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Atys de Niccolò PICCINNI - I - La part de Marmontel (1780 ARdM - 2012 Bouffes du Nord)



Mise à jour du 10 octobre 2012 : II - présentation de la musique de Piccinni, et de l'interprétation de la soirée.

L'ensemble de ces deux notules assez longues existe également en PDF pour faciliter la consultation.


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Afin de contenter les lecteurs impatients, voici la première partie du voyage autour de cette œuvre, partiellement recréée les 23 et 24 septembre derniers. Agrémentée d'extraits.


Musiciens du Cercle de l'Harmonie dirigés par Julien Chauvin : ouverture et plainte d'Atys (« Amants qui vous plaignez »). Ce n'est pas une modification de l'arrangement proposé ce soir-là (oeuvre condensée enn 1h10 de musique), Marmontel fait bien ouvrir le drame immédiatement après l'ouverture par Atys sans Idas, ce qui se défend assez bien dans le cadre d'une version déjà raccourcie en 1780 par rapport à celle de 1676. Atys par Mathias Vidal, Sangaride par Chantal Santon.
Merci au spectateur qui a fourni ce matériel sonore ! Je précise toutefois que la captation, quoique de bonne qualité, ne rend pas justice à la beauté et à la cohésion des timbres en salle, et on entend, à cause de la réverbération en haut du théâtre vide (moi, j'étais placé au fond du parterre, où le problème ne se posait pas), des sortes de "scories", à l'orchestre en particulier, qui en réalité n'existaient pas dans la salle. Même chose pour l'impact des chanteurs, supérieur sur place.


Dans une salle à peu près complètement vide (à part le parterre, de plus exigu, le théâtre n'était quasiment pas rempli, on devait être quelque part entre le quart et le tiers de la jauge, même les couloirs étaient déserts), le Théâtre des Bouffes du Nord programmait une production de la désormais rituelle association CMBV / Bru Zane, autour de la dernière relecture de l'Atys de Quinault. Un document passionnant.

On peut lire un commentaire sur l'œuvre-source de Quinault & Lully ici.


1. Niccolò Piccinni (1728-1800) en France

Originaire de Bari, Piccinni se fait d'abord, comme il est d'usage, un nom en Italie, à Naples, puis à Rome. L'ambassadeur du royaume de Naples en France l'invite à rejoindre Paris en 1776, sur impulsion de la reine Marie-Antoinette, dont il devient le professeur de chant. Sa carrière est alors déjà faite en Italie, avec des dizaines d'opéras bien accueillis dans les différents temples lyriques italiens : Fiorentini, Nuovo, San Carlo et Pergola à Naples ; Argentina, Valle, Dame, Capranica à Rome ; et Turin, Bologne, Milan, Venise, Modène... Ce à quoi il faut ajouter des commandes pour des capitales européennes comme Dresde ou Lisbonne.
Néanmoins, son succès commence à pâtir à Rome de ceux de son ancien élève Pasquale Anfossi, et le prestige (assez singulier en Europe) de la Cour parisienne est alors tout indiqué pour relancer sa carrière.

On décrit régulièrement sa « rivalité » (comme très souvent, plus une rivalité des admirateurs que des compositeurs eux-mêmes) avec Gluck comme une seconde Querelle des Bouffons, où Piccinni tiendrait le rôle (forcément) de l'italien partisan de la joli musique contre Gluck, défenseur d'un texte fort.
Il est possible qu'à l'époque le contraste ait existé, car Piccinni dispose en effet d'une veine mélodique plus conjointe, moins accidentée que Gluck ; mais en regardant les partitions, néanmoins, il apparaît que la différence entre les deux est une affaire de nuance, et certainement pas d'opposition. Gluck paraît peut-être, vu de loin, plus sombre et intransigeant avec ses drames, mais la comparaison des relectures de Quinault de chacun ne me paraît pas à l'avantage du germanique. Tous deux répondent tout simplement à un changement du goût dans la tragédie en musique, au même titre que l'ont fait (J.-Ch.) Bach, Grétry, Sacchini ou Salieri.

Et à mon sens, malgré ces différences, les deux compositeurs œuvrent dans la même direction de l'histoire musicale : la querelle des gluckistes et des piccinnistes ne me paraît pas soulever des enjeux aussi contradictoires et fondamentaux que la précédente controverse.

