Concert Bach/Saint-Saëns du 1er décembre 2006 (John Nelson, Nathalie Stutzmann)
Par DavidLeMarrec, lundi 11 décembre 2006 à :: Disques et représentations :: #456 :: rss
Un compte-rendu de Sylvie Eusèbe.
Paris, Cathédrale Notre-Dame, vendredi 1er décembre 2006, 20h.
Concert, J. S. Bach : Cantates BWV 51 et 147, C. Saint-Saëns : Oratorio de Noël
Ensemble orchestral de Paris ; John Nelson, direction ;
Liliana Faraon, soprano ; Clémentine Margaine, mezzo-soprano ; Nathalie Stutzmann, contralto ; Leif Aruhn-Solén, ténor ; Henk Neven, baryton ;
Jean-Michel Ricquebourg, trompette ; Maîtrise Notre-Dame de Paris ; Lionel Sow, direction de chœur.
Paris, Cathédrale Notre-Dame, vendredi 1er décembre 2006, 20h.
Concert, J. S. Bach : Cantates BWV 51 et 147, C. Saint-Saëns : Oratorio de Noël
Ensemble orchestral de Paris ; John Nelson, direction ; Liliana Faraon, soprano ; Clémentine Margaine, mezzo-soprano ; Nathalie Stutzmann, contralto ; Leif Aruhn-Solén, ténor ; Henk Neven, baryton ; Jean-Michel Ricquebourg, trompette ; Maîtrise Notre-Dame de Paris ; Lionel Sow, direction de chœur.
Voici, je crois bien, la première fois que j’écoutais un concert en la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Je vais rarement au concert dans les églises ; mon dernier souvenir remonte à 2 ou 3 ans, lorsque j’ai assisté à un magnifique concert du quatuor Psophos (Schumann et Ohana) donné dans une minuscule église du Lot. Et entre ce concert de musique de chambre et le concert à Notre-Dame, il y a bien évidemment tout un monde !
La scène légèrement surélevée est installée juste devant la croisée du transept. Devant elle, une quarantaine de rangs divisés par une allée centrale se développe jusqu’aux premiers piliers vers les porches d’entrée. Les nefs latérales sont remplies d’une quantité presque équivalente de rangées de sièges. Ceux-ci, assez inconfortables comme dans beaucoup d’églises, sont en bois avec une assise de paille tressée. Au sol, le pavement alterne de grandes dalles beiges ou noires. Les murs, repoussés loin au fond des chapelles latérales, ne sont pas visibles de la nef centrale dans laquelle je me trouve, à une douzaine de rangs de la scène. Cependant, la perspective des piliers circulaires qui bordent la nef dirige l’attention vers la croisée du transept, et au-delà , vers le long chœur de la cathédrale, à la pierre claire éclairée. Le regard remonte alors le long des colonnettes de l’abside centrale, il oblique puis zigzague, au gré des nervures et des clés qui ponctuent les voûtes, à 33 mètres au-dessus de nos têtes. La nef présente des proportions harmonieuses, elle est longue en plan, très fine en élévation, avec son voûtement se situant après deux étages de tribunes. Elle m’impressionne encore plus quand je constate qu’elle n’écrase pas de son volume majestueux le bon millier de personnes qu’elle abrite pour ce concert.
Il est 8h05 quand la lumière diminue un peu, entraînant avec elle une baisse des conversations. Les musiciens s’installent sur la scène, et ne sont réellement visibles que pour les premiers rangs de spectateurs. Quelques minutes après, un prêtre de la cathédrale vient faire une petite présentation musicale et légèrement religieuse des œuvres qui vont être jouées ce soir. Son discours est simple, bien adapté à la circonstance. Il indique que dans la cantate BWV 147, nous reconnaîtrons certainement le célèbre choral final « Jesus bleibet meine Freude », et souligne avec raison que la traduction française couramment faite « Jésus, que ma joie demeure » ne reproduit pas exactement le sens réel, « Jésus reste ma joie » étant plus fidèle au texte allemand.
Puis la soprano, le trompettiste et le chef prennent leur place sous des applaudissements rapides. Le silence se fait, et voici le premier aria de la cantate BWV 51.
Tout d’abord, et pour ne plus y revenir, je dois avouer que je suis extrêmement gênée par l’acoustique. Les musiciens apparaissent un peu perdus dans ce gigantesque espace à remplir, et il faut vraiment tendre l’oreille pour les percevoir suffisamment. Ensuite, dans les cantates de Bach la réverbération sonore est telle que l’orchestre devient une masse indistincte, et forme parfois un brouhaha de fond. Je dois réellement faire un gros effort pour distinguer les différents pupitres. De la même façon, lorsque le chœur chante à plusieurs voix, le mélange se fait de telle sorte que je ne peux plus entendre correctement chaque groupe de tessiture. Ceux qui s’en sortent le mieux sont les solistes (les instrumentistes et les chanteurs) qui passent assez bien, malgré l’énorme le volume de la cathédrale.
