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Charpentier - David et Jonathas - l'oeuvre, la représentation, la déclamation (Christie, Homoki, Opéra-Comique 2013)


L'oeuvre, la représentation, les Arts Flo aujourd'hui, l'état général de la déclamation musicale baroque.

(Représentation du 18 janvier 2013 à l'Opéra-Comique.)


Dessin de Jean Berain (1699) figurant la tente de Marthésie, pour l'acte II de l'opéra de La Motte & Destouches, jamais redonné à ce jour. Dessin à la plume, à l'encre brune, au lavis gris et brun, et à l'aquarelle. Conservé aux Archives Nationales.


1. Préambule

Pour éclairer les impressions qui vont suivre, il faut d'emblée préciser que je n'aime pas beaucoup David et Jonathas - un des rares titres parmi les tragédies en musique qui me laisse assez froid. Parmi l'ensemble du répertoire que j'ai pu aborder (tout ce qui a été publié au disque, un grand nombre de captations radios et de partitions), il ne doit y avoir que cinq oeuvres dans ce cas (Alcide de Marais & Lully fils, Alcyone de Marais, Hippolyte et Aricie de Rameau, Jephté de Montéclair et ce David et Jonathas).

Toutes ont en commun une poétique assez sèche dans le récitatif, en général peu mélodique et surtout pourvu de courbes prosodiques assez plates, comme si la déclamation avait été négligée. Par ailleurs, malgré leur grand raffinement musical (ce sont globalement des oeuvres qui appartiennent au versant "novateur" de la tragédie à leurs époques respectives), quelque chose y manque d'évidence, de continuité, de chaleur. De beaux objets un peu froid, généralement desservis par des livrets assez atroces.

2. L'oeuvre

Et en effet, le livret du Père Bretonneau, conçu pour compléter la pièce de théâtre aujourd'hui perdue, développe des atmosphères plus que des actions. Même si les contemporains ont ressenti la musique de scène hypertrophiée de Charpentier comme un opéra (et elle s'y apparente grandement en effet), cette oeuvre fonctionne comme une sorte de divertissement géant à six entrées, où la cohérence de l'intrigue n'a pas la même nécessité ni (par conséquent) la même force que dans une tragédie en musique qui doit s'exprimer avec cohérence, seule. Chaque acte développe donc une situation, un sentiment, sans rechercher réellement l'unité ou l'urgence dramatique.

Dans ce cadre bancal pour nous qui ne disposons que de la pièce musicale, Charpentier écrit des choses réellement intéressantes, et plutôt rares à l'Académie Royale de Musique. [Car il s'agissait d'une commande du collège jésuite Louis-Le-Grand, avec ses contraintes spécifiques, et non d'une oeuvre destinée à l'Académie, où Charpentier n'a pu proposer que Médée en 1693, qui fut un échec du fait de radicalité et de son italianisme trop prononcé.] Il multiplie les scènes de déploration, avec des solos d'un format inhabituellement long (mais ce sera aussi le cas dans Médée, avec la très étendue mort de Créüse) : frustrations de Joadab à l'acte II, David se désespérant à l'acte I et à l'acte IV, Saül à l'acte III, Jonathas à l'acte IV, et la grande déploration sur la mort de Jonathas à l'acte V. Outre l'acte III, le seul à contenir un peu d'action (la folie de Saül) même si celle-ci ne change rien à la situation "immobile" qui prévaut pendant tout l'opéra, ces scènes d'affliction constituent les plus beaux moments de l'oeuvre, avec pour sommet l'acte V, d'une atmosphère funèbre et d'une virtuosité musicale qui a peu d'équivalents : c'est l'atmosphère d'Atys associée à la richesse harmonique et contrapuntique d'un grand motet.