Dans ces drames, l'épure prévaut, avec la disparition des lignes courbes, une simplification rythmique (on préfère désormais la symétrie à la danse). C'est aussi le temps d'une domination absolue d'un mode majeur très lumineux (et naïf à nos oreilles d'aujourd'hui), même pour exprimer les tourments les plus amers - en parfaite concordance avec l'image que la postérité a donné de la Cour de Marie-Antoinette, d'une gaîté qui paraît naïve et superficielle, et par ailleurs sans rapport avec la réalité du monde. Et pourtant, à l'opposé, on n'a jamais autant aimé les grands récitatifs dramatiques violents.

Malgré les explorations de partitions, je n'arrive pas bien à situer ''qui'' impose ce style. Manifestement Gluck, vu les dates, mais Gluck demeure un peu à part, moins sensible au majeur, et beaucoup moins éloquent que Piccinni ou Salieri dans le récitatif (oui, contrairement à l'image qu'on en a) - il semble que pour lui, le récitatif demeurait pour partie une couture inférieur aux "numéros", un peu comme en Italie, même s'ils sont chez lui infiniment plus écrits et intéressant. Ce style galant et violent à la fois, commun à Piccinni, Grétry, Sacchini, Salieri, Catel, compositeurs chez qui l'on retrouve quasiment les mêmes formules dans le récitatif (sauf Sacchini, le plus faible de tous ceux-là), d'où vient-il ? Peut-être justement de Piccinni, mais je n'ai pas de réponse.


2. Jean-François Marmontel et la dernière révision d'Atys

Il est de tradition pendant tout le XVIIIe siècle de reprendre les livrets admirés du Grand Siècle, et en particulier ceux de Quinault. Au début, en conservant le récitatif de Lully (toujours considéré comme une référence) et en récrivant les divertissements selon l'évolution des goûts du public. Puis on récrit totalement la musique (Gluck pour Armide, 1777), on coupe le texte pour le réorganiser en moins d'actes (Jean-Chrétien Bach pour Amadis de Gaule, 1779), et on finit par rectifier les vers et ajouter le texte d'ariettes (Piccinni et Marmontel pour Roland, 1778, et Atys, 1780).

On a donc mis assez longtemps pour oser amender profondément le livret original, peu ou prou un siècle, ce qui est assez exceptionnel en un temps où l'on n'avait pas du tout le même culte pour la conservation qu'on observe aujourd'hui.

Marmontel coupe donc dans le texte de Quinault, amende quelques vers, et développe les états d'âme des personnages.

Un exemple peut nous servir de point de départ concret.
La scène avec Celænus condense, dans l'adaptation Bru Zane & Cercle de l'Harmonie qui était présentée ces 23 et 24 septembre à Venise et Paris, les doutes du roi au II et son soulagement trompeur au III (chez Quinault en II et IV). On peut percevoir assez clairement dans ces extraits à quels niveaux agit Marmontel. Illustration.


Atys par Mathias Vidal (la voix est commune, mais le verbe souverain), Celænus par Aimery Lefèvre. Ce dernier semble avoir considérablement progressé, se positionnant (aux côtés de Jean Teitgen et Benoît Arnould) comme l'une des basses-tailles les plus talentueuses (dans un répertoire où les bonnes voix graves sont rares), avec une voix désormais pleine d'autorité et une expression beaucoup plus pénétrante - dans un rôle pourtant mince et peu propice à la mise en valeur !


Quinault 1676 refonte Marmontel 1780
II,1

CELÆNUS
Son trouble m'a surpris. Elle t'ouvre son âme ;
N'y découvres-tu point quelque secrette flâme ?
Quelque Rival caché ?

ATYS
Seigneur, que dites-vous ?

CELÆNUS
Le seul nom de rival allume mon couroux.
J'ay bien peur que le Ciel n'ait pû voir sans envie
Le bonheur de ma vie,
Et si j'estois aimé mon sort seroit plus doux.
Ne t'estonnes point tant de voir la jalousie
Dont mon ame est saisie,
On ne peut bien aimer sans estre un peu jaloux.

