce travail titanesque est un bienfait pour la culture mondiale, et nous le saluons ici comme il se doit.


Information via Theorus Fumisis, pourtant sensiblement moins enthousiaste que moi - et même légèrement sarcastique, insistant plus sur les chiffres que sur la nature de ce travail.


Notez qu'il n'est pas une bonne idée pour vos relations sociales de lire la fin du synopsis à haute voix à votre ami parvenu à la douze millième page. Vous me direz : "trouve déjà quelqu'un qui lise ça ; puis quelqu'un de fréquentable qui lise ça, et on en recause", et vous n'aurez pas tort. N'empêche, ce n'est pas une bonne idée. (D'avoir des amis qui lisent ces trucs bizarres peut-être pas non plus. Doivent pas être très disponibles, en plus.)


Exemple :
(Je passe sous silence le synopsis afin de ne pas déflorer l'histoire.)
- SYNOPSIS (résumé I)
Blablablabla.
- - Incendie de Sinope (résumé I, 1)
Au coeur de la nuit, Artamene et son armée découvrent la ville de Sinope en flammes, alors qu'ils s'apprêtaient à l'attaquer afin de libérer la princesse Mandane, enlevée par le roi d'Assirie. Consterné, Artamene est en proie à des passions violentes à l'idée de la perte de sa bien-aimée. Or, une tour imposante et une galère en fuite semblent épargnées par l'incendie. L'espoir renaît. L'armée s'engage dans la ville et, à l'exhortation de son chef, se joint au peuple pour éteindre l'incendie. Soudain, Artamene aperçoit le roi d'Assirie au sommet de la tour. Son espoir de retrouver Mandane grandit. Il combat vaillamment le traître Aribée, qui disparaît sous les flammes. Une fois cet obstacle levé, il parvient au pied de la tour et y trouve Thrasibule qui le supplie de sauver une illustre personne en péril au sommet. Il s'agit en fait du roi d'Assirie, désemparé, qui, en indiquant la galère au loin, lui révèle que Mandane lui a été dérobée par le Prince Mazare. Le bateau, luttant contre les vents, finit par s'éloigner du rivage après avoir risqué de s'échouer. Le roi d'Assirie, désormais au pouvoir d'Artamene, lui demande la liberté afin qu'ils puissent tous deux oeuvrer à la libération de Mandane, avant de se battre en duel. Artamene lui promet d'y réfléchir et le fait reconduire sous bonne garde à ses appartements.
- - - - Sinope en flammes (résumé I, 1a)
Description de l'incendie de Sinope qui semble avoir commencé par le port. Seul un château bâti sur un rocher semble encore épargné.
- - - - - - - - Le texte des Scudéry (contenu du roman)
L'embrazement de la Ville de Sinope estoit si grand, que tout le Ciel ; toute la Mer ; toute la Plaine ; et le haut de toutes les Montagnes les plus reculées, en recevoient une impression de lumiere, qui malgré l'obscurité de la nuit, permettoit de distinguer toutes choses. Jamais objet ne fut si terrible que celuylà : l'on voyoit tout à la fois vingt Galeres qui brusloient dans le Port ; et qui au milieu de l'eau dont elles estoient si proches, ne laissoient pas de pousser des flames ondoyantes jusques aux nuës. Ces flames estant agitées par un vent assez impetueux, se courboient quelquefois vers la plus grande partie de la Ville, qu'elles avoient desja toute embrazée ; et de laquelle elles n'avoient presque plus fait qu'un grand bûcher. L'on les voyoit passer d'un lieu à l'autre en un moment ; et par une funeste communication, il n'y avoit quasi pas un endroit en toute cette déplorable Ville, qui n'esprouvast leur fureur. Tous les cordages, et toutes les voilles, des Vaisseaux et des Galeres, se destachans toutes embrazées, s'eslevoient affreusement en l'air, et retomboient en estincelles, sur toutes les maisons voisines. Quelques unes de ces maisons estant desja consumées, cedoient à la violence de cét impitoyable vainqueur ; et tomboient en un instant, dans les Ruës et dans les Places, dont elles avoient esté l'ornement. Cette effroyable multitude de flames, qui s'élevoient de tant de divers endroits ; et qui avoient plus ou moins de force, selon la matiere qui les entretenoit, sembloient faire un combat entr'elles, à cause du vent qui les agitoit ; et qui quelques-fois les confondant et les separant, sembloit faire voir en effet, qu'elles se disputoient la gloire de destruire cette belle Ville. Parmy ces flames esclattantes, l'on voyoit encore des tourbillons de fumée, qui par leur sombre couleur adjoustoient quelque chose de plus terrible, à un si espouvantable objet : et l'abondance des estincelles, dont nous avons desja parlé, retombant à l'entour de cette Ville, comme une gresle enflamée, faisoit sans doute que l'abord en estoit affreux. Au milieu de ce grand desordre, et tout au plus bas de la Ville, il y avoit un Chasteau, basty sur la cime d'un grand Rocher qui s'avançoit dans la Mer, que ces flames n'avoient encore pû devorer : et vers lequel toutefois, elles sembloient s'eslancer à chaque moment, parce que le vent les y poussoit avec violence. Il paroissoit que l'embrazement devoit avoir commencé par le Port ; puis que toutes les maisons qui le bordoient, estoient les plus allumées, et les plus proches de leur entiere ruine, si toutefois il estoit permis de mettre quelque difference, en un lieu où l'on voyoit esclater par tout, le feu et la flame. Parmy ces feux et parmy ces flames, l'on voyoit pourtant encore quelques Temples et quelques maisons, qui faisoient un peu plus de resistance que les autres ; et qui laissoient encore assez voir de la beauté de leur structure, pour donner de la compassion, de leur inevitable ruine. Enfin ce terrible Element détruisoit toutes choses ; ou faisoit voir ce qu'il n'avoit pas encore détruit, si proche de l'estre ; qu'il estoit difficile de n'estre pas saisi d'horreur et de pitié, par une veuë si extraordinaire et si funeste.


Je trouve ça bougrement bien fait, moi.


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