[Carnet d'écoutes n°84] – nouveau Don Quichotte, Pezzi de Doráti, Manoury choral, Brahms par Niquet, Zaïs, récitals Borghi, Nikitin et Fuchs…
Par DavidLeMarrec, mercredi 30 septembre 2015 à :: Carnet d'écoutes :: #2710 :: rss









A. MUSIQUE INSTRUMENTALE
« Les Sauvages » : Béatrice Martin joue les tubes du clavecin français
Les Sauvages, L'Enharmonique, L'Égyptienne de Rameau, La Marche des Scythes de Royer, la Passacaille d'Armide de LULLY arrangée par d'Anglebert…
La déesse vivante du continuo, celle qui nous a tous émerveillés dans les meilleurs soirées des Arts Florissants ces dernières années (l'invention du contrechant, toujours en accord avec la couleur du moment et le caractère du personnage, sans jamais attirer l'attention ni tenter de faire compétition avec le drame), ou dans les sonates pour violon ou en trio du premier XVIIIe, publiée un album solo consacré au répertoire français.
Je me suis jeté dessus, mais je n'y retrouve pas la même saveur – je suis même étonné d'entendre une Passacaille assez peu dansée (certes, d'Anglebert la surchage d'agréments, si bien qu'il est impossible de la traiter réellement comme du ballet), alors que son sens du déhanchement et de la nécessité dramatique est par ailleurs tellement consommé. Pas beaucoup de nouveautés sonores dans ces nouvelles lectures – sans doute son juste goût la dessert-elle pour une nouveauté dans un répertoire rebattu, où le mélomane attend un renouveau par rapport à ses habitudes.
Il faut dire que les qualités requises ne sont pas du tout les mêmes – mais j'ai tellement plus d'estime pour la pratique du continuo que je me figurais comme une évidence qu'elle exploserait la concurrence.
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Liszt – François de Paule, Sonate en si… – Roger Muraro
Un millionième album Liszt ; néanmoins la présence de Roger Muraro rend curieux, du fait de sa suprême maîtrise et de son goût immaculé dans les répertoires les plus exigeants en matière de digitalité, de climats, de couleur (Messiaen, en somme).
Et on en retrouve toutes les vertus ici, avec une maîtrise des nuances incroyable, un toucher plein et une absence d'effets : le grain et la dynamique se fondent dans les nécessités musicales. Ce n'est donc pas une version très différente de ce qu'on peut entendre par ailleurs, mais on peut difficilement espérer mieux, l'interprète servant la musique au plus haut degré sans jamais se mettre lui-même en scène, dans une musique où ce serait pourtant tout sauf un contresense indécent.
Valable aussi bien pour la Sonate en si que pour les pièces figuratives comme François de Paule joignant Messine sur son manteau – où l'exercice de sobriété est encore plus inattendu.
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Liszt, Faust-Symphonie (Ferencsik)
Pour ceux qui pouvaient trouver un peu opaque et inutilement solennelle cette symphonie, une belle médication : l'admirable Ferencsik (tout est bon chez lui, de toute façon) et l'Orchestre d'État Hongrois en donnent une lecture détaillée, tranchante, exaltant les différences de timbres et la progression dramatique. Tout cela tire, plus que jamais, du côté de Berlioz, et plus spécifiquement, de l'étrange narration par aplats de Roméo & Juliette : musique de toute évidence à programme, avec un ressort narratif, mais écrite par grandes plages contemplatives, pas du tout dans une logique « actionnelle ».
Ce n'est pas Roméo pour autant, mais c'est très beau lorsque c'est joué ainsi. Et la ressemblance n'a jamais été aussi frappante.