Sur l'ensemble de l'oeuvre, malgré ces quelques beaux airs et une conduite générale plutôt convaincante de l'acte III, j'ai tendance à n'être réellement touché que par le dernier acte. L'écriture s'apparente beaucoup au Charpentier "sec", avare de mélodies et négligent en prosodie : celui qu'on trouve dans les petites formes dramatiques comme Judith ou même La Descente d'Orphée aux Enfers, et non le Charpentier expansif de Médée ou des motets (en particulier les grands motets). Dans Médée, la déclamation n'est pas extraordinairement soignée, mais le tout est compensé par une veine mélodique en permanence hors du commun ; dans le Magnificat H.73, la danse emporte tout sur son passage ; dans les Leçons de Ténèbres, l'absence de mélodie ou de déclamation fortes s'oublie grâce à la prégnance du coloris harmonique (et, dans une moindre mesure, à la variété des textures vocales) ; et le Te Deum H.146 a tout cela à la fois.

Globalement, David & Jonathas se trouve (à mon gré) sur le "mauvais" versant de Charpentier - hors Médée, il a surtout montré son talent en latin, et davantage pour des questions de couleur (Tenebrae factae sunt, Leçons de Ténèbres...) ou de virtuosité musicale (Assumpta est Maria, Magnificat H.73...) que pour ses talents déclamatoires.


Projet de Jean Nicolas Servandoni pour la conversion de saint Augustin. Dessin à la plume, à l'encre brune et au lavis brun. Réalisé en 1729 ou 1730. Archives Nationales.


3. La mise en scène d'Andreas Homoki

Reçue sans enthousiasme, mais globalement plutôt bien, elle m'a surpris par sa médiocrité. Un mot que je n'utilise pas d'ordinaire, mais :

1 => Le propos symbolique se limite à montrer des juifs en habits des années quarante et des arabes à fez, symbolisant chacun les Hébreux et les Philistins, avec un mélange dans les choeurs pas toujours facile à lire. Si c'est pour montrer que déjà à l'époque, Israël s'était fondé en s'installant sur des terres préalablement occupées, ce qui mène mécaniquement à des conflits sans fin, merci, on avait remarqué.

2 => Cette troupe, en plus d'être peu lisible, est fort mal dirigée, avec des groupes informes qui prennent de vagues de poses. Et ces costumes grisâtres sont de surcroît moches. Oui, les années quarante, c'est vieux, on avait remarqué aussi.

3 => Le concept des boîtes n'était pas inintéressant (même si Homoki en a fait depuis longtemps un gimmick), mais le fait de les faire se rétrécir systématiquement lorsque les personnages étaient malheureux finissait par devenir d'une platitude pénible. Par ailleurs, le fait de baisser systématiquement le rideau avant la fin des airs distrayait désagréablement de l'action et de la musique.

4 => Le tout était éclairé dans une lumière blanche uniforme, projetée en trois directions sur la scène (verticalement et latéralement), seule la mort de Jonathas a droit a un peu d'intimité bleutée. Conclusion, dans une minuscule boîte en sapin, avec des éclairages fixes et inexpressifs et du parasitage visuel, il devenait impossible d'adhérer vraiment à ce qui passait sur scène, qui nous renvoyait sans arrêt à l'artifice théâtral. Sans aucune contrepartie en matière de sens ou de profondeur.

5 => Le parti pris de déplacer le Prologue (Saül consultant les Enfers sur son destin) après l'acte III (folie de Saül) n'était pas nuisible, mais ici aussi, inutile. Dès les premiers actes, il est fait allusion à la jalousie et à la folie de Saül, le Prologue n'avait rien d'incompréhensible placé en tête d'oeuvre. Par ailleurs, sa véhémence produisait un effet saissant, alors que placé au milieu de l'oeuvre, il ne faisait que redire l'acte III, et créait un tunnel de parole consacré à Saül, qui semble soudainement devenir le personnage principal, avant de s'effacer à nouveau. Cela accentuait plutôt les faiblesses du livret, et les spectateurs étaient parfaitement capables de suivre sans ce changement.

6 => Les pantomimes remplaçant les ballets artificiels de fin d'acte ont toute ma sympathie. Le principe du flash-back était intéressant aussi : en exposant la jeunesse des deux amis, on donnait un peu d'épaisseur à leur caractère (qui n'est absolument pas défini dans le livret !). Néanmoins, la trivialité du propos (attaque cardiaque de la mère de Jonathas pendant que les enfants lui jouent un tour) jure assez fortement avec le ton de l'oeuvre. De même pour la scène des Enfers, amusante (multiplication des figures de la défunte, dont une est la Pythonisse), mais totalement en décalage avec l'esprit très sombre de la musique.

