La musique c'est tout le temps la même chose
Par DavidLeMarrec, mardi 6 janvier 2009 à :: Discourir :: #1108 :: rss
Sur Les Idées Heureuses, carnet déjà chaudement recommandé par les lutins :
Les mots fatiguent. Les mots pèsent. Il voudrait les choisir avec soin et il se rabat sur les premiers qui viennent, traînent à la surface, l’écume du grand bouillon commun. Il coud par paresse entre elles des idées dont il sait qu’elles tiennent, ou qu’elles brillent, et il fourgue sans trop se poser de questions ce collier dans la main qu’on lui tend. On avait si peu l’occasion (en société ou seul, du reste) de dire quelque chose qui n’ait pas été dit exactement dans les mêmes termes une bonne douzaine de billions de fois. La musique, elle, ne se répète pas. C’est son privilège.
Didier Da Silva, Treize mille jours moins un, p. 57-59
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Il est vrai que l'expérience (traumatisante) de l'auteur de ses lignes peut lui donner raison, au même titre que l'auteur de rengaines stéréotypées au kilomètre, mais c'est l'occasion rêvée de s'arrêter sur le parallèle.
J'ai tendance à penser l'inverse : la musique se répète plus.
Je m'explique : la musique est constituée de formules héritées d'une culture, et qu'il n'est pas possible de bousculer au delà d'une certaine mesure. Une mesure bien plus étroite que pour la langue où il demeure possible de transmettre idées et émotions en tuant à peu près totalement la syntaxe. Et ces formules sont très figées, avec des enchaînements où la permutation n'est pas toujours possible, contrairement à la langue qui peut utiliser à la même fonction des groupes de natures très différentes. De même pour le sens.
Pour le dire plus simplement, il existe moins d'expressions équivalentes, de synonymes ou de périphrases possibles en musique.
Evidemment, certains phénix parviennent à créer un langage totalement personnel, mais ils sont (très) rares, et le plus souvent se répètent largement eux-mêmes d'une oeuvre à l'autre. Ainsi Debussy se trouve déjà en partie dans Fanelli, et son langage est-il très reconnaissable d'une pièce à l'autre, du moins une fois passé les pièces de jeunesse. A tel point qu'on pourrait l'imiter, sans approcher son inspiration bien sûr, mais de façon tout à fait efficace.
Le problème est qu'il en va de même avec la langue : on ne peut pas dire que Michaux recycle des formules usées.
J'ai donc tendance à penser que la langue ne se répète pas plus, voire moins, parce que ses enchaînements sont plus libres.
Mais surtout, et c'est là que tout le monde devra reconnaître que j'ai raison sans conteste (et pof.), il suffit de considérer les écrivains du XVIIIe siècle, la diversité de leur expression, et de comparer aux formules musicales des compositeurs d'alors, les Cannabich, Vanhal, Kraus... Et l'on s'apercevra qu'ils parlent un langage bien plus parent que les littérateurs ou les philosophes du temps. En particulier pour la forme générale !
Ce pinaillage est l'occasion de recommander à nouveau le carnet de Dider Da, qui n'est pas avare en général de pistes pour des réflexions profondes.
Commentaires
1. Le mardi 6 janvier 2009 à , par Papageno :: site
2. Le mardi 6 janvier 2009 à , par DavidLeMarrec
3. Le mercredi 7 janvier 2009 à , par Didier da :: site
4. Le dimanche 11 janvier 2009 à , par Morloch
5. Le dimanche 11 janvier 2009 à , par DavidLeMarrec
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