Le disque du jour - XXXIII - Johannes BRAHMS, Sérénades pour orchestre
Par DavidLeMarrec, mercredi 7 octobre 2009 à :: Le disque du jour - Domaine symphonique :: #1374 :: rss
On peut lire et entendre très souvent que Brahms, apeuré, n'osait pas concevoir de symphonie - à cause de l'ombre écrasante de Beethoven. Et qu'il s'est d'abord essayé prudemment dans ses deux Sérénades.
On peut contester l'affirmation pour la Seconde dont la gaîté virevoltante et folklorisante la rapproche, à certains égards, de la Sérénade pour vents d'Antonín Dvořák. Pour la Première, en revanche, le constat est assez saisissant, même lorsqu'on voudrait se défendre des a priori des Histoires de la musique.

En effet, dès le premier mouvement, on découvre :
- un thème extrêmement parent de ce lui qui ouvre la Sixième Symphonie de Beethoven, et plus tard d'autres échos (Troisième Symphonie notamment) ;
- une façon de développer autour de cellules rythmiques, de motifs très brefs et assez peu mélodiques, qui doit beaucoup au grand aîné, même si Brahms l'applique de façon beaucoup plus libre et inventive que dans les grandes formes-sonates postclassiques de Beethoven ; on peut parfois, toutes proportions gardées, songer à la manière dont Bruno Mantovani fait évoluer son discours proprement musical en même temps que les textures motiviques et timbrales ;
- des tournures harmoniques, des façons d'amener les tensions, les saturations, qui se trouvent dans les Symphonies du prédécesseur (Deuxième, Cinquième...) ;
- une autonomie du groupe des bois (en y incluant les cors joués piano) marquante et très généreuse, qui annonce souvent les couleurs de ses Symphonies à venir, en particulier la Deuxième, mais aussi les mouvements centraux de la Première et le premier de la Quatrième ;
- une couleur à la fois mélancolique et très ronde, très proche de ce qu'il peut faire par la suite, avec une maîtrise du développement, quoique moins spectaculaire, qui est déjà présente, notamment dans les redistributions de l'orchestration au fil de l'évolution du thème ;
- le ton assez dansant et folklorique de l'ensemble peut évoquer à bien des égards une forme d'entrain qui est propre à ses Danses Hongroises (dont le processus compositionnel débute dix ans après la Première Sérénade qui date de 1857) ou aux oeuvres symphoniques d'Antonín Dvořák.
--
Parmi toutes les belles choses disponibles, la version parue chez Apex est assez idéale, parce qu'elle met très largement en valeur les bois, avec une qualité exceptionnelle de ces pupitres propre aux orchestres nordiques dans la Première Sérénade (Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm), et Andrew Davis exalte à merveille ces propriétés.
La Seconde, avec l'Ensemble Orchestral de Paris dirigé par Armin Jordan, bénéficie d'un entrain et d'une prise de son comparables, ce qui lisse beaucoup les différences techniques entre les deux orchestres (très sensible pourtant au niveau des bois français assez acides et pas franchement lyriques).
Le disque se trouve pour quasiment rien (2,55€ à ce jour) sur Amazon, et en écoute libre sur Musicme.com.
Commentaires
1. Le vendredi 9 octobre 2009 à , par Sylvain
2. Le samedi 10 octobre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
Ajouter un commentaire