7 => La relation homosexuelle de David et Jonathas, dont l'ambiguïté n'était pas du tout évidente au XVIIe, mais qui l'est devenue clairement pour le public d'aujourd'hui (le livret abonde en déclarations d'amour), était soulignée avec une lourdeur (et une fadeur) assez décontenançante pour un homme de théâtre confirmé : on les laisse s'embrasser à un moment donné, et puis on est censé avoir exploré les enjeux de la chose ! Par ailleurs, j'incline à considérer que ce choix gomme précisément la spécificité de ces deux personnages, dans une relation affective "désintéressée".

Rien d'atroce, rien de scandaleux, mais pour faire moche, terne et aller plutôt dans le sens de l'affaiblissement de l'oeuvre, j'aurai volontiers échangé contre une version de concert. Le livret est déjà assez peu nourrissant sans que le metteur en scène le rende encore plus vide - à part les boîtes mouvantes, peu de choses se passent sur scène en matière expressive.

4. Les Arts Florissants

Lorsque j'aurai dit que même du côté musical, je n'ai pas été comblé, j'aurai assez laissé entendre que la soirée n'a pas été complètement envoûtante. Tout était bon, mais considérant qu'il s'agissait des Arts Florissants après des mois de maturation, sur une oeuvre familière depuis longtemps et un compositeur de prédilection... j'espérais un peu plus.

L'orchestre était le seul à être réellement magnifique, avec ce fondu de cordes élancé qui reste à ce jour inimitable. Très beau continuo, en particulier du côté du théorbe de Brian Feehan, et bien sûr, la démiurgique Béatrice Martin au clavecin et au positif. (Même si la musique ne leur permet pas autant de briller qu'à l'accoutumée.)

Le choeur des Arts Flo était en bonne forme aussi, même si l'acoustique de l'Opéra-Comique, des boîtes et de mon emplacement ne le favorisait pas bien - j'ai toujours été frappé, néanmoins, qu'ils n'étaient pas les meilleurs (moins impressionnants que les Elemens, le Monteverdi Choir, Accentus, le Choeur de Chambre de Namur, les Choeurs du Marais...), peut-être en raison du goût de Christie pour les voix grêles. On l'entendait bien dans les interventions des choristes dans de petits rôles : Elodie Fonnard, Maud Gnidzaz, Juliette Perret, Rachel Redmond, Virginie Thomas, Reinoud Van Mechelen, Benjamin Alunni, Geoffroy Buffière... des voix sans éclat particulier, et dont la régularité du timbre n'était pas toujours bien assurée. Seul Pierre Bessière impressionnant fortement au contraire.

Il y a une raison à cela, et une raison vertueuse : un très grand nombre des membres du choeur sont de très jeunes chanteurs, à qui William Christie a mis le pied à l'étrier. Lorsqu'on regarde les autres choeurs que je mentionnais, au contraire, on a souvent des chanteurs confirmés, dont certains font aussi de très belles carrières en solo - et un certain nombre ont été formés par Christie ! Il y a de quoi s'inquiéter lorsqu'il ne fera plus ce travail de formation qui a irrigué tout le milieu baroque français - même ceux qui font mieux que lui sont passés d'abord entre ses mains.
Je crois avoir déjà dit mon peu d'enthousiasme pour la dernière promotion du Jardin des Voix (après des années de découvertes des plus beaux talents), et constituant une bonne partie du choeur, il n'est pas étonnant qu'il y ait çà et là des zones un peu ternes dans le spectre sonore.
Il se dit que l'exigence ou le caractère de Christie a sa part de responsabilité dans ce défilement des nouvelles têtes ; c'est tout à fait possible, mais rien ne l'empêcherait de recruter des chanteurs déjà formés, beaucoup vendraient leur âme pour avoir l'occasion de chanter dans les Arts Flos. Cet effort de formation permanente est réellement très précieux.

