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L'acte II de Tristan und Isolde (Harding TCE 2009) et les abîmes psychologiques d'un spectateur


Au sein d'une semaine difficile et chargée, un mot et quelques méditations autour de la représentation du deuxième acte de Tristan, au Théâtre des Champs-Elysées.

La soirée débutait par le Prélude du premier acte, directement enchaîné à l'acte II.

On peut faire rapidement le point sur la distribution avant de dire un mot, peut-être, sur quelques impressions subjectives sur l'oeuvre. Oui, c'est là un sujet bien frivole pour ces sévères lieux qu'un commentaire de distribution starisante, mais on l'a promis à qui se reconnaîtra. Et puis l'on profite des derniers moments de sous-traitance des lutins, bientôt appelés pour d'autres travaux plus manufacturiers à Qeqertasuag ou à Thulé.

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Orchestre

Il faut d'abord saluer le Mahler Chamber Orchestra. Ayant imprudemment négligé de vérifier la distribution avant notre départ, on le prit même pour un orchestre français à cause des cuivres (mais la couleur des bois ne convenait pas), un peu bruyants et durs, bavant légèrement. C'était être mauvaise langue : les cuivres des meilleurs orchestres français n'ont plus cette acidité agressive d'antan, ceux de l'Opéra de Paris ou du National de France sont même vraiment remarquables.
Mais quels bois ! Le hautbois solo et le cor anglais étaient en particulier merveilleux, d'une intensité de couleur et d'une expressivité dans le vibrato, le legato, d'une qualité dont on a peu d'exemple (on a pu penser au son enchanteur d'Albrecht Mayer par exemple).

La direction de Daniel Harding était d'une rare poésie dans le Prélude du I. Un crescendo dosé sans goût du spectaculaire, et surtout un début baignant encore dans le silence... Le public était d'ailleurs pleinement religieux : Wagner est exigeant et effectue une sélection. (Le prix des places aussi a tout pour décourager les simples touristes... Mais les habitués ont leurs petites combines pour ne pas - trop - se ruiner.)
Dans l'acte II en revanche, le son paraissait en permanence fort, créant une sensation de suffocation à la longue. Et, étrangement, le souffle était relativement mesuré.

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Solistes

Les chanteurs étaient à l'unisson de cette conception : superlative techniquement et esthétiquement, mais manquant sans doute d'abandon.

Le Kurwenal / Melot de Michael Vier était très sonore et assez percussif, relativement plébéien mais tout à fait efficace. Pour ce type de rôle bref, idéal d'une certaine façon : de l'impact et de la présence plus que du style. Sur une durée plus longue, ce serait peut-être moins agréable, mais certains rares chanteurs arrivent à modifier significativement leur posture vocale selon l'oeuvre.

Franz-Josef Selig était conforme à sa réputation - et à son habitude des trois (seuls ?) rôles de son répertoire (Marke, Gurnemanz et Henri l'Oiseleur, si on veut être mauvaise langue). D'une aisance déconcertante, il manifeste une grande présence vocale, avec une voix à la fois un peu grasse, qui convient bien à ce type de répertoire, mais pas du tout erraillée comme souvent pour ce type de profil vocal, au contraire assez bien timbrée. De ce fait, il se balade avec une facilité absolue dans son texte et sa musique.

John Mac Master, l'inconnu du plateau en quelque sorte, est véritablement une révélation. La voix est légèrement nasale pour bien accrocher le masque, comme c'est très souvent le cas chez les ténors d'école américaine, mais pas du tout déséquilibrée. Au contraire, elle rayonne de façon impressionnante, à la fois puissante, mais d'un éclat doux. On a pu songer à l'aspect radieux de Luciano Pavarotti ou Sándor Kónya.
Par ailleurs, et en dépit de la présence de la partition à la main (il est le seul à ne pas chanter par coeur, sans doute parce qu'il n'a interprété le rôle que deux fois sur scène), le texte est parfaitement articulé, et amplement plus habité que la moyenne des Tristan dans cet acte. Non seulement c'est superlativement chanté, mais c'est aussi bien dit.
Pour parler franc, on ne songeait pas qu'il puisse exister des voix aussi puissantes et aussi agréablement timbrées, et aussi clairement articulées. Surtout chez des chanteurs qui chantent dans des conditions aussi prestigieuses mais sans notoriété !
L'endurance semble de surcroît bonne. Puisse-t-il faire la plus belle carrière !

