lundi 6 mars 2017
[Carnet d'écoutes n°106] – Saint-Saëns, mélodies orchestrales – (Beuron, Christoyannis)
Orchestrations des Mélodies persanes et d'autres tubes (le « Pas d'armes du roi Jean » de la Légende des Siècles, la Danse Macabre de Cazalis !), ou au contraires de pièces obscures, cet album tout récent est un bijou, remarquablement exécuté, en particulier par ses chanteurs, deux princes de la diction, Yann Beuron et par-dessus tout Tassis Christoyannis – dont Bru Zane a fait, non sans raison, l'ambassadeur de ses éditions discographiques de mélodies (David, Lalo, Saint-Saëns).
Dans ces pages délicates, j'aime tout particulièrement les Mélodies persanes, découvertes pour ma part, à l'époque où elles ne pullulaient pas (du tout) au disque, dans un fonds de partitions d'une ancienne cheffe de chant à l'Opéra de Bordeaux. Un sens incroyable du climat, qui rappelle à quel point Saint-Saëns peut se fondre, d'un opéra à l'autre (l'archaïsme d'Henry VIII, le wagnérisme de Samson, les miroitements de Frédégonde, la galanterie de Proserpine…) ou d'une mélodie à l'autre (là aussi, quel lien entre la chanson à boire de Boileau, les douces romances, les pièces strophiques célèbres et la recherche quasiment duparcquisante des mélodies inspirées par l'Orient ?), dans un univers nouveau. Saint-Saëns n'a rien inventé, c'est vrai (sauf la musique de film !) – mais il peut tout faire.
Contrairement à ce qu'on pourrait craindre d'alanguissement (l'orchestration très traditionnelle n'apporte pas vraiment de profondeur aux œuvres), ce disque est au contraire tenu de bout en bout, de quoi combler tous les amateurs de mélodie pré-vénéneuse/décadente/fauréenne/debussyste.
☼ Écoutable intégralement, gratuitement et légalement ici. ☼
Pour prolonger,
→ l'anthologie Tassis Christoyannis & Jeff Cohen, à ce jour de loin le plus beau disque mélodique de Saint-Saëns, où figurent notamment les fameuses Mélodies persanes ;
→ l'anthologie François Le Roux & Graham Johnson – pas forcément les meilleures mélodies, le piano n'a pas beaucoup de relief et la voix est déjà étrange à cette période, mais l'ensemble est très varié, et je crois que c'est la seule version un peu prestigieuse de la chanson de Boileau, qui a toute ma tendresse ;
→ José van Dam & Jean-Philippe Collard, dans leur beau périple de mélodies françaises, ont notamment laissé une version marquante, truculente pour l'un, virtuose pour l'autre, de la Danse macabre.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Carnet d'écoutes a suscité :
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