ATYS
Seigneur, soyez content, que rien ne vous allarme ;
L'Hymen va vous donner la Beauté qui vous charme,
Vous serez son heureux espoux.

CELÆNUS
Tu peux me rassurer, Atys, je te veux croire,
C'est son cœur que je veux avoir,
Dy-moy s'il est mon mon pouvoir ?

ATYS
Son coeur suit avec soin le Devoir & la Gloire,
Et vous avez pour vous la Gloire & le Devoir.

CELÆNUS
Ne me déguise point ce que tu peux connaistre,
Si j'ay ce que j'aime en ce jour
L'Hymen seul m'en rend-t'il le maistre ?
La Gloire & le Devoir auront tout fait, peut-estre,
Et ne laissent pour moy rien à faire à l'Amour.

ATYS
Vous aimez d'un amour trop delicat, trop tendre.

CELÆNUS
L'indifferent Atys ne le sçauroit comprendre.







IV,3






CELÆNUS
Vostre cœur se trouble, il soûpire.

SANGARIDE
Expliquez en vostre faveur
Tout ce que vous voyez de trouble dans mon cœur.

CELÆNUS
Rien ne m'allarme plus, Atys, ma crainte est vaine,
Mon amour touche enfin le cœur de la Beauté
Dont je suis enchanté :
Toy qui fus tesmoin de ma peine,
Cher Atys, sois tesmoin de ma felicité.
Peux-tu la concervoir ? non, il faut que l'on aime,
Pour juger des douceurs de mon bonheur extresme.
Mais, prés de voir combler mes voeux,
Que les moments sont longs pour mon coeur amoureux !
Vos Parents tardent trop, je veux aller moy-mesme
Les presser de me rendre heureux.




II,2 [1]

CELÆNUS
Sangaride gémit ! … [2] Elle t'ouvre son âme ;
N'y découvres-tu point quelque secrète flamme ?
Quelque rival caché ?

ATYS
Seigneur, que dites-vous ?

CELÆNUS
Le seul nom de rival allume mon courroux.
[3]












Atys, rassure-moi ; je consens à te croire. [4]
C'est son cœur que je veux avoir,
Dis-moi s'il est en mon pouvoir.

ATYS
Son cœur suit avec soin le devoir et la gloire,
Et vous avez pour vous la gloire et le devoir.

CELÆNUS
Ne me déguise point ce que tu peux connaître,
Me suis-je en vain flatté d'un plus tendre retour ? [5]

La gloire et le devoir auront tout fait peut-être ;
Et ne laissent pour moi rien à faire à l'amour. [6]

ATYS
Vous aimez d'un amour trop délicat, trop tendre.

CELÆNUS
L'indifférent Atys ne le saurait comprendre.

[Pour les besoins de la coupure, l'arrangement du
concert a été réalisé en intégrant l'air de Celænus, à l'acte III,
directement ici, avant d'autres épisodes qui ont été conservés
(échanges entre Cybèle et Atys après le Songe). Même chez
Marmontel, le Roi quitte donc Atys avec des troubles non élucidés]


III,2

[Evidemment, Marmontel ne conserve pas la dispute
semi-comique entre Sangaride et le Roi, remplacé par deux
répliques très plates : « Ah ! Ce n'est pas assez. » – « Que
puis-je encor vous dire ? ».]


CELÆNUS
Votre cœur se trouble, il soupire.

SANGARIDE
Expliquez en votre faveur
Tout ce que vous voyez de trouble dans mon cœur.

CELÆNUS
Rien ne m'alarme plus, Atys, ma crainte est vaine,
Mon amour touche enfin le cœur de la Beauté
Dont je suis enchanté :
Toi qui fus témoin de ma peine,
Cher Atys, sois témoin de ma félicité.









[air]

Je vais posséder Sangaride !
Ah ! Qui fut jamais plus heureux ?
Sa bouche innocente et timide
A daigné répondre à mes vœux.

J'ai lu mon destin dans ses yeux ;
Un soupir a trahi son âme.
Dans ce moment délicieux,
J'ai senti redoubler ma flamme ;
Dans ses regards j'ai vu les cieux.