Mihoko Fujimura, la Brangäne modèle de tous les amateurs d'éloquence et de luminosité juvénile, était remplacée par Michelle Breedt... Qui fait une fois de plus montre de ses qualités exceptionnelles, très proches en réalité de celle qu'elle remplaçait, jusque dans les [t] finaux (un peu moins sur les alvéoles, mais peut-être même plus saillants). Voix ample, superbement projetée, mais légère, timbrée, ronde, lumineuse, dotée d'une conduite du souffle superlative (bien utile pour le diminuendo à peine imaginable dans ses appels). Surtout, elle est la seule à incarner totalement son personnage, dans les moindres recoins de son texte.
Certes, j'incline coupablement à penser que Brangäne représente le rôle le plus intéressant de Tristan (eh oui), et qu'il est par conséquent plus aisé à servir, parce que son texte est mieux fait, que celui de Tristan par exemple, inhumain aussi bien dans sa vocalité que dans ses affects un peu vagues. (La fameuse dimension mythique.) Mais lorsque l'incarnation de chaque parole atteint un tel degré, l'amateur de lied ne peut qu'être aux anges. Elle a chanté des Wesendonck d'anthologie dont on peut entendre des extraits sur son site, on aimerait aussi l'entendre dans les Strauss, les Schreker ou les Gurlitt.

Et étrangement, donc, Waltraud Meier que les lutins découvraient en salle pour l'occasion, était la moins enthousiasmante du lot (à l'exception de Michael Vier). La voix était la moins projetée du lot (et la diction la moins claire). On entendait déjà au disque que le bas-médium était un peu tassé (ses vrais rôles de mezzo, à part pour le lied, la trouvaient bien moins inspirée qu'en soprane, comme contrainte), mais l'aigu glorieux de ces dernières années, on ne l'a pas entendu. Contrairement à certaines de ses Isolde récentes, les aigus périlleux étaient tout à fait propres, mais lorsque la voix augmente en volume, c'est dans une forme qui s'apparente plus au cri (cri très harmonieux s'entend !), assez caractéristique de la voix d'opéra qui cherche l'expression mais ne trouve pas toujours la connexion parfaite au souffle - à moins que ce ne soit cette forme d'allègement qu'utilisent les sopranes dramatiques pour émettre des aigus moins lourds.
Par ailleurs, malgré son implication réelle, ne quittant jamais, même assise et muette, Tristan d'un regard intense, l'incarnation semblait relativement retenue par rapport à ce qu'elle peut faire dans ses meilleurs soir. Quelque chose d'un peu attentif, un petit manque d'abandon par rapport à ses meilleures prestations, à sa légende, au potentiel d'électricité du rôle.
Tout cela restant plus que pleinement convaincant, n'est-ce pas - c'est juste façon de bien montrer que malgré la hiérarchie des noms et des cachets, la soirée ne reflétait pas nécessairement cette réalité-là. Par ailleurs, tous étaient sensiblement du même niveau de professionnels de la meilleure qualité, avec une crête supérieure d'inspiration chez Michelle Breedt et John Mac Master.

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Réflexions personnelles

Au cours de cette soirée, quelques questions se sont pressées dans mon esprit, et malgré la forme sous lesquelles je les ai pensées, qui tiendra aux yeux de beaucoup pour de la provocation, elles soulèvent peut-être à nouveau le voile du mystère du goût individuel.

Tout d'abord, cette musique de l'acte II, si intensément géniale sans discontinuer - du moins avant l'entrée du roi Marke, dont la tirade est assez pauvre musicalement (sans parler du texte qui prête à sourire dès que l'on se rappelle qu'un être humain est censé être doté d'une psychologie) - m'a paru étouffante, et même fatigante. Etait-ce la direction de Harding ? Sans doute en partie, et aussi la présence de l'orchestre sur scène, plutôt que dans une fosse que de surcroît Wagner souhaitait couverte. Mais la musique était en permanente à fort volume, et toujours pleine, trop pleine d'informations, jusqu'à la saturation, ce qui ne se produit jamais au disque. Au lieu de l'impact physique attendu, ce fut plutôt une forme d'agression - et l'on se prend à penser aux caricatures d'époque.
Si bien qu'en fin de compte le moment 'creux' de la scène du roi Marc constitue un allègement bienvenu, une rupture de ton mélancolique par rapport à l'orgie précédente, et même s'il s'y passe peu de choses, elle nous fait échapper à l'écoeurement. J'ai donc pour la première fois ressenti une forme de nécessité pour ce moment. Révélations habituelles de l'expérience en salle... les oeuvres ne montrent pas les mêmes qualités ni les mêmes faiblesses dans le contexte de contrainte sensorielle du concert (et de sa dimension 'spaciale').