Je suppose que mon inexpérience d’une telle acoustique est pour beaucoup dans les difficultés que j’ai rencontrées pour profiter complètement de ce concert. Cependant, je reste persuadée que toutes les musiques ne peuvent être jouées dans ce lieu. La différence entre Bach qui « passe mal » et l’oratorio de Saint-Saëns est vraiment très nette. Bach a écrit ses cantates pour qu’elles soient jouées dans des lieux aux dimensions beaucoup plus réduites que la Cathédrale Notre-Dame. Il me suffit de repenser à ma récente visite de l’église Saint-Thomas à Leipzig, à son volume plus intime et à son acoustique bien plus matte que celle de Notre-Dame. En revanche, je devine que Saint-Saëns, organiste à l’église de la Madeleine, était attentif aux problèmes que posent les immenses volumes avec une grande réverbération. Son Oratorio de Noël est donc beaucoup plus lisible que les cantates de Bach. Cela me semble venir du fait que dans cette oeuvre les instruments et les différentes parties du chœur jouent souvent à l’unisson dans leur registre respectif. J’ai également remarqué qu’il n’y a pas de trompette, alors que dans les cantates de Bach, c’étaient souvent elles qui me gênaient à cause de leur « écho » qui venait perturber l’écoute des autres instruments (je parle des trompettes de l’orchestre, et non de la trompette solo bien différente).
Et je ne tarirais pas d’éloges sur le trompettiste Jean-Michel Ricquebourg, capable en un instant de passer de la plus brillante des virtuosités aux pianissimi les plus doux, sans jamais couvrir de sa belle sonorité les autres musiciens. La souplesse de son phrasé et ses nombreuses nuances éclipsent la soprano Liliana Faraon qui apparaît peu concentrée, chantant trop légèrement et d’une façon monotone, surtout pendant le choral pourtant bien mené par le violon solo de l’orchestre. Ses aigus sont frêles et peu soutenus, pas très agréables. Je remarque heureusement un bel effet lorsqu’elle monte doucement sur le premier « Wir betten » (Nous élevons) du récitatif. Elle chante l’aria qui suit avec une lenteur qui renforce sa beauté, et est bien soutenue par une délicate basse continue. Mais je remarque surtout qu’il est très déconcertant, et aussi un peu énervant, de voir que cette chanteuse s’applique à sourire hors de propos dès qu’elle ne chante pas, comme si elle voulait nous faire croire que ce qu’elle fait est superbe, ce qui est bien loin d’être le cas.
Après des applaudissements corrects, mais sans plus, les choristes en chasuble bleu roi s’installent et le chef revient sur scène accompagné des quatre chanteurs solistes de la cantate BWV 147.
Le chœur d’entrée à plusieurs voix m’apparaît un peu brouillé par la résonance des trompettes de l’orchestre, je n’y reviens pas. En revanche, je me réjouis d’entendre le ténor Leif Aruhn-Solén dans le récitatif qui suit. De sa voix légère au timbre clair, il chante avec simplicité et délicatesse. Lui aussi sourit, mais c'est parce qu'il est tout à sa joie de chanter la grâce de Marie. Dans son aria qui débute la seconde partie de la cantate, il appuie bien sur les syllabes « Hilf, Jesu, hilf », et le « f » de « hilf » est particulièrement bien prononcé.
Puis vient Nathalie Stutzmann dans sa courte veste en velours noir rehaussée d’un épais foulard bleu ciel noué à la va-vite autour du cou. La voix de la contralto, bien grave sur le premier mot de l’aria « Schäme dich, o Seele, nicht » (N’aie point honte, ô mon âme), retient immédiatement l’attention. Je m’étonne d’être toujours surprise lorsque je l’écoute après d’autres chanteurs. Il n’y a pas que sa tessiture qui la distingue, loin de là , mais comme ici, elle se démarque aussi par l’amplitude et la noblesse de son phrasé, par son chant aéré aux magnifiques crescendo ou decrescendo, dans lequel circule une énergie qui va sans cesse de l’avant, avec force et conviction. Lors la seconde partie de cette cantate, j’ai été tout à fait captivée par son récitatif. Au disque, j’ai déjà remarqué qu’elle est particulièrement expressive dans les récitatifs (cantate BWV 35 avec Ton Koopman). C’est la première fois que je l’écoute « en vrai » dans ce répertoire, et je confirme avec plaisir qu’elle « joue » le récitatif autant qu’elle le chante. C’est-à -dire, que comme pour un lied, elle traduit le sens des paroles par son chant, mais sans le jouer à proprement parler, bien sûr. Elle met donc ainsi merveilleusement bien en valeur le récitatif, forme d’expression difficile à rendre intéressante, et à mon avis un peu trop délaissée par les chanteurs. Ici, elle l’anime en étirant les voyelles, en particulier les « i » (Lippen, Liebe…), et déploie son chant avec lenteur et densité.