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Atterberg, Älven (Le Fleuve)
Déjà évoquée dans ces pages, une œuvre aux expansions infinies, qui déverse un flux de générosité sans cesse au delà de la simple beauté, et toujours en deçà de l'emphase straussienne… Sa continuité et son absence de vulgarité hissent ce chemin au creux d'une vallée tellement plus haut que l'Alpestre, à mon avis… Je ne veux surtout pas insister, mais c'est une rencontre qu'il faut faire, vraiment. (Et puis, bien sûr, la Première Symphonie, indispensable si on aime Dvořák – d'autant que c'est mieux, mâtiné d'un peu de lyrisme fin-de-siècle façon Alfvén !).
Gravé en couplage de la singulière Neuvième Symphonie par Rasilainen (avec la NDR), chez CPO.
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Chostakovitch, Sonate pour violoncelle et piano
Un Chostakovitch vraiment différent de l'ordinaire, beaucoup moins sombre, beaucoup plus formel – classique mais pas le moins du monde néo-classique. D'une grande sobriété de trait, des thèmes simples (sans le mélodisme cabossé et déceptif qui caractérise le style soviétique) qui s'épanouissent avec douceur, avec une franchise et une absence de sarcasme ou de désespoir plutôt inaccoutumés chez lui.
Écouté Yablonsky / Saranceva, et une fois de plus, les choix d'interprètes et l'espace laissé (non sans précision) par la prise de son Naxos se révèlent des conditions idéales.
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Doráti, 7 Pezzi
Des œuvres de démonstration, chacune individualisée comme une Étude, assez virtuoses et marquantes, mais pas intrinsèquement passionnantes comme les Symphonies, auxquelles l'envie de revenir se fait bien plus souvent. Dans les deux cas, se trouve chez BIS (Moshe Atzmon et Aalborg SO pour les Pezzi). Style beaucoup plus divers aussi, mais moins luxuriant (les symphonies sont marquées par une abondance soviétisante, mais marquées par des arrières-plans « décadents » et surtout parcourues par une fièvre beaucoup plus franche).
(Exact contemporain de Chostakovitch, au passage.)
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B. MUSIQUE VOCALE HORS SCÈNE
Brahms – Ein deutsches Requiem – Niquet
Avec le Brussels Philharmonic dont il est très familier et le Chœur de la Radio Flamande dont il est directeur musical, Hervé Niquet poursuit ses explorations en musique romantique. Contrairement à ses prédécesseurs sur ce chemin (Norrington, Gardiner, Spering, Herreweghe et Minkowski, principalement), Niquet ne cherche pas en général à appliquer absolument des méthodes « musicologiques » dans ses interprétations du XIXe siècle – en témoignent ses musiques pour le Prix de Rome (Saint-Saëns, Gustave Charpentier, Debussy, Dukas…) qui conservent certes la poussée cursive et l'aération du spectre qui l'ont toujours caractérisé, mais qui ne sonnent pas du tout « baroqueuses » ou « HIP ».
Il en va de même pour ce Deutsches Requiem, très traditionnel finalement, d'une douceur un peu univoque (peu de variation de climat et de douceurs) ; seule caractéristique, le tempo très allant dans les sections lentes (en particulier « Herr, lehre doch mich », spectaculairement rapide), qui renouvelle peut-être les possibilités d'interprétation, mais qui tend finalement à niveler les climats déjà assez homogènes. Le chœur est superbe néanmoins, et le fugato du mouvement pénultième (« Denn wir haben ») l'un des plus réussis jamais gravés (aération générale, netteté des lignes, souplesse des pupitres).
Une belle version, donc, mais pas fondamentalement neuve. Dans la même école, je me tourne beaucoup plus volontiers vers la poésie de Herreweghe (ou, plus radical, Norrington avec les London Classical Pleyers) ; ou bien, si je m'autorise la tradition, Maazel avec le New Philharmonia (Cotrubas, Prey, prise de son extraordinaire), Tennstedt avec le Philharmonique de Londres (Popp, Allen), Giulini avec le même orchestre à Édimbourg (Cotrubas, Fischer-Dieskau – surtout pas sa version grumeleuse avec Vienne !). Et plein d'autres (Kubelik-Radio Bavaroise, P. Järvi, Furtwängler, Harnoncourt, Solti, Previn, Nézet-Séguin, Janowski, Kreile…).