Ensuite, et c'est sans doute plus impardonnable, je m'aperçois au fil de mes expériences au concert (qui étaient infiniment moins nombreuses et spectaculaires en province, malgré de très belles choses au cours de la saison) que la tragédie lyrique est sans doute le genre qui m'enthousiasme le plus profondément, dont la plus-value est la plus forte au concert. Alors même que ce n'est pas le cas au disque où c'est un genre lyrique que je privilégie, mais parmi d'autres, et pas forcément plus que les allemands et français du début du vingtième siècle, par exemple, qui ont plus de diversité et contiennent plus de subtilités cachées et de surprises. La seule exception a été le Vaisseau fantôme dirigé par Günter Neuhold à Bordeaux en janvier / février 2003, mais c'était à la tête d'un orchestre assez réduit, et d'une manière très cursive et dramatique, tirant vers Weber et terriblement dansante. Et les autres Wagner, pourtant, avec un impact physique supérieur, devraient me transporter, logiquement. Ce n'est pas une question de salle, puisque j'étais exactement au même endroit que pour Armide lors de ce Tristan.

En m'interrogeant, je vois plusieurs explications qui, conjuguées, peuvent expliquer cette séduction supérieure de la tragédie lyrique.

  • Ce sont souvent des oeuvres 'nouvelles', dans ma langue, parfaitement articulée par les chanteurs. Le rythme dramatique et la qualité littéraire des livrets sont très supérieurs à la moyenne. Le tout est toujours dansant, toujours entraînant.
  • Ce sont ausi des oeuvres qui ne portent pas de complications ni linguistiques ni musicales, mais avec beaucoup de petites modulations internes, inconnues des Italiens, ce qui permet de ne pas ressentir de tunnels - ni parce qu'un moment échappe à l'interprétation, ni parce qu'il ne se passe rien.
  • Le livret de l'acte II de Tristan, avec ses arguties interminables sur la nuit, est tout de même particulièrement exécrable et explique sans doute aussi une part de mon impatience (très relative). A franchement parler, j'ai quelque peu regretté ma toute récente présentation balancée du style littéraire wagnérien.

Il faut croire que ce sont là des raisons suffisantes pour expliquer qu'Andromaque de Grétry, en concert, sans m'abuser sur la qualité absolue de Tristan, passe amplement ce dernier en plaisir (à ma grande surprise).

Du coup, peut-être aurais-je intérêt à me ruiner pour Céphale et Procris (qui est hors de prix et archicomplet, réouverture de l'Opéra Royal de Versailles oblige) plutôt que d'aller voir la Tétralogie ? S'il faut absolument choisir bien sûr, car diversité de biens ne nuit pas.

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Conséquences pratiques

Il faut voir dans cette bizarrerie une marque éclatante de la problématique des attentes et des priorités. Selon celles de chacun, la hiérarchie ne sera pas la même. Il est même possible par ce biais d'effectuer une hiérarchie objective de certaines oeuvres (par des critères précis).

Surtout, cette conscience épargne toutes les querelles inutiles autour du goût : des goûts différents (et même, souvent, des goûts identiques !) ne répondent pas aux mêmes besoins, il est donc inutile de les affronter.

On peut en revanche en parler, c'est toujours enrichissant - et plaisant.


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Commentaires

1. Le jeudi 12 novembre 2009 à , par Moander

Évite Céphale quand même...
J'ai eu beau voir passer des avis du XVIIIe, XIXe et XXe... tous disent que c'est franchement mauvais alors qu'ils aiment tous Richard ou l'Amant Jaloux par exemple!!

2. Le jeudi 12 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Je ne vais pas l'éviter, je vais surtout y renoncer puisque c'est complet. Tu as quelques sources précises sur cette appréciation ? Parce qu'Andromaque aussi a été mal reçue, et que Richard, malgré sa renommée, vaut à peine quelques clopinettes.