Quant au baryton Henk Neven, il fait entendre dans son récitatif des « medium graves » pleins et chaleureux. Son dernier mot « empfangen » est dit avec une belle souplesse, presque en rebondissant sur les trois syllabes. Dans son aria de la seconde partie, il vocalise brillamment et avec une belle énergie.
La soprano Liliana Faraon est ici un peu plus à l’aise que dans la cantate précédente, et malgré ses aigus toujours un peu minces et sa médiocre prononciation en fin de vers, elle a de belles notes tenues. Le violon solo l’accompagne avec finesse, et termine l’aria d’une belle phrase bien souple.
Le célèbre choral qui clôt la première partie de la cantate, ainsi que celui qui termine l’œuvre sont pris rapidement, mais peut-être un peu « mollement », pas très nerveusement, pour le second.
Une courte pause succède aux applaudissements qui concluent la première partie de la soirée.
J’ai eu la très grande chance d’assister à la répétition générale la veille de ce concert. J’y ai découvert l’Oratorio de Noël de Saint-Saëns. Dès cette première écoute, je l’ai vraiment apprécié, et la répétition me permet d’en profiter bien plus lors du concert.
Ecrite en 1858 et chantée en latin, l’œuvre propose une construction très claire. Elle introduit notamment les solistes un par un dans une succession de mouvements, d’abord pour un chanteur (la mezzo-soprano), puis pour un chanteur avec chœur (le ténor), puis un duo (soprano, baryton), un trio (soprano, ténor, baryton), un quatuor (avec l’alto en plus) et enfin un quintette final avec choeur (avec la mezzo).
Mais avant de présenter cette progression, l’oratorio s’ouvre sur un prélude orchestral très délicat, où la musique mêlée de l’orgue et cordes s’étend en douces vagues successives, qui peuvent annoncer les violons de « Siegfried Idyll » de Wagner (1870). Vient ensuite un récit avec chœur (récitatif avec chœur) très original puisqu’il fait intervenir chaque soliste (sauf la mezzo) qui chante chacun à leur tour une phrase. Nathalie Stutzmann fait résonner un magnifique « s » à la fin de « illos », et place un superbe grave sur son dernier mot « magno », puissant, long et bien tenu.
Le premier aria pour mezzo-soprano seule permet d’entendre Clémentine Margaine. La jeune chanteuse m’impressionne immédiatement par sa voix chaude qui prend de magnifiques couleurs de contralto dans les graves. Mais elle possède d’autres qualités, notamment une belle présence, une étonnante puissance et elle chante avec bonheur et naturel. Quel dommage que son intervention soit de courte durée ; voila une chanteuse que j’aimerais réentendre !
La harpe et l’orgue qui accompagnent le duo soprano-baryton me rappelle le magique et féerique « Aquarium » du Carnaval. La voix assez impersonnelle de la soprano Liliana Faraon convient mieux ici que dans les Bach.
Le chœur qui suit impressionne par sa force et sa rapidité. Après avoir montré une puissance qui remplit sans peine la cathédrale, il termine par un Amen d’une grande douceur dont la résonance roule pendant quelques secondes dans l'édifice.
Puis voici le quatuor que la contralto ouvre avec de très graves « Alleluja » et conclue par un « miserebitur » bien lent et appuyé.
Le quintette final avec chœur présente un très bon équilibre de tous les chanteurs, on entend parfaitement chaque soliste, et je remarque que les graves tenus si reconnaissables de Nathalie Stutzmann dominent même parfois légèrement.
Le chef d’orchestre John Nelson, habitué à Notre-Dame, dirige ses musiciens sans baguette, avec une gestuelle très personnelle, souple et élégante, presque chorégraphique. Je ne me sens guère capable d’émettre un avis sur sa direction, il m’a juste semblé qu’il n’était pas très incisif, mais il se peut que l’acoustique ait adouci les reliefs de ses intentions.
Trois ou quatre rappels viennent saluer les musiciens, le chef embrasse les trois chanteuses qui reçoivent un gros bouquet de fleurs dans les tons roses, et il sert vigoureusement la main aux deux chanteurs.
Les lourdes portes renforcées de pentures aux pommes de pin sont grandes ouvertes et nous sortons lentement par le portail central. Jetant un coup d’œil en arrière, mon regard plonge dans l'intérieur de la cathédrale illuminée jusqu’au chœur. Je vois en même temps la façade claire, et cela me donne l’étrange impression d’être encore dedans, tout en étant déjà dehors. De l'extérieur, la masse de la cathédrale est imposante, mais contenu dans la fine enveloppe du bâtiment, l'espace intérieur est à dimension humaine.
Sylvie Eusèbe, 3 décembre 2006.
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