5. L'état de la déclamation

Peut-être suis-je devenu trop chatouilleux sur la question, mais en écoutant des captations d'il y a dix ou même cinq ans, je n'ai pas l'impression de m'égarer complètement : le soin apporté à la déclamation, dans les productions de tragédie lyrique, a significativement baissé.

J'en avais été alarmé, alors que ce n'était pas le cas dans leurs productions précédentes, pour les derniers spectacles d'Emmanuelle Haïm et Christophe Rousset : le soin apporté aux quantités du vers semble ne plus être présent qu'au gré des compétences individuelles des chanteurs, et n'être absolument plus un préalable au recrutement, ni surtout un travail pour préparer les représentations.

Cela peut s'expliquer partiellement par l'ouverture du répertoire baroque à des non spécialistes (souvent pour recruter des voix plus larges) ; mais les spécialistes eux-mêmes, s'ils ne sont pas sollicités en ce sens, finissent par dire platement. Et le genre de la tragédie en musique, qui n'est pas un sommet de complexité musicale, ne peut pas se soutenir de façon convaincante si on lui retire son rapport étroit avec le texte - qui fait toute la spécificité de ce genre, au moins autant littéraire que musicale.

Christie (et la classe de chant de Rachel Yakar qui en était le relais) faisait un travail systématique et formidable sur les questions spécifiques de la déclamation, capable de changer des non-locuteurs en héros d'opéra verbalement crédibles ; et de simples locuteurs en tragédiens légendaires. Entendre Stéphanie d'Oustrac avant et après est instructif, par exemple : la voix et le tempérament étaient déjà hors du commun, mais la puissance du mot a beaucoup gagné en peu de temps.

Toujours est-il que les autres ensembles n'ont pas forcément ce scrupule lorsqu'ils forment ou récupèrent les chanteurs préalablement formés (parfois par Christie lui-même) : Hugo Reyne, Hervé Niquet et Olivier Schneebeli font toujours ce travail, mais Haïm et Rousset semblent l'avoir abandonné.

6. Les solistes

Tout cela permet de remettre en perspective mon sentiment sur ce que j'ai entendu : dans le cadre d'un effort continu chez les Arts Florissants pour offrir des forces nouvelles au service du répertoire, et au milieu d'un affaissement chez d'autres ensembles de certains "fondamentaux" stylistiques, avec l'intrusion de chanteurs non spécialistes pas toujours délicats, les continuos fantaisistes (peut-on vraiment produire, sans même évoquer la question de l'authenticité, un récitatif mobile avec à la fois une viole de gambe, un violoncelle, une basse de violon et une lirone, jouant la même note dans le continuo ?), les bidouillages dramaturgiques, l'indifférence à la déclamation... les réserves que je vais formuler sont conjoncturelles, et ne sont pas forcément à attribuer trop durement à Christie.

Car, vocalement, la soirée était assez décevante.

Pascal Charbonneau (David) avait le mérite de tenir un rôle de haute-contre assez inconfortable, avec alternance de passages haut placés, et de récitatifs plus dramatiques écrits plus bas. Les parties en émission légère (de la voix mixte avec forte "proportion" de voix de tête), quoique d'un timbre assez transparent, sont très maîtrisées et élégantes. En revanche dans les parties plus centrales, la gestion de la tension de la voix est problématique : le larynx, comme chez Jeffrey Thompson (1,2,3), semble s'élever brutalement, créant des sons à la limite du couac, et faisant entendre une forte tension au-dessus du passage (les voyelles ne sont pas couvertes, et la configuration vocale inadaptée pour cela). La voix sonne par ailleurs un peu épaisse en arrière, et le timbre n'est pas tout à fait égal.
Le résultat est tout à fait honorable par ailleurs, mais vu qu'il s'agit de l'ensemble baroque le plus prestigieux au monde dans ce répertoire, et considérant les hautes-contres de très grand talent sont devenues assez nombreuses, on est un peu frustré de ne pas entendre quelque chose de plus beau ou de mieux incarné. L'avantage essentiel réside dans le volume sonore tout à fait honorable (Charbonneau a débuté sa carrière comme second ténor léger dans les grandes oeuvres du répertoire), avec une amplitude dynamique plus importante que chez les spécialistes.