Et puis la distribution, tout de même : Velletaz, Tauran, Pruvot !!

Déjà que je ne me console pas d'avoir manqué le concert qui comprenait la Chimène de Sacchini et le Guillaume Tell de Grétry...

Pour Céphale, au moins, ce sera radiodiffusé.

3. Le jeudi 12 novembre 2009 à , par Moander

Sérieux? Il y a eu Chimène et Guillaume Tell?

Pour le XIXe, je crois avoir lu ça dans le dictionnaire de Félix Clément.
XXe, le livre rose de Lessens sur Grétry! Les deux derniers fréquentaient les partitions.
XVIIIe, je ne me souviens plus!!

Ça ne veut rien dire, je te le concède... En plus, ils en promettent encore monts et merveilles!! Ça sera enregistré au pire.

4. Le samedi 14 novembre 2009 à , par Licida :: site

Cela sera même filmé et diffusé en direct sur Arte Live Web:

http://liveweb.arte.tv/fr/video/Cephale_et_Procris_-_Grandes_journees_Gretry/

5. Le samedi 14 novembre 2009 à , par Licida

Et pour Chimène et Guillaume Tell, Arte aussi a la réponse:

http://liveweb.arte.tv/fr/video/Les_favoris_de_Marie_Antoinette_-_Grandes_journees_Gretry/

6. Le samedi 14 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

Licida tutélaire, bénis soient tes autels !

Je vais me consoler ainsi ! <]:-D

7. Le samedi 14 novembre 2009 à , par DavidLeMarrec :: site

@ Moander : Oui, se méfier plus que tout des avis anciens, ils sont au moins aussi mauvais que les avis récents. Lorsqu'on voit les critères d'appréciation (ou leur absence absolue...), ça laisse rêveur.
Donc pas très optimiste sur le reste de Grétry, mais bien tenté par Céphale tout de même.

Pour l'Amant, je te laisse prendre le risque, je suivrai si c'est vraiment nécessaire. Mais à vue de nez préjugeant...

Quant à Chimène et Guillaume, c'étaient des extraits avec Iphigénie en Tauride de Gluck et Les Danaïdes de Salieri, dans une distribution de feu... Il faut dire qu'avec un titre pareil ("Les favoris de Marie-Antoinette"), je pensais que ça nous referait le concert de l'Archipel.

Bref, grâce à Licida, nous voilà sauvés d'un sort pire que la mort !

8. Le mercredi 16 décembre 2009 à , par DavidLeMarrec

Voici la citation partielle, sur la suggestion généreuse d'Agnès, d'un dialogue privé, qui apporte quelques précisions sur le commentaire des lutins.

Il faut d'abord saluer le Mahler Chamber Orchestra. Ayant imprudemment négligé de vérifier la distribution avant notre départ, on le prit même pour un orchestre français à cause des cuivres (mais la couleur des bois ne convenait pas), un peu bruyants et durs, bavant légèrement.

quand c’est dur, ça ne devrait pas baver, justement.

L’un n’empêche pas l’autre : le son lui-même est dur, mais l’attaque peut être baveuse. Par ailleurs, quand je parle de « baveux » pour des cuivres, je donne un sens précis à la chose, c’est lorsque le son semble éructer vilainement, comme un tuba à pleine force, au lieu d’être rond et en quelque sorte calibré.

C'était être mauvaise langue : les cuivres des meilleurs orchestres français n'ont plus cette acidité agressive d'antan, ceux de l'Opéra de Paris ou du National de France sont même vraiment remarquables.
Mais quels bois ! Le hautbois solo et le cor anglais étaient en particulier merveilleux, d'une intensité de couleur et d'une expressivité dans le vibrato, le legato, d'une qualité dont on a peu d'exemple (on a pu penser au son enchanteur d'Albrecht Mayer par exemple).

comment peut-on avoir l’un et l’autre ? ( vibrato et legato)

Le vibrato (sujet en préparation ce soir même pour CSS, j’espère une publication prochaine) est l’oscillation du son tenu. Le legato, c’est lien entre deux notes. Il est tout à fait possible, et même très souhaitable lorsqu’il s’agit de cordes ou de chanteurs, de disposer des deux.

