Carnets sur sol

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[Sursolscope] Bons plans de février


Plutôt qu'un planning forcément personnel, une sélection d'événements intéressants qui auront peut-être échappé à votre vigilance.

Baroque instrumental

Une soirée autour des canons, chaconnes et ostinati européens (XVIIe anglais, allemand et espagnol) par Capriccio Stravagante (Skip Sempé). Pas forcément une musique qui m'exalte personnellement, mais assurément original et stimulant ! A la Cité de la Musique.

Opéra français

La Favorite de Donizetti est donnée en version scénique au Théâtre des Champs-Elysées, dans sa version originale française qui prévaut désormais. L'oeuvre n'est pas si fréquente sur scène, mais elle est l'une des plus belles réussites du compositeur. Pas du niveau jouissif de L'Elisir d'amore ni au degré d'originalité d'Il Diluvio universale, mais très équilibrée, beaucoup plus allante qu'à l'accoutumée. C'est que Donizetti prend ici, comme pour les Martyrs, le modèle du grand opéra à la française (de même pour Dom Sébastien, mais l'inspiration m'y paraît très courte). On n'y trouve certes pas la même place au récitatif et à la continuité dramatique que chez les maîtres Meyerbeer et Halévy, mais les « numéros », quoique encore très audiblement présents, se trouvent bien mieux intégrés dans le flux dramatique. Musicalement aussi, Donizetti a fait beaucoup plus d'efforts pour éviter les longs aplats d'accords débouchant sur les éternels enchaînements harmoniques rudimentaires.

Sans être la meilleure de son genre, La Favorite témoigne, comme les opéras français de Verdi, non seulement d'une belle adaptation à un autres cahier des charges que celui du seria romantique, mais aussi d'une belle réussite autonome.

Bref, vous qui redoutez l'indigence du belcanto romantique, rassérénez-vous. Elle est présentée en version scénique au Théâtre des Champs-Elysées sur plusieurs dates au début du mois. Distribution prometteuse, en particulier depuis le remplacement de Celso Albelo par Marc Laho (de loin un des meilleurs ténors actuels de ces répertoires romantiques français et italiens, à mettre aux côtés de Gregory Kunde - émission franche et diction radieuse) - pour les plus glottophiles d'entre nous, il assure de très insolents suraigus lorsque nécessaire. Alice Coote mâchonne (et mâchonnera) en français, mais cela change toujours de Béatrice Uria-Monzon. Ludovic Tézier et Carlo Colombara (remplaçant Giacomo Prestia) ont déjà fait leurs preuves dans ce répertoire (Colombara a déjà fait ce rôle au disque avec Viotti, Kasarova et Vargas), avec un beau français et une qualité de timbre et de ligne particulièrement remarquable.

Très attirant si vous aimez l'opéra romantique français et ne redoutez pas trop l'écriture « à numéros » (qui reste ici assez raisonnablement flexible).

Il y a bien sûr aussi Les Pêcheurs de Perles de Bizet, bijou qui semble un peu revenu en grâce, mais l'oeuvre a déjà été donnée la saison passée. C'est surtout la curiosité d'entendre la voix peu flexible d'Alagna à contre-emploi qui est intrigante - car il étudie d'ordinaire à fond ses rôles et trouve toujours des solutions vocales, même insolites. Ces derniers temps, il chantait en fausset intégral l'air, mais cela ne passerait pas à Pleyel sans micro. Suspense...

Et puis, dans le domaine léger, Ciboulette dans une distribution luxueuse : Fuchs, Laurens, Behr, Lapointe, Sarragosse, Cécile Achille...

Vilains décadents et contemporains hargneux

Outre Zemlinsky à Garnier dont personne n'a pu rater la programmation, on pourra entendre un méchant successeur de la Vienne bizarre avec Reigen (1993) de Philippe Boesmans, son deuxième opéra et le premier de quatre sur un livret de Luc Bondy. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut entendre un opéra contemporain bien accueilli à sa création refaire surface. A l'exception de Julie, les opéras de Boesmans ont généralement leurs faiblesses, mais aussi un sens musical suffisamment affirmé et intelligible pour être apprécié par le public. Au CNSMDP.

Autre soirée décadente, le couplage du Deuxième Quatuor de Zemlinsky et de la Première Symphonie de Chambre de Schönberg, sans doute les meilleures oeuvres de leurs auteurs ; mais joués par Les Dissonances, l'ensemble à géométrie variable et à répertoire extensif de David Grimal (et malheureusement, cette dispersion s'entend un peu dans leurs interprétations, moins homogènes et fouillées que la concurrence à ce niveau). Néanmoins très tentant - à la Cité de la Musique.
Rectification après vérification du programme : ces pendards pusillanimes ont remplacé Zemlinsky par Brahms (Sextuor à cordes n°1, magnifique au demeurant). Passons notre chemin.