Tassis Christoyannis est l'un des plus beaux récitants barytons de la discographie (pourtant prodigue non seulement en grands barytons, mais aussi en grandes lectures : Weikl avec Solti, Allen avec Tennstedt, Hampson avec Harnoncourt et Barenboim, Fischer-Dieskau avec Giulini, Bär avec Spering…), d'une netteté, d'un feu intérieur parfaits. Vocalement éblouissant, mais jamais vocal, justement.
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Manoury, œuvres chorales
Écoute de l'album, pas très ancien mais pas encore écouté, consacré par Accentus au compositeur.
Philippe Manoury (jadis un représentant de la veine Ircam radicale, féru d'inclusions électroniques) est devenu au fil des années 90, et de façon systématique depuis les années 2000, un champion de l'intelligibilité, d'une voie parallèle à la tonalité qui en conserve néanmoins les qualités de tension-détente, de construction du discours, d'évolution organique sans nécessité de note d'intention, bref un grand compositeur qui rend tout à fait caduque les questions de chapelle – contrairement à la plupart des compositeurs en exercice (et ce n'est pas forcément un défaut, on a le droit d'avoir une esthétique spécifique, ça a existé avec la fugue, la tragédie en musique, la forme sonate, le belcanto, etc.), on n'a pas besoin de situer son courant pour suivre la logique de sa musique.
Cela reste vrai dans ces œuvres récentes pour chœur a cappella (ou peu accompagnés), mais je ne leur trouve pas la même force poétique, étrangement, que ses œuvres orchestrales de la même période. Bon disque néanmoins – mais pas au faîte de l'offre (le chœur a cappella étant, à mon sens, le domaine où les compositeurs d'aujourd'hui ont donné leur meilleure mesure – tandis qu'ils se ramassaient méchamment à l'opéra, dans le quatuor ou le lied).
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C. UN SOIR À L'OPÉRA
Don Quichotte chez la Duchesse, le retour
Après avoir râlé contre la déconstruction très contre-productive de l'œuvre par les époux Benizio (je n'ai rien contre le principe, mais l'œuvre est un tel bijou d'une telle concentration, que la distendre est forcément la trahir), diffusée sur CultureBox (captation de Versailles, avec Geslot), en voici une version, expurgée de la plupart des interruptions (issue de Montpellier, avec Gonzalez-Toro), diffusée par la Radio Autrichienne (Ö1) : http://oe1.orf.at/programm/415729 . [Information signalée par Guillaume, merci !]
Beaucoup moins précise et élancée que le studio gravé à la fin des années 80 chez Naxos, déjà par Niquet et le Concert Spirituel ; nettement moins bien chantée aussi (hors Chantal Santon-Jeffery à la place de Meredith Hall), mais tous les amoureux de l'œuvre pourront faire leur miel d'une nouvelle version, dès longtemps attendue.
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Zaïs de Rameau
Première parution intégrale depuis Leonhardt en 1977 chez STIL (dès longtemps tout à fait introuvable, je suppose). Très belle version par Rousset, très bien chantée, pas du tout molle – il y a bien quelques ruptures de tempo dans les récitatifs, qui vont vers l'alanguissement comme l'aime Rousset, et qui me paraissent toujours entraver le naturel et l'urgence en essayant de « faire chanter » ou de poétiser ce qui n'est que de la déclamation brute, en surinterprétant des changements de mesure fréquents et largement utilitaires… mais cela ne concerne finalement qu'une portion assez réduite de la version, qui se déploie avec beaucoup de naturel, sans les apprêts qu'on pourrait craindre de Rousset dans Rameau.