Ana Quintans (Jonathas) ressortit à cette catégorie de sopranos assez fins, un peu acides, que goûte beaucoup Christie (et que souvent il est seul à continuer d'embaucher). Pour le rôle de Jonathas, à l'origine tenu par un jeune garçon, le choix est cohérent, même si son timbre, qui dans le médium tire sur le mezzo, n'est pas forcément si idéal. Malgré une maîtrise irréprochable du rôle, il y a de quoi rester un peu sur sa faim du côté de la déclamation : la prononciation du français est exacte, les accents sont correctement placés... mais tout cela manque un peu d'ampleur et d'abandon. Il n'aurait manqué que d'un peu plus de geste verbal pour que le portrait soit vraiment émouvant.

Arnaud Richard (Saül) parvient au contraire à convaincre par son énergie aussi bien vocale que scénique, extrêmement habité. La voix est un peu molle et en arrière à mon gré, pour ce répertoire, mais le portrait qu'il réussit au sein de cette production mortifère (Saül est de toute évidence le personnage auquel s'est le plus attaché Homoki) force le respect.

Frédéric Caton (Achis, roi des Philistins) n'était donc pas desservi par l'acoustique de Pleyel : la voix semble toujours sèche et peu projetée, et la qualité d'expression du plateau étant globalement plus élevée, il ne bénéficie plus de son avantage différentiel.

Les autres solistes étaient beaucoup plus convaincants :

Pierre Bessière, issu des choeurs, possède un organe remarquable, et sa voix profonde impressionne fortement en Ombre de Samuel. Sensiblement moins pour le Guerrier philistin dont la tessiture est plus centrale.

Dominique Visse, déjà la Pythonisse dans l'enregistrement de studio de 1988, a dû perdre en projection, mais le timbre et la flexibilité extrême demeurent tout à fait intacts. Ses poitrinés posés sur du mécanisme légers sont remarquablement sonores et évoquent tout à fait l'effet des poitrinés féminins. Et bien sûr le grand abattage scénique qui a fait sa célébrité.

Enfin Krešimir Špicer (prononcez Krèchimir Chpitsèrr) fait valoir une diction française nette qu'on ne lui supposait pas forcément (en tout cas pas moi), et toujours ce timbre remarquablement généreux. Je m'explique mal en revanche la raison de ses phrasés très staccato, qui ont tendance à un peu dénaturer les belles lignes de sa grande scène solo. Choix "expressif" imposé par le chef ? Mauvaises habitudes ?

7. Bilan personnel

La qualité d'exécution était sans doute meilleure que pour les récents Médée et Phaëton, mais on n'y trouvait pas les moments de grâce de ces soirées... et cette satisfaction modérée, portée sur une oeuvre qui intrinsèquement n'appelait pas mon enthousiasme, n'a pas permis de réchauffer mes sentiments envers David & Jonathas. Je concède un très bel acte V - mais plus musicalement qu'émotionnellement, en réalité.


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Commentaires

1. Le dimanche 20 janvier 2013 à , par Olivier

Bonsoir,

La lecture à voix haute d'une oeuvre permet de la redécouvrir complètement, et, à cet égard, l'émission "un peu de lecture, ça ne peut pas faire de mal" est bienvenue.
Il en est de même de la déclamation, à laquelle nous sommes donc sensibles. Comment situez-vous la technique déclamatoire d'Eugène Green , seul exemple -hors la tragédie lyrique- que je connaisse,par rapport à celle nécessaire dans la tragédie lyrique? Car, nous sommes encore à peu près dans la même période 1662 pour le Sermon sur la mort de J.B.Bossuet et 1688 pour David et Jonathas.

La neige est sale.

2. Le dimanche 20 janvier 2013 à , par David Le Marrec

Bonsoir Olivier !


Un froid reflet des blancs frimas
A couvert le front de ma jeune tête.
J'ai cru être un vieillard déjà,
Et sentais mon coeur en fête.