Musique de chambre (autre)

Plusieurs concerts stimulants dans ces semaines de février : un programme Rimski-Korsakov-Rubinstein à Garnier, Popper-Stravinski-Boccherini à l'Auditorium du Louvre (mais le jeudi à 12h30, donc concernant peu de monde), et surtout d'Indy-Dukas-Saint-Saëns-Fauré-Debussy à la Cité de la Musique.

Musique contemporaine (autres)

Programme Manoury-Boulez-Pauset à la Cité de la Musique, et oeuvres pour petit ensemble de Rihm et Pesson (plus les Wesendonck chantés par Ivan Ludlow) aux Bouffes du Nord.

Autres cultures

Le Châtelet propose deux séries à une semaine d'intervalle consacrées au deux autres grandes traditions opératiques dans le monde : le Japon, à travers un "récital" de danses tirées des grands titres du Kabuki ; la Chine, avec le hit planétaire Le Pavillon aux Pivoines, le seul opéra chinois (en l'occurence du Kunqu) à être régulièrement représenté et enregistré à travers le monde (voir ici quelques considérations rudimentaires sur les caractéristiques littéraires et musicales du Kunqu).
Des plaisirs rares qui ne sont pas à négliger : il y a là des textes et des musiques de très grande qualité, qui méritent grandement le déplacement.

Et aussi une soirée Flamenco engageante à la Cité de la Musique.

Les bons interprètes

Salle Pleyel. Mariss Jansons, à la tête de la plus belle intégrale des symphonies de Tchaïkovski (avec le Philharmonique d'Oslo, chez Chandos), vient offrir une Cinquième avec le Concertgebouworkest. Si vous parvenez à décrocher des places, ce pourrait être assez décoiffant. [Mise à jour : en réalité, pas vraiment, mais il fallait essayer pour être éclairé.]

Au TCE, sonates de Schumann et R. Strauss par Augustin Dumay (violon) et Louis Lortie (piano), un attelage prometteur.

Théâtre

Côté théâtre, parmi la quantité de choses appétissantes, il faut signaler en particulier :

  • Much ado about nothing, en anglais, à la Galerie de Nesle.
  • Troilus & Cressida à la Comédie-Française ; si le niveau d'ensemble n'est que de la moitié des Joyeuses Commères de Windsor dans la mise en scène d'Andrés Lima, ce sera déjà anthologique.
  • Les Criminels d'après Ferdinand Bruckner, mis en scène à la Colline par Richard Brunel - le metteur en scène capable d'utiliser des transpositions banales et moches... et de produire des chefs-d'oeuvre absolus de direction d'acteur.


Les lutins de céans

Etaient en concert aujourd'hui avec un grand motet inédit de Bernier et la première exécution (enregistrements inclus) depuis le XVIIIe siècle d'une oeuvre d'Antonio Biffi - en l'occurrence son Miserere. Trop tard, vous le regretterez toute votre vie.

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Le planning de CSS

A titre indicatif, ce sera donc :

1. Nesle : Much ado about nothing (VO).
2. Pleyel : Tchaïkovski, Concertgebouw, Jansons.
4. Garnier : Zemlinsky, Der Zwerg.
5. Châtelet : Kabuki.
7. TCE : Donizetti, La Favorite.
9. CNSM : Boesmans, Reigen.
11. Pleyel : Damnation de Faust.
15. Châtelet : Pavillon aux pivoines.
17. Pleyel : Pêcheurs de perles.
19. Colline : F.Bruckner & R.Brunel.
21. TCE : Sibelius & Hindemith (ONF, Gatti).
22. Richelieu : Troilus & Cressida.
26. Favart : Ciboulette.

Avec sans doute quelques suppressions et surtout le report à début mars des pièces de théâtre qui se poursuivent...

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Autres plannings différents (et originaux) chez des gens que j'aime bien : Klariscope, Riouscope, Dsurbscope.


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Commentaires

1. Le lundi 4 février 2013 à , par Olivier

Bonsoir,

Eh bien, c'est la Favorite ce samedi. Ne craignons pas l'indigence du belcanto. Le plaisir du Moment suffit à nous combler.

2. Le mardi 5 février 2013 à , par David Le Marrec

Ce n'est pas à proprement parler du belcanto de toute façon, même si la facture mélodique des "numéros" s'en rapproche : le format du grand-opéra (grand-opéra miniature en l'occurrence, peu de danses et de foules) est beaucoup plus nerveux, le récitatif en constitue le centre bien davantage que les airs émotionnels.

Bonne écoute !

(Je serais ravi de lire un avis à l'issue de la représentation, en particulier sur les choix de mise en scène - ce n'est pas un ouvrage très facile à servir.)