Reste ensuite l'œuvre elle-même, un « ballet héroïque » (de notre point de vue du XXIe, on appellerait ce genre la tragédie à ariettes…), qui ne présente pas d'intérêt majeur – de la très bonne musique comme il y en a tant chez Rameau, rien de très original à signaler (ce n'est ni Pygmalion, ni Les Boréades, sommets de sa veine « décorative »). Si on veut du nouveau Rameau très bien joué et chanté, on peut se précipiter dessus ; si l'on cherche une découverte forte, il faut privilégier d'autres disques.
Dans les parutions récentes, ce sont Les Surprises de l'Amour par Les Nouveaux Caractères qui méritent absolument le détour ; œuvre comme exécution. Les Festes de l'Hymen et de l'Amour, en revanche, ne sont pas passionnantes en tant que telles, malgré la somptueuse distribution réunie par Niquet – à tout prendre, je conseillerais plutôt Zaïs, dont la qualité musicale est plus constante, et moins fondée sur des airs à effets.
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Récital français fin XVIIIe / début XIXe de Jennifer Borghi & Guy van Waas
Le programme fascine : Gluck, J.-Ch. Bach, Salieri, Méhul, Spontini, Hérold et même Lemoyne (dont aucune intégrale n'a encore été enregistrée, et presque rien en séparé) !
On peut discuter sa construction qui n'est pas chronologique, mais l'ensemble s'articule avec bonheur (et les respirations des extraits instrumentaux d'Orphée de Gluck sont assez bienvenues), et tient ses promesses en matière de démonstration : on entend remarquablement la bascule entre la déclamation hiératique de l'âge classique (Gluck) et l'air romantique (Spontini) ; on perçoit même les points de contact entre les styles français et italien (les procédés d'accompagnement de Lasthénie d'Hérold sentent immanquablement leur Rossini-Donizetti).
Et, comme d'habitude, superbes couleurs et belles tensions des Agrémens dirigés par Guy van Waas.
J'ai néanmoins une réserve – et je suis triste de la faire – sur le chant : j'aime beaucoup Jennifer Borghi, qui a donné beaucoup de personnalité à des rôles de caractère ; on rencontre chez elle une franchise sans façon, qui ne cherche ni le gros son, ni le moelleux, et qui assume sans fausse pudeur une certaine acidité (un son légèrement nasal, presque aigre parfois), sans chercher à contrefaire le son qu'on attendrait d'une reine ou d'une amoureuse. J'aime tout ça – beau maintien scénique également.
Toutefois, et bien qu'il m'en coûte de le dire, la voix manque d'angles et surtout de netteté de diction pour rendre réellement justice à ce programme : tout est très bien chanté, mais les mots sont fuyants, pas très clairement articulés, et surtout énoncés assez indifféremment… les appuis prosodiques ne sont pas du tout mis en valeur, ni les mots expressifs, si bien que tout ce chant déclamatoire coule comme une ariette Marie-Antoinette ou un air élégiaque italien. À cela s'ajoute que les caractéristiques de la voix, qui prêtent une belle originalité aux seconds rôles, conviennent moins bien aux grandes héroïnes, où l'on attend un peu plus d'éclat et de variété. Je me déteste de faire ces réserves sur un tel programme, et de surcroît sur une artiste qui l'a tellement servi au fil de toutes ces années, mais précisément, je suis un peu déçu que dans ce contexte un plus grand soin n'est pas été apporté à l'individualité des œuvres et des épisodes dans chaque air : le programme est passionnant, mais sa réalisation ne rend pas complètement justice à la fièvre qui devrait y régner.
Je ne réclame pas Gens ou Wesseling, bien sûr, je suis un garçon raisonnable, mais un peu plus de soin prosodique chez Borghi ou une autre chanteuse plus sensible aux enjeux du bien dire et de la versatilité des climats n'aurait pas été de refus.
Recommandé en priorité à ceux qui veulent se documenter sur la période ; pour la découvrir, il faut acheter les intégrales (Les Danaïdes par Rousset, Céphale & Procris ou Andromaque de Grétry, Sémiramis de Catel…) ou se tourner vers le récital correspondant de Véronique Gens & Christophe Rousset (Tragédiennes III, de Gluck à Verdi).
