samedi 12 mai 2012
Sabotage
Quand les boutiques commencèrent à s’illuminer et que la nuit lui parut assez noire, il se dirigea vers la place du Palais-Royal en homme qui craignait d’être reconnu, car il côtoya la place jusqu’à la fontaine, pour gagner à l’abri des fiacres l’entrée de la rue Froidmanteau, rue sale, obscure et mal hantée ; une sorte d’égout que la police tolère auprès du Palais-Royal assaini, de même qu’un majordome italien laisserait un valet négligent entasser dans un coin de l’escalier les balayures de l’appartement. Le jeune homme hésitait. On eût dit d’une bourgeoise endimanchée allongeant le cou devant un ruisseau grossi par une averse. Cependant l’heure était bien choisie pour satisfaire quelque honteuse fantaisie. Plus tôt on pouvait être surpris, plus tard on pouvait être devancé. S’être laissé convier par un de ces regards qui encouragent sans être provocants ; avoir suivi pendant une heure, pendant un jour peut-être, une femme jeune et belle, l’avoir divinisée dans sa pensée et avoir donné à sa légèreté mille interprétations avantageuses ; s’être repris à croire aux sympathies soudaines, irrésistibles ; avoir imaginé sous le feu d’une excitation passagère une aventure dans un siècle où les romans s’écrivent précisément parce qu’ils n’arrivent plus ; avoir rêvé balcons, guitares, stratagèmes, verrous, et s’être drapé dans le manteau d’Almaviva ; après avoir écrit un poëme dans sa fantaisie, s’arrêter à la porte d’un mauvais lieu ; puis, pour tout dénoûment,
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Citations passantes - Littérature a suscité :
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