3. Le dimanche 10 février 2013 à , par Olivier

G.Donizetti - La Favorite (version française)
Théâtre des Champs-Elysées - 9 février 2012

Je me suis armé d’une lunette monoculaire, de jumelles de théâtre, d’un minuteur, d’un carnet à spirales et de DEUX crayons; et puis, et puis, … pas "grand-chose".
Les décors ou le minimalisme
Acte I (scènes 1 et 2) et acte IV: un escalier/estrade sur le côté droit de la scène pour figurer le couvent de Saint-Jacques de Compostelle;
Avec l’acte IV, un petit raffinement: un rideau de lampes pour représenter la barrière entre l’espace monastique et le monde profane, rideau qui se lève à l’appel tentateur de Léonor.
Acte I (scènes 3, 4 et 5): un tableau en fond de scène représentant l’eau entourant l’Ile de Léon; puis, quelques rochers pour figurer le rivage.
Acte II (scène 1): de même, un un tableau en fond de scène pour figurer les sycomores des jardins de l’Alcazar
Pour le reste: je n’ai rien noté...
Les cotumes sont d’époque “restauration”. Donc, pas d’espagnolades en collants, culottes bouffantes, et mantilles (le ballet a été coupé)
Les acteurs ne peuvent pas décevoir; car le metteur en scène a t-elle donné ou suggéré des indications ? a-t-elle recherché l’incarnation physique des personnages?, et de fait,
La mise en scène, minimaliste, oublie de mettre en valeur les passages forts de l’ouvrage (acte II scènes 5 et 6)

Mais, alors qu’avez-vous vu?
L’utilisation de la profondeur et de la largeur de la scène pour les scènes collectives.
Voyons! Enfin ce n’est pas Garnier ou Bastille!

Mais, alors que reste-t-il?
LA MUSIQUE!
L’oeuvre, qui n’est pas belcantiste, progresse. Des passages de vocalité certes, mais pas d’écriture à “numéros” comme dans “I Puritani”, qui sont plus légers.
Oui, mais est-elle bien servie?
L’ONF et P.Arribeni assurent.
Léonor- Alice Coote- est fort présente et plaisante. Un véritable effort de diction française.
Fernand- Marc Laho- n’accompagne pas toujours son amour, sa Léonor.
Alphonse XI de Castille- Ludovic Tézier- règne sur la scène. Il aime Léonor malgré sa duplicité feminine.
Balthazar- Carlo Colombara- religieux fort sombre. Priera-t-il pour notre salut?

Je sens bien que vous êtes déçu.
Mais, non! non! Ecoutez donc!

“Oui! Ta voix m’inspire,
Et sous ton empire
Un double délire
M’anime en ce jour;
À toi, je me livre
Et prêt à te suivre,
Mon âme s’enivre
De gloire et d’amour”

Fernand
Acte I-Scène 8

4. Le mercredi 13 février 2013 à , par David Le Marrec

Merci pour ces impressions à coups de jumelles monoculaires (heu ?), de crayons (bicéphales ?) et de spirales (infinies ?). Je doute que j'aurais pu goûter Coote davantage que Laho, mais comme je n'y étais pas, je m'en remets à votre sentiment.

C'était quand même une bien belle distribution - et une oeuvre, comme vous le soulignez, qui avance avec une certaine souplesse, sans le statisme du seria et sans la démesure du grand-opéra.

5. Le mercredi 13 février 2013 à , par Olivier

Bonjour,

Le minimalisme de la mise en scène est vraisemblablement dû à la question budgétaire. Car, La Favorite peut être mise en scène.
Les lieux sont bien définis, et peuvent être l'occasion de décors avec de beaux effets architecturaux; les costumes de cour peuvent briller. L'action peut être transposée, sans difficulté, hors de la Castille moyen-âgeuse.
La direction d'acteurs, insensible à ce problème budgétaire, a été quasiment inexistante. Or, l'opéra est aussi du théatre.

Nota: Mise en scène et direction d'acteurs de Tokyo de septembre 1971 (sur le tube) sont aussi oubliables; par contre, la distribution! et surtout Alfredo Kraus!

Bonne fin de journée

6. Le mercredi 13 février 2013 à , par David Le Marrec

vu le coût d'une production scénique, je doute que le variable déterminante tienne dans les fanfreluches. C'est généralement plutôt un choix du metteur en scène (qui peut être très cher quand même !). Effectivement, on pourrait sans difficulté faire du théâtre avec La Favorite ; mais si le metteur en scène est habitué de Donizetti, ou pis, comme cela arrive souvent, s'il est un nouveau venu célèbre pour autre chose et destiné à faire parler du spectacle (sans pour autant aspirer à se spécialiser dans le domaine du théâtre chanté)... on peut être déçu.

--

Les mises en scène au début des années 70, de toute façon, on n'était vraiment qu'à l'aube de ce qui a pu se faire d'intéressant à l'opéra. En plus, je n'aime pas beaucoup La Favorite en italien (aplatissement de la prosodie)... ni Alfredo Kraus (ni la voix étroite et nasale, ni l'incarnation souvent très raide). La version que j'ai écoutée avec lui, il y a longtemps maintenant, était avec Verrett et la redoutable Queler, mais il en a fait un très grand nombre.

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David Le Marrec

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