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D. LE SALON DES GLOTTES
Evgeny Nikitin : Wagner Arias
Bien étrange objet que ce récital chez Naïve.
¶ Beaucoup de plages orchestrales dont on s'explique mal l'intérêt : l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège est très honorable, mais autant ces césures s'expliquent bien en concert pour la récupération du chanteur, autant sur un disque, on ne voit pas trop l'intérêt de réenregistrer une version mineure de l'Ouverture du Hollandais ou de la Marche funèbre du Crépuscule, alors qu'on aurait pu conserver cette place pour une autre scène (récit de Marke ? rêveries de Sachs ? monologue rétrospectif de Wotan ? énigmes du Wanderer ? invocation d'Erda ? refus d'Amfortas ?).
¶ Il ne contient pas seulement des « airs » (Hollandais, Étoile du Soir, Adieux) mais aussi le grand duo au début de l'acte II de Lohengrin (« Erhebe dich »), originalité bienvenue.
¶ Il parcourt des profils vocaux très différents : baryton lyrique (Wolfram), baryton dramatique (Telramund), baryton dramatique grave / baryton-basse (Hollandais), baryton-basse / basse chantante (Wotan). Ordinairement (à part d'illustres anciens aux caractéristiques très différentes d'aujourd'hui), les Wotan ne chantent plus Wolfram (très ductile) ni même Telramund (très aigu), et la majorité des anciens Wolfram ou même Telramund ne font pas du tout des Wotan. Une sorte de grande démonstration.
Mais, surtout, la bizarrerie tient dans le résultat : une fois de plus, Nikitin, l'une des voix les plus extraordinaires à entendre en salle (même dans l'immensité de Bastille, la voix sonne juvénile, claire, facile, très présente, pourvue d'un halo mystérieux, d'une sorte de tranquilité verticale, le tout sur une solide assise)… laisse entendre son peu de phonogénie. De trop près, le timbre paraît banal, et même vieillissante (vibrato pas toujours plaisant, attaques en deux temps…), l'expression minimale. Et son Ortrud, la formidable Michael Schuster, est dans un assez mauvais jour, d'une aigreur inaccoutumée.
Autrement dit, le disque n'est vraiment pas intéressant, mais il faut accourir pour l'entendre en salle. J'espère beaucoup un Wotan un de ces jours, mais je prendrais tout à fait un Wolfram ou un Telramund, pour changer de ses multiples Hollandais.
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Julie Fuchs : Yes !
Présenté comme son premier récital (en réalité, elle a déjà publié en 2012 un récital de mélodies de jeunesse de Mahler et Debussy chez Aparte), une collection d'airs légers ou d'opérette diversement ambitieux (de Rimski-Korsakov & Ravel à Christiné & Youmans, en passant par tous les intermédiaires : Poulenc, Honegger, Hahn, Weill, Messager, Yvain…), le tout paradoxalement en français (le titre est emprunté à Yvain).
Très bien organisé, un recueil vif mais musical (peu d'airs purement de caractère), où l'Orchestre National de Lille dirigé par Samuel Jean dans un style parfait brille de tous ses feux, avec une variété de couleurs et un son typiquement français (et très affiné, façon opérette) que je ne lui avait jamais entendus. Le programme tisse de façon très convaincante le lien entre la musique la plus savante (Ravel, Poulenc…) et les œuvres légères des mêmes années, parcourues du même brillant. On a tendance à les séparer dans la musicographie, mais la démonstration est réellement convaincante.
L'entourage aussi est tout sauf banal, la fine fleur du chant français d'aujourd'hui vient en renfort avec Anaïk Morel et Stanislas de Barbeyrac.
