Atys, un exemple d'improvisation-culte
Par DavidLeMarrec, samedi 13 février 2010 à :: Baroque français et tragédie lyrique :: #1476 :: rss
Les quelques notes d'archiluth qui précèdent l'air de Sangaride au premier acte d'Atys (1676) dans la seule version disponible (Christie, baroud d'honneur pour sauver la compagnie des Arts Florissants en 1987, qui s'avéra victorieux à deux doigts d'une banqueroute certaine), sont restés dans l'imaginaire collectif de tous les amateurs de tragédie lyrique comme un moment de rare grâce, manifeste du génie de Lully.
Assez curieux de lire cela, et doutant fortement qu'on pût à cette époque noter précisément une ligne de luth solo, même épisodiquement, je désirais depuis longtemps vérifier sur la partition. Ce que je fis, grâce à une bibliothèque universitaire qui m'a galamment mis entre les mains la seconde édition (1708) de l'oeuvre, par Henri de Baussen, celle qui succède à l'originale par Christophe Ballard en 1689, et autrement plus confortable à la lecture :

On voit à merveille qu'il ne figure ici que la ligne chiffrée de basse continue, donc certes toute l'évolution harmonique très belle de ce passage, mais point de ligne de luth ou théorbe. C'est donc une invention de Christie (ou du transcripteur-arrangeur qu'il a mandaté), et cela témoigne une fois de plus que dans ce répertoire, vu la part de ce qui est noté, vu aussi l'importance de l'inégalité des notes égales, des agréments (ornementations) et ornements (variations), l'interprète est bel et bien un co-créateur, qui n'invente certes pas l'ossature de l'oeuvre, qui est réellement inspirée chez Lully, mais qui lui donne tout son vernis, qui la rend intéressante ou ennuyeuse. (Alors qu'une symphonie de Beethoven, même au quart de la vitesse, demeure cohérente et passionnante.)
Cela n'a pas à voir avec la qualité intrinsèque de l'oeuvre, comme on cherche parfois à le faire croire, mais avec un mode d'approche de la création, qui n'est pas l'apanage exclusif et jaloux du compositeur.
On pourrait développer la même argumentation pour le choix du positif nuptial à l'acte IV, très amusant.
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Bref, ne serait-ce qu'eu égard à cette ligne de luth, dans cet Atys, lorsqu'on applaudit Quinault pour son inspiration dramatique et Lully pour sa poésie sonore, on peut aussi laisser quelques rameaux pour Christie.
Commentaires
1. Le samedi 13 février 2010 à , par Era
2. Le samedi 13 février 2010 à , par DavidLeMarrec :: site
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