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Toujours ces affaires de droits d'auteur

Ou comment se sauver (partiellement) du hors-sujet.


Econoclaste cause du vol et du téléchargement :

Supposons maintenant que je me rende dans une boulangerie, que je dépose cet appareil devant une baguette de pain : il me produit alors une baguette similaire, avec laquelle je quitte le magasin. Il n'y a là aucun vol, aucun préjudice causé : le boulanger a toujours autant de pains dans sa boutique; de mon côté, j'ai transformé un petit morceau de plastique sans valeur en pain que je peux consommer.

Il y a là un vrai constat, celui qui, psychologiquement, donne à l'internaute le sentiment de ne pas voler. Il ne soustrait rien d'existant.
Mais c'est aussi un sophisme : si je vais chez mon boulanger pour copier gratuitement sa baguette :

  • Je profite de son travail (et éventuellement de sa masse salariale) pour ne pas lui acheter un pain, ce qui est un préjudice par le manque à gagner.
  • Admettons que mon boulanger vende toujours tous ses pains dans une journée, si bien que les derniers clients ne sont jamais servis. Très bien. Pourtant, si je multiplie les pains à volonté, je vais faire baisser les prix du marché, tandis que lui aura la même masse salariale à acquitter. Je déstabilise donc tout son secteur d'activité.

Je n'aime pas trop le mot de piratage, parce qu'il a tendance à faire la confusion entre l'action de téléchargement, pas illégale en soi[1], et qu'il jette la suspiscion sur tout ce qui est transmis à titre gracieux. Mais il est indéniable que l'échange gratuit, même s'il n'a certainement pas l'effet de magie noire que lui prêtent les Majors[2], doit plomber un minimum le chiffre d'affaires. En s'échangeant des oeuvres en réseau sans les payer ni acquitter les droits d'auteurs, il est évident qu'on n'est pas dans l'absence de préjudice, puisque l'idée du droit d'auteur est que toute diffusion d'une oeuvre doit être rémunérée - même si la diffusion est gratuite, ce qui est en effet largement discutable lorsque c'est dans un cadre légal[3]. Mais lorsque le cadre est celui d'une diffusion gratuite sans autorisation d'oeuvres commerciales[4], il est évident qu'il y a un vice dans le système, quoi qu'on pense de ce système par ailleurs.
Essayer d'étendre l'exception de copie privée à ce cadre est une contorsion législative qui sera peut-être nécessaire, toujours est-il qu'il n'est pas pertinent de chercher à nous l'imposer d'un point de vue logique. (Economique, politique, judiciaire, peut-être.)


Il resterait certainement des gens qui préfèrent acheter du "vrai pain" et qui trouveraient que ce pain dupliqué n'a pas un goût naturel (même si ça n'est pas le cas).

Là, et c'est ce qui m'a motivé à franchir le pas du H.S. (parce qu'il y a un alibi), ce n'est pas exact. Un format compressé n'a pas la même saveur, tout simplement parce que des informations sont perdues pour faire un .ogg, un .mp3 ou un .wma. On recent une plus grande dureté, les timbres se fêlent légèrement, le matériel sature plus facilement, et l'auditeur ressent plus vite une fatigue auditive. Ceux qui disent que c'est inécoutable ou infâme exagèrent à mon sens (même si ce genre de ressenti est éminemment personnel), et il y a une certaine posture socio-culturelle à montrer qu'on préfère ce qui n'est pas si vulgaire qu'un fichier qu'on pourrait avoir obtenu sans l'avoir acheté. Bien sûr, on l'appuie sur des considérations audio, pas fausses d'ailleurs.
Il existe toutefois un format de compression sans perte - sensiblement plus lourd, évidemment, mais moins que le format CD : le format .ape, qui donne véritablement de très bons résultats, loin devant les mp3 les moins compressés. C'est peut-être ce qu'écoute Alexandre d'Econoclaste. ;-)

Evidemment, le billet que je vous invite à lire est beaucoup plus subtil que ce que j'ai isolé. Il se sert habilement de ces prémisses bizarres pour poser la question culturelle du droit d'auteur, une convention - et en tant que telle, déplaçable. Il propose un système de rémunération à la nouveauté, ce qui serait en effet un moyen intelligent de renouveler le secteur, qui esquisse une réponse pour la solution que je ne trouvais pas hier. Toutefois, j'y vois quelques problèmes :

  • Que faire pour éviter que les nouveautés ne soient elles aussi échangées ? On n'a pas résolu le problème de la limitation. Répression ? Bridage technique ? Interdiction généralisée ? Licence qui donne des accès ? Que faire pour tracer et empêcher les contrevenants ?
  • Quel serait le statut des rééditions ? Empêcherait-elles la diffusion des parutions plus anciennes ? Si oui, quelle injustice ! Si non, comment vérifier quel est le disque copié ?
  • Le droit d'auteur est certes une convention, mais elle est là pour protéger les faibles, et l'absence de législation claire conduirait éventuellement à la mort du secteur de la composition et de l'interprétation.

Bref, toujours autant de questions, je crois.

Notes

[1] Enfin, pour l'instant ; des procédures sont en cours aux Etats-Unis, il me semble.

[2] Il est évident que les gens téléchargent même ce qu'ils n'achèteraient pas, et peuvent acheter quand même pour leur budget, surtout lorsqu'il y a des prestations importantes avec le CD - packaging, notice détaillée, livret traduit, bonne prise de son, label à la bonne réputation.

[3] Par exemple, si je veux jouer une partition de musique contemporaine à un petit comité hors de chez moi, je dois verser des droits. Ces partitions sont déjà particulièrement chères, difficiles à déchiffrer, ardues à mémoriser, demandent beaucoup de travail, n'ont aucun crédit auprès du public, et en plus, pour une exécution gratuite qui en fait la publicité, il faut payer. Là, on peut contester, oui.

[4] Je serais favorable à la légalité de la diffusion gratuite des pirates de concert lorsque le programme ne fait pas l'objet d'un disque commercial, pour favoriser la diffusion d'oeuvres non éditées qui n'en appartiennent pas moins au patrimoine.


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