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Carl NIELSEN - Première Symphonie - une version de référence inattendue


Les lutins ont déjà proclamé leur violente tendresse pour les premières Symphonies de Carl Nielsen. Ces oeuvres, à défaut d'être données au concert en France, ont vécu une intense fortune discographique ces dernières années - un guide discographique est en préparation.

Mais quelle ne fut pas ma surprise en découvrant, au détour d'une vérification de routine pour constater si l'on trouvait enfin une vidéo de symphonies de Nielsen hors des 4 et 5... une version de la Première (la plus négligée de toutes) qui surpasse toute les autres à mon goût, en tout cas pour son premier mouvement, l'un des plus beaux de tout Nielsen.

Et pourtant... il ne s'agit que de l'orchestre du lycée Saint-Anne à Valby (une portion de Copenhague). Qui accueille, certes, des étudiants plus âgés et extérieurs à l'établissement. Mais tout de même...


Il est d'usage de faire un effort d'originalité pour les photos d'orchestre, mais il faut bien admettre qu'ils se sont surpassés ici... les jeunes cervelles ont mouliné sévère.


Je suis effaré par la lisibilité, le feu, la logique structurelle (que j'entends mieux ici, même sans l'image, que n'importe où ailleurs)... Pourtant, instrumentalement, quoique fort bons, ce n'est pas parfait, pas du niveau d'un orchestre professionnel.

Ne vous laissez pas abuser par l'entrée en matière brouillonne (aussi bien pour la mise en place que pour la justesse), ça ne dure que quelques mesures.


(Les autres mouvements se trouvent sur la chaîne de l'orchestre, à la suite de celui-ci.)

Comment cela est-il possible ?

J'y vois plusieurs explications.

D'abord, la tradition d'excellence instrumentale nordique. La moindre bourgade dispose de son orchestre, et d'une qualité qui rivalise souvent avec les orchestres professionnels d'Europe "continentale". Et Nielsen représente un standard pour les étudiants danois - on entend bien avec quel naturel ils sentent les articulations de cette musique.

Ensuite, l'effet amateur. J'ai déjà entendu des orchestres amateurs très faibles (violons jouant au quart de ton près) dégager une certaine électricité, dispenser des moments de grâce, parce qu'il y a une forme d'implication, de tension qu'il n'y a pas chez les professionnels. Parce que pour l'amateur, l'orchestre reste une exception et non un devoir (implication émotionnelle), et aussi parce qu'il y a un enjeu technique plus grand et que cela crée une certaine tension sonore.
Lorsque les amateurs sont de très bon niveau comme ici, cela peut fournir d'excellents résultats. Et la captation directe, sans retouches, dans une petite salle (à Vác, en Hongrie), favorise aussi cet impact physique.

Concernant le Sankt Annæ Symfoniorkester, cela ne s'arrête pas là. Vous aurez noté le petit nombre des cordes. De ce fait, on entend bien mieux la petite harmonie - car dans un orchestre, si l'on double le nombre des cordes, on ne doublera jamais le nombre des bois, alors souvent noyés... Ici, on atteint juste le seuil critique pour un fondu des cordes (dizaine de violons), mais pas de quoi écraser la pâte sonore. Que les orchestres sérieux n'en font-ils autant !

Enfin, le travail du chef Frederik Støvring Olse se révèle exemplaire, très attentif à ses musiciens (rétablissant la situation tendue du début, même s'il restera des décalages, bien naturels dans une musique aussi touffue), et surtout soignant les articulations, aussi bien de la macrostructure (voyez comme les éléments thématiques sont nettement découpés, comme la Coda se construit méthodiquement...) que des phrasés, réalisés avec beaucoup de relief.

Il faut dire aussi que plus une musique est précisément écrite (c'est donc le cas pour les symphonies du XXe siècle), plus la place de l'interprète est mineure dans l'espace créatif : produire la meilleure version d'une symphonie de Haydn me paraît assez inaccessible à des amateurs.

Les trois autres mouvements ne rivalisent pas avec les meilleures versions de l'oeuvre, mais l'impact global reste immense, de mon point de vue. Sans parler du plaisir de pouvoir voir en action cette musique, un plaisir encore différent de la lecture simultanée de la partition...


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Commentaires

1. Le mardi 19 juillet 2011 à , par Olivier :: site

tu parles du petit nombre de cordes et je pense que c'est l'explication principale. Je trouve que 25 violons qui jouent à l'unisson dans les aigus, c'est rarement beau. Aussi, ils couvrent effectivement tout le reste (les chanteurs aussi, quand il y en a). Je n'ai jamais compris pourquoi les orchestres symphoniques étaient aussi fournis en cordes... Sûrement à cause des grands élans romantiques larmoyants dans certaines symphonies.

2. Le mercredi 20 juillet 2011 à , par DavidLeMarrec

Importante, oui, mais la prise de son très directe et la qualité énorme du travail du chef (pour produire à la fois cette mise en place et cette fièvre avec un orchestre de non-professionnels ! - sans parler de la façon de mettre en valeur la circulation thématique bien caractéristique de ce mouvement...) sont tout aussi déterminantes à mon sens.


Pour les 25 violons, c'est plutôt 25 premiers violons dans les grands orchestres internationaux. 25 violons, ce n'est pas un gros orchestre.

Oui, ces cordes nombreuses, c'est un calibrage qui se justifie quand tu as les bois par quatre et une grosse section de cuivres - et encore, s'il y a trop de cordes, on peut bien mettre les bois par huit qu'on ne les entendrait pas, puisque la petite harmonie fonctionne par solos...
Je me suis toujours demandé pourquoi on ne doublait pas les bois ; question d'adéquation des timbres et des justesses, sans doute.

Mais je suis d'accord, l'abondance en cordes n'a pas grand intérêt, à part un beau fondu, mais au détriment de la clarté. Or une symphonie ne repose pas que sur la mélodie des premiers violons...

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