Daniel François Esprit AUBER - La ballade des enfants de la nuit (Les Diamants de la Couronne)
Par DavidLeMarrec, mercredi 21 novembre 2007 à :: Carnet d'écoutes :: #776 :: rss
Puisque la conversation commençait déjà plaisamment à dériver avec Morloch, pourquoi ne pas proposer une entrée pleine et entière sur le sujet ?
Voici donc cette fameuse ballade, avec ses entrelacements entre choeurs et soli typique de l'esthétique meyerbeerienne, et ce second degré charmant qui met les personnages principaux à distance, tout aussi caractéristique.
Les octaves bizarres entre voix aiguë et graves, en quinconce ; la belle écriture pour choeur qui rappelle la taverne de la Damnation de Faust, tout cela en fait incontestablement pour nous le plus beau moment de toute l'histoire de l'opéra comique.
[1]
Inutile de détailler les effets qui pimentent cette scène triplement obligée (repas joyeux, récit en chanson, ballade) : le travail sur les tessitures dans l'introduction qui crée ces effets percussifs (les entrées des voix graves par leur aigu), les répliques plaisantes à la meyerbeerienne qui se répondent au milieu de la séquence, le choeur à l'unisson qui se dédouble dans le chant final, la chanson délicate comme celle de présentation qui vient d'avoir lieu, prétexte à ces développements. Avec l'histoire fantastique qui est narrée, obligée aussi. Mais ici, pour une fois (contrairement à la Dame Blanche [2] ou à Robert le Diable, par exemple), sans lien avec l'action. Quoique. Toute la résolution de la pièce se trouve en vérité dans cette séquence : bien que dans le péril au sein de la terre, le héros, sain et sauf, obtiendra sa belle et des biens en cascade, par le truchement de forces secrètes dont il devra conserver les arcanes pour lui. Clin d'oeil trop discret que le spectateur a commodément oublié. Mais Scribe est si facétieux...
On comprend bien pourquoi Scribe était la garantie d'une vente extraordinaire de places. A travers ces moments attendus qui nous rappellent beaucoup les éléments obligés du scénario hollywoodien d'aujourd'hui, une capacité de disposition, de fantaisie, un recul toujours plaisant sur ses personnages, un savoir-faire de la juste tension dramatique, une nécessité dans la progression jamais mise en défaut, des échos très finement ménagés qui permettent relecture et réécoute sans déception.
Dans cette version où les dialogues ont été aménagés, on note plusieurs incohérences mineures (La Catarina est-elle connue ou non des brigands ? Quelle est la véritable nature de Rebolledo ?), peut-être dues aux adaptations, ou au choix délibéré par Scribe d'une intrigue linéaire, « à clef ». Etrange, tout de même, vu son degré de maîtrise, sur des choses aussi faciles à faire coïncider.
Il s'agit de la version Colomer, issue bien entendu de Compiègne (avec un bon orchestre pour cette fois !), qui existe aussi en vidéo - encore préférable, avec ces acteurs épatants, qui disent leur texte comme ils le chantent - ce qui n'est pas peu dire.
Mandala / Harmonia Mundi 5003/05 (3 CDs)
Catarina - Ghyslaine Raphanel [3]
Don Henrique - Christophe Einhorn
Rebolledo - Armand ArapianDiana - Mylène Mornet
Don Sébastien - Dominique PloteauComte de Campo Mayor - Paul Medioni
Mugnoz - Nicolas Gambotti
Barbarigo - Sébastien LemoineOrchestre de Picardie et Choeur Spezzati
Edmón COLOMER
L'oeuvre est un régal de théâtre ; quelque chose dans cette candeur brigandine de vraiment ineffable.
Excellente idée aussi, dans cet univers de pacotille (aussi bien du point de vue du spectateur que des personnages, là est la réussite de Scribe !), de fournir un accent plaisamment exotique aux brigands - en l'occurrence marseillais... Dans un univers de fantaisie comme celui-ci, le trait est à la fois efficace théâtralement et tout à fait justifiable par son versant verroterie.
Notes
[1] Vous aurez au passage remarqué la féminisation de « chef ». Fût-ce ironique, nous sommes en 1841.
[2] Cette ballade raconte assez, en somme, une partie de la trame de la Dame Blanche. La mise en garde du choeur étant comparable à la ballade de Jenny - étrange mise en abyme. Scribe s'amuse toujours.
[3] Ce prénom diabolique se trouve aussi pour la même personne orthographié Ghylaine, Ghislaine ou même plus improbablement Ghilaine, sans que nous ayons jamais pu obtenir de réponse définitive à ce sujet. Operabase opère le même choix que nous.
Commentaires
1. Le jeudi 22 novembre 2007 à , par Xavier :: site
2. Le jeudi 22 novembre 2007 à , par Xavier :: site
3. Le jeudi 22 novembre 2007 à , par Morloch
4. Le jeudi 22 novembre 2007 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le mercredi 21 décembre 2011 à , par Edith :: site
6. Le mercredi 21 décembre 2011 à , par DavidLeMarrec
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