Un exemple tout bête : le violoniste qui bouge sa main sur la touche produit un vibrato. Ca ne l’empêche pas d’avoir ses doigts bien collés à l’instrument pour être lié lorsqu’il change de note.

Hautbois solo du Philharmonique de Berlin, un son extraordinairement dense et beau. Et ici, tout le monde le dit, pas que moi.

La direction de Daniel Harding était d'une rare poésie dans le Prélude du I. Un crescendo dosé sans goût du spectaculaire, et surtout un début baignant encore dans le silence... Le public était d'ailleurs pleinement religieux : Wagner est exigeant et effectue une sélection. (Le prix des places aussi a tout pour décourager les simples touristes... Mais les habitués ont leurs petites combines pour ne pas - trop - se ruiner.)
Dans l'acte II en revanche, le son paraissait en permanence fort, créant une sensation de suffocation à la longue. Et, étrangement, le souffle était relativement mesuré.

Les chanteurs étaient à l'unisson de cette conception : superlative techniquement et esthétiquement, mais manquant sans doute d'abandon.Franz-Josef Selig était conforme à sa réputation - et à son habitude des trois (seuls ?) rôles de son répertoire (Marke, Gurnemanz et Henri l'Oiseleur, si on veut être mauvaise langue). D'une aisance déconcertante, il manifeste une grande présence vocale, avec une voix à la fois un peu grasse, qui convient bien à ce type de répertoire, mais pas du tout erraillée comme souvent pour ce type de profil vocal, au contraire assez bien timbrée. De ce fait, il se balade avec une facilité absolue dans son texte et sa musique.

je n’imaginais pas qu’une voix de basse pût être «éraillée », qualificatif que j’aurais associé à un ténor.

Ah oui, j’ai fait une faute très jolie, ça fait presque du sens. Oui, ça s’entend plus chez un ténor, mais ce côté rêche, avec un timbre qui n’est pas rond, mais filandreux, comme une voix fatiguée, ça se trouve souvent chez les basses, et particulièrement les wagnériennes, parce qu’on fait du bruit avec ce genre de timbre.

John Mac Master, l'inconnu du plateau en quelque sorte, est véritablement une révélation. La voix est légèrement nasale

ça c’est bon. Je l’avais identifié comme tel.  

pour bien accrocher le masque

?????

Oui, c’est un terme technique. Le chanteur d’opéra, pour se faire entendre, cherche à créer des harmoniques qui ne sont pas dans l’orchestre – c’est ce que l’on appelle le « formant du chanteur ». Pour ce faire, il fait résonner les os de la face et du crâne – ce que l’on appelle logiquement le « masque », et qui a à peu près, pour faire vite, la même fonction que le masque du théâtre grec ancien : amplifier le son. Ce sont généralement de là que proviennent les harmoniques métalliques qu’on entend à l’opéra, particulièrement chez les chanteurs d’école italienne.

En termes d’apprentissage du chant, « accrocher le masque », c’est justement trouver ces résonateurs. Et c’est pour cela que beaucoup de chanteurs chantent du nez, pour bien balancer le son dans les os de la face.

, comme c'est très souvent le cas chez les ténors d'école américaine, mais pas du tout déséquilibrée.

Vu la suite, « accrocher le masque », ça voudrait définir une voix qui retient et ne se donne pas ???

Les ténors d’école américaine sont souvent nasals pour les raisons que je viens d’exposer, et aussi parce que leur langue naturelle est déjà assez nasale. Il y a effectivement des spécificités nationales dans l’apprentissage du chant, même si elles se gomment avec la mondialisation et surtout le mélange des langues au sein d’une même carrière. Je ne vais peut-être pas aller plus avant dans le sujet, on a déjà beaucoup papoté ce soir !

Au contraire, elle rayonne de façon impressionnante, à la fois puissante, mais d'un éclat doux. On a pu songer à l'aspect radieux de Luciano Pavarotti ou Sándor Kónya.

je n’avais jamais pensé à associer les 2. Le deuxième n’est-il pas extrêmement plus doux et mieux chantant que le 1er ?  

Techniquement, ce serait plutôt l’inverse. Evidemment, stylistiquement et dramatiquement, Kónya est d’une autre hauteur de vue. Je trouve quelque chose de rayonnant dans les deux cas, Kónya étant le versant wagnérien de la luminosité, en quelque sorte.

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