Je vais posséder Sangaride !
Ah ! Qui fut jamais plus heureux ?
Sa bouche innocente et timide
A daigné répondre à mes vœux. [7]

Notes :

[1] Dans sa refonte en trois actes, Marmontel place l'entretien-aveu de Cybèle avec Mélisse (en II,3 chez Quinault) au début de son acte II, d'où le décalage. Les actes I et II sont ainsi fusionnés (I, amour et promotion d'Atys), de même pour les actes III et IV (II, amour de Cybèle, amour de Celænus, le songe, l'hyménée), l'acte V demeurant pour le dénouement (III).
Cela entraîne, au passage, l'aveu de Cybèle à sa confidente avant celui de Celænus à Atys.

[4], [6] Marmontel ajuste la grammaire désuète (le pronom COD « te » se place désormais avant le verbe à l'infinitif qu'il complète et non plus avant le verbe conjugué comme dans la langue classique), mais alors qu'elle demeure intelligible et élégante, il aplatit considérablement le vers de Quinault (4).
Plus intéressant, on remarque la suppression des majuscules allégoriques (6). Et en effet, toutes les modifications de Marmontel tendent à rendre (comme le font l'ensemble des poètes dramatiques de son époque, que ce soit pour chanter ou parler) plus terriennes les aventures de leurs héros.
Rien que le lexique qu'ajoute Marmontel modifie considérablement le climat général, bien plus tendre. Il y est davantage question du sentiment que des déchirements de valeurs contraires ; d'une histoire édifiante sur la rage des passions amoureuses, atteignant les plus hauts degrés de la trahison et du crime, on se trouve plongé dans une intrigue considérablement plus centrée sur les affects amoureux standards (espoir, dépit, jalousie, exultation, désespoir...).
Il est assez intéressant d'observer comment les ruptures qu'on décrit dans les histoires de la Musique ou de la Littérature s'incarnent, dans le détail, dans une succession de dégradés assez fins. En réutilisant un poème dramatique Grand Siècle, et en le traitant avec une économie et un vocabulaire du second XVIIIe, on s'aperçoit que la dégradation du crédit envers les superstitions, l'exaltation de la mesure humaine et de la subjectivité individuelle nous dressent en somme un pont tout naturel vers le romantisme.
Il est vrai que le lien est particulièrement aisé à opérer pour Atys, qui demeure une pièce tout à fait singulière, où la violence des passions, le goût du démonstratif et la force . Les duos amoureux sont du pur classicisme, mais la catastrophe convient assez bien au goût romantique, n'était le merveilleux que Marmontel se fait déjà un devoir de contraindre à une expression minimale (Cybèle devenant une sorte de Princesse de Bouillon... à plus forte raison dans l'incarnation de Marie Kalinine, si j'osais).

[2], [5] La langue de Marmontel accentue, avec des formules très loin de l'élégance altière des originaux, cette impression d'amours pastorales. Plus encore, quelque chose de la réserve de ses personnages (le maintien de la Cour n'étant plus tout à fait semblable) a disparu.
En 1676, Sangaride laisse percevoir des signes imperceptibles d'émotion (« son trouble m'a surpris ») ; en 1780, elle verse des torrents de pleurs dans les antichambres (« Sangaride gémit ») (2).
De même, en 1676, on utilise toutes sortes de périphrases pour aborder l'authenticité du sentiment amoureux (« l'Hymen seul m'en rend-il le maître »), alors que Marmontel le dit, certes toujours avec une apparence de préciosité, mais de façon beaucoup plus directe : « Me suis-je en vain flatté d'un plus tendre retour ? ». Autrement dit, chez Marmontel, l'amour devient le ressort unique de l'action et de la psychologie des personnages. Même si la tragédie lyrique a toujours placé l'amour comme vainqueur des autres valeurs (contrairement à la tragédie déclamée qui donne le pas à l'honneur et à la politique), on se rend compte que, dans cette relecture d'Atys (et la remarque serait valable pour beaucoup de livrets du temps), toutes les questions de politique (le mariage nécessaire), de justice (les exigences de Cybèle), de transcendance (rôle des dieux, suicide...) et même de culpabilité se trouvent singulièrement amoindries, comme gommées.
Tout cela va dans le même sens que la suppression des allégories (6) : Atys est devenu un drame humain quasiment quotidien, qui n'a plus rien d'épique, d'extraordinaire ou d'exemplaire ; simplement une histoire racontée, un divertissement.