Et Julie Fuchs ? Les voix de soprano léger sont si répandues qu'il est difficile de se persuader que celles qui réussissent sont nécessairement – exactement comme les pianistes. D'ailleurs, comparé à certaines de chouchoutes, j'étais un peu réservé sur Fuchs au début (timbre un peu dur, diction moyenne pour ce type de voix, et plus joliment lyrique que réellement rompue à la déclamation). Pourtant, en la réentendant essayer un répertoire un peu plus large (« Robert, toi que j'aime », air d'Isabelle dans Robert le Diable, certes un air de colorature aiguë, mais qui réclame aussi de la largeur, à l'italienne), je lui ai trouvé un aplomb très rare chez ce type de voix, en tout cas un potentiel d'élargissement qui ne sacrifierait pas ses qualités.
Et cet album, pourtant léger, révèle les mêmes caractéristiques. La diction n'est pas excellente, un peu lâche (sans être mauvaise non plus) dès que la voix s'élève, mais tout est chanté avec beaucoup de vivacité (qui compense en expression ce que la phonation ne dit pas clairement), avec une maîtrise stylistique impressionnante – capable de (faire mine de) relâcher le soutien de la voix (en réalité la fermeté de l'émission / du timbre) pour glisser, dans les pièces les plus légères, vers une sorte d'indolence gouailleuse ou lascive (sans jamais abîmer le timbre ni la santé de l'émission).
Le tout culmine dans un « Thé pour deux » final, irrésistible.
Entre le programme réjouissant et l'exécution pleine de vie – ce grand orchestre qui sonne comme du Poulenc même dans les pièces les plus légères ! –, je suis le premier étonné d'avoir écouté plusieurs fois l'album, vraiment excellent, qui apporte un peu plus de satisfaction qu'un simple pot-pourri de chansons légères.
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E. IL RESTE…
Parmi les dernières écoutes, pas pu parler des derniers concerts : Shadows of Time par le Philharmonique de Radio-France (jubilatoire), musique syrienne traditionnelle (mais tout fraîchement composée) pour oûd et chant par Waed Bouhassoun, musique du XVIIe espagnol pour guitare et harpe baroques (duo Azuma & Johannel).
Ni de quantité d'autres disques : symphonies de Skulte, intégrale Lekeu, parcours discographique comparé de Dido and Aeneas, tournée de The Swing Project, Roland de Lully, La Toison d'or de Vogel, œuvres symphoniques de Doráti, volumes Florent Schmitt par Leo Botstein (et plein d'autres gourmandises décadentes), Parsifal pour deux pianos…
Parmi lesquels certaines nouvelles parutions intéressantes, comme Beethoven par les Jerusalem, Schubert par les Terpsycordes (montés en boyaux), le récital Cavalli de Mariana Flores, la première intégrale de Zaïs de Rameau depuis 1977, les Danaïdes de Salieri dans leur première version pleinement réussie (Rousset), Prima Donna de Wainwright, le Deutsches Requiem par Niquet et par Jansons…
Peut-être une prochaine fois.
Commentaires
1. Le jeudi 1 octobre 2015 à , par Polyeucte :: site
2. Le jeudi 1 octobre 2015 à , par Jérémie
3. Le jeudi 1 octobre 2015 à , par David Le Marrec
4. Le samedi 3 octobre 2015 à , par Ouf1er
5. Le samedi 3 octobre 2015 à , par Faust
6. Le samedi 3 octobre 2015 à , par David Le Marrec
7. Le samedi 3 octobre 2015 à , par Faust
8. Le dimanche 4 octobre 2015 à , par Ouf1er
9. Le dimanche 4 octobre 2015 à , par David Le Marrec
10. Le lundi 5 octobre 2015 à , par Faust
11. Le lundi 5 octobre 2015 à , par Ouf1er
12. Le mercredi 7 octobre 2015 à , par David Le Marrec
13. Le mercredi 7 octobre 2015 à , par Faust
14. Le samedi 10 octobre 2015 à , par David Le Marrec
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