La lecture à voix haute d'une oeuvre permet de la redécouvrir complètement, et, à cet égard, l'émission "un peu de lecture, ça ne peut pas faire de mal" est bienvenue.
Il en est de même de la déclamation, à laquelle nous sommes donc sensibles. Comment situez-vous la technique déclamatoire d'Eugène Green , seul exemple -hors la tragédie lyrique- que je connaisse,par rapport à celle nécessaire dans la tragédie lyrique? Car, nous sommes encore à peu près dans la même période 1662 pour le Sermon sur la mort de J.B.Bossuet et 1688 pour David et Jonathas.

Green est particulier : ses principes (qui se fondent sur une fréquentation passionnée du répertoire, et on ne peut que faire grand profit) pèchent par excès d'archaïsme, et sont appliqués sans discernement par ses zélateurs - on peut ainsi entendre une chanson des marins de Surcouf chantée avec une prononciation déjà archaïsante à l'époque de Molière ! C'est surtout l'esprit de système qui gène, parce qu'il n'est pas toujours agréable à entendre pour l'auditeur contemporain (en particulier les accents montants de fin de vers).

Néanmoins, même si je trouve en général plus convaincante la déclamation en français moderne, c'est un moyen fantastique de redécouvrir les mots, et bien réalisée, ce peut être merveilleux. J'ai ainsi entendu Julien Cigana déclamer Saint-Amant de façon assez bouleversante il y a quelques années, peut-être ma plus belle expérience déclamatoire. Il est vrai qu'à l'époque où le micro et le cinéma triomphent, affectant les modèles de diction de toute la population, redécouvrir les charmes de l'emphase a quelque chose de salutaire.

Tout cela pour dire que sans être un inconditionnel de Green, je trouve beaucoup d'intérêt à la démarche, et j'écoute volontiers son Bossuet ou le Viau de Lazar.


La neige est sale.

Qu'est-ce qui brille ainsi au fond du caniveau ?

3. Le dimanche 20 janvier 2013 à , par Olivier

Et bien, accordons-nous sur la lune

4. Le mercredi 23 janvier 2013 à , par malko

En quelques mots, qu'est ce qui vous séduit dans le baroque (français) ? C'est un mystère pour moi, compte tenu de la "sophistication " de la musique depuis lors.

5. Le mercredi 23 janvier 2013 à , par David Le Marrec

Bonjour Malko !

La sophistication n'est pas forcément un critère déterminant, dans la mesure où ces musiques sont généralement plus complexes que les musiques de l'ère classique, et même davantage qu'un certain nombre de Mozart, Haydn, Rossini ou Bellini. Sans parler de Glass, bien sûr. Tous des gens qu'on écoute encore, et qui ne passent pas pour des vestiges poussiéreux d'un passé musical qu'on ne comprend plus guère.

Mais pour répondre au fond de ta question.

Un des charmes particulier du baroque français réside dans son soin du texte, et en particulier de la prosodie. Il existe toute une théorisation très fine du genre du livret d'opéra (ce qui est, je crois, unique dans l'histoire du genre... avec au XXe vingtième le sommet en matière de dérégulation : le bidouillage de textes par le compositeur lui-même), et les compositeurs ont à coeur de traiter de façon très précise la musicalité propre du vers. Il s'agit sans doute du "style" où ce souci a été poussé à son plus haut degré - voir par exemple, dans une musique très régulière, prévisible d'une certaine manière, le nombre de changements de mesure (on peut en avoir cinq en vingt mesures !) pour suivre la prosodie au plus près.
Par ailleurs, du côté des compositeurs écrivant sous ce qu'on appelait l'influence "italienne" (Charpentier, Couperin, Campra, Morin, Lorenzani, Montéclair, Rameau, Leclair, Guignon...), la richesse proprement musicale excède largement n'importe quelle oeuvre italienne d'avant les années 1840, sans parler des classiques, et même de certains premiers romantiques.

Je vois donc trois qualités particulières qui peuvent justifier cet intérêt pour le genre :
1) la qualité des textes ;
2) le soin extrême porté à la déclamation ;
3) chez les italophiles, une substance musicale qui se suffit à elle-même.

A cela, on pourrait aussi ajouter le sens de la danse, permanent ; ou la luminosité particulière des couleurs harmoniques.

Voilà, en tout cas pour moi, ce qu'il en est.

6. Le jeudi 24 janvier 2013 à , par malko

C'est lumineux, merci.

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