[3], [7] Et jusqu'à la psychologie amoureuse est simplifiée : les hésitations éthiques de Celænus qui craint de forcer un cœur libre, et qui voisinent avec la jalousies, sont largement amputées (3), tandis que l'air ajouté ressasse les poncifs les plus éculés de l'ariette amoureuse (7). On pourrait citer chaque vers, chaque rime de cet air (au texte d'ariette)... et quelle trivialité, pour un souverain qui a souci de ne devoir son bonheur amoureux qu'à lui-même, de ne pas rêver plus haut que de « possession » à propos d'un objet aimé – pour ne rien dire des couples « heureux / vœux » et « âme / flamme ».
Toutes les interventions de Marmontel ne sont pas aussi abyssales, loin s'en faut, et il s'agit pourtant, contrairement aux apparences, d'un bon littérateur. Mais l'adjonction de ce texte à un poème aussi singulier et aussi paroxystique que l'Atys de Quinault montre bien comment l'adaptation au goût du temps a prévalu sur toute considération des particularités du texte original.
On pourrait comparer cela à une comédie musicale qui convoquerait la figure de Faust pour en faire un frustré qui, une fois bodybuildé, peut enfin, en lunettes noires et cylindrée dispendieuse, frimer auprès de jeunes plantes passablement dénudées. On a en quelque sorte le sentiment qu'il était possible d'actualiser les choses sans les rendre aussi tièdes Marmontel ne fait pas mieux ici que les librettistes et compositeurs du seria, qui mobilisent les plus grands mythes pour faire leur promotion, mais les traitent toujours de façon strictement identique dans les mots, la musique et la structure dramatique, que ce soient (fictifs, légendaires ou réels) Admète, Galathée, Scevola, Scipion, Roland de Roncevaux, Godefroy de Bouillon, Richard Ier ou Amadis !
Sans prétendre que les sujets n'étaient pas des prétextes à écrire une œuvre de son temps, la France se distinguait précisément par le soin apporté à ses livrets, et à l'intérêt que leur témoignait le public, parlant volontiers des opéras « de » Quinault ou Fontenelle.


Ailleurs, on rencontre d'autres platitudes, tel « Qu'on les amène ici ! », très inférieur à la qualité d'élocution et à la hauteur de vue qu'on est en droit d'attendre d'une déesse. Ou encore cette risible demande de pardon, qui permet certes de ménager un quatuor pour le compositeur, mais dont le contenu contrevient totalement à toutes les qualités du drame de Quinault : précisément, l'ingratitude du couple amoureux est reconnue par eux dès le début, et leur défense se montre assez succincte : «  Pouvez-vous condamner / L'Amour qui nous anime ? / Si c'est un crime, / Quel crime est plus à pardonner ? », loin de cette imploration assez peu héroïque.
A noter aussi, contrairement à ce que faisait entendre la « version courte » donnée par le Cercle de l'Harmonie, l'œuvre se termine sur un choeur sombre (très bref : « Ô spectacle funeste / Où règnent l'horreur et l'effroi » et simultanément, selon les voix « Ô spectacle funeste / Ô jour de douleur et d'effroi), comme Sémiramis de Catel, dans la même lignée esthétique (1802).

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On se trouve donc en présence d'un développement des personnages, en leur ajoutant des délibérations (alors qu'on ne fait le plus souvent que déduire leurs émotions de leurs actes et discours, chez Quinault) qui servent surtout à ménager des ariettes... mais qui ne vont que dans le sens d'une standardisation de leurs psychologies.
Les sous-entendus dans les relations entre personnages en sont aussi assez largement bannis.
Et d'une manière générale, la transcendance (aussi bien religieuse que morale) disparaît des enjeux, on aurait difficilement mieux illustré par l'opéra que le XVIIIe n'a plus le même rapport au sacré – et ce, jusque dans un livret qui est pourtant tout sauf un hymne grandiloquent à la Raison.

Pas très heureux, donc, mais l'armature de Quinault demeure, et la majeure partie de l'œuvre étant de sa main, le résultat reste convaincant.

Surtout que la musique est bonne. Mais j'y reviendrai plus tard, le sujet était suffisamment fascinant pour faire long sur le texte seul.


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David Le Marrec

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