Carnets sur sol

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Indécent décembre


Encore une fois, sélection personnelle dont le ressort est souvent la rareté ou la bizarrerie. Pour une sélection plus transversale et moins triée, l'Offi et Cadences sont assez complets (tout en ratant certaines de mes propositions, considérant les recoins où je râcle des pépites et ma veille généralisée des clubs interlopes). Et bien sûr France Orgue pour les concerts de pouêt-pouêts à tuyaux, ce n'est pas exhaustif, mais de très loin ce qu'on trouve de plus complet !



1. Rétroviseur & remise de prix

Faute de temps, repoussé à une prochaine notule qui les rassemblera dès que possible, peut-être simultanément avec les concerts de décembre. La publication de cette notule ayant pris une semaine de retard par rapport aux prévisions, voici venu le temps des ris, des chants, de la… :



2. Sélection officielle

Cette fois, j'ai tout mis, plus commode pour vous je suppose, sur un PDF avec des pastilles de couleur.

En violet : immanquable.
En bleu : très rare et/ou prévisiblement exaltant.
En vert : tentant (distribution ou rareté).

Et comme je n'ai relevé que ce qui m'intéressait personnellement (et pas tout ce qui m'intéressait, d'ailleurs), le reste aussi est conseillé / conseillable. Comme d'habitude : issu de mon agenda personnel, n'hésitez pas à demander le
sens des abréviations ou les programmes complets.

http://operacritiques.free.fr/css/images/2018_decembre.pdf


26 (novembre)
Bacilly : second XVIIe, auteur d'un traité de chant. Le seul auteur dont nous soient parvenues, je crois, les diminutions écrites pour les reprises des airs. Et elles sont très abondantes et rapides, à un point qu'on n'imagine pas – il faut se figurer Bartoli qui aurait un peu trop forcé sur le Romanée Conti. Une notule lui avait été consacrée à l'occasion d'un précédent concert, en 2010 (un disque a paru depuis).


28 (novembre)
Tarare. Multiples notules, donc celle de mercredi. N'y revenons pas, mais allez-y.

29 (novembre)
Bernstein, Songfest. Recueil de mélodies orchestrales assez lyriques (un brin sirupeuses sans doute, très sympathiques). Couplage avec le Concerto pour violon n°1 de Martinů (pas aussi fondamental que son Premier Concerto pour violoncelle dans ses deux états, mais toujours du bel orchestre à entendre) et un peu de Barber.
Lotti, Giove in Argo. Mieux connu (si l'on peut dire) pour sa musique sacrée (un Requiem en majeur…), plus archaïsante et sophistiquée, c'est ici un opéra seria tendance pastorale. Cela ressemble à du Haendel pastoral ( donc pas le plus grand Haendel). Mais dirigé par García-Alarcón avec les chanteurs du CNSM, ce peut être très bien dans le cadre original du Grand-Palais. C'est gratuit mais ce doit être complet. (Sinon il vous reste la possibilité de solliciter mon intercession. Mandats cash international acceptés,  offres en nature envisageables.)

30 (novembre)
Les Leçons de Couperin par Lombard, Champion et Correas. Très rarement donné pour ténors, et par quels ténors, deux spécialistes, dont Jean-François Lombard, qui n'a pas d'égal dans la musique sacrée française – un vrai ténor, mais qui monte avec souplesse dans des registres habituellement tenus par des contre-ténors (comme s'il bâtissait sa voix pleine à partir du mécanisme léger et non l'inverse).
Déjà entendus dans un programme similaire (avec Poulenard à la place de Champion). C'est un peu loin, mais c'est l'occasion de visiter l'une des extraordinaires églises d'Étampes (même c'est c'est en priorité Notre-Dame et Saint-Basile qu'il faut voir, et qu'aucune église n'est ouverte à la visite le même jour !!).

1er
Musique baroque mexicaine : beaucoup de compositeurs espagnols, tels qu'ils ont pu être joués pour les festivités de l'inauguration de la cathédrale de Mexico en 1667.
→ Inspiré de la pièce d'origine, une version pour un seul acteur du Procès de Monsieur Banquet, dans le château d'Écouen. Gratuit sur réservation (ce doit être complet à présent, j'aurais dû prévenir le mois précédent).
→ Un peu cher pour une œuvre pas si rare (45€ en dernière catégorie, où l'on voit cependant fort bien), mais Pygmalion de Rameau est une merveille absolue, l'Atelier de Toronto de très bonne tenue, le metteur en scène Pynkoski fait de très belles choses avec peu de moyens. Si vous ne connaissez pas, ça se tente.

2
Symphonie n°1 de Zeegant « Chemin des Dames », également une Messe co-écrite avec Karol Kurpiński (dont on donne aussi un poème symphonique « varsovien »), diverses œuvres polonaises et françaises des XIXe & XXe très rares. Pas de la musique très saillante en revanche, de jolies choses très traditionnelles, malgré les sous-titres. Dans l'acoustique infâme de la cathédrale des Invalides, pas persuadé du caractère indispensable de l'expérience.
Marin Marais au théorbe seul. Buraglia a des difficultés de projection, mais c'est un fin musicien, et il n'y aura aucun enjeu de ce genre dans cette petite cave. Réservation indispensable en revanche, microscopique jauge (une trentaine de personnes musiciens compris).

4
Hofstetter fait des miracles hors des répertoires habituels de ce spécialiste du baroque : ses Verdi sont passionnants (très peu de rubato, droit au but, très fins), je suis très curieux de ses Haydn, en plus une symphonie peu donnée.

5
Bernstein & Copland. Très original, avec en particulier la Missa brevis de l'un, le Lincoln Portrait de l'autre (avec Lambert Wilson, qui excelle dans ces exercices de récitant, contrairement à la plupart des autres vedettes qui s'y frottent). Radio-France n'a vraiment pas proposé grand'chose d'original cette saison, mais pour Bernstein, les choses ont été faites très sérieusement.

6
Antigone en ukrainien & russe. Je me méfie assez du théâtre à l'Athénée, où je n'ai jamais eu de bonnes expériences (en général assez statique et expérimental), mais il y a là une réelle motivation à réentendre cette intrigue rebattue sous des apprêts sonores nouveaux !

7
Symphonie n°1 de Méhul par Insula Orchestra & l'Akademie für alte Musik Berlin, sans chef. (Couplé avec la Cinquième de Beethoven). Méhul est souvent désigné comme le Beethoven français, non sans fondement, même si le langage de ses symphonies demeure à la fois plus français (mélodies galantes, ruptures d'une logique plus dramatique que musicale) et plus typé classique. Rarissime en concert, des œuvres assez abouties et qui seront indubitablement très bien servies !
Extraits du Grand Macabre. Pas forcément avenant, discutable san sdoute, mais incontestablement original et déstabilisant.

12
Mélodies finlandaises (Kuula, O. Merikanto, Melartin, Sibelius !), par Galitzine et Dubé (excellents musiciens). Programme rodé depuis plus de six mois, troisième ou quatrième fois qu'il est donné dans cette salle au fil des mois.

13
Rilke-Lieder de Clemens Krauss, le chef d'orchestre créateur d'opéras de Richard Strauss, co-auteur du livret de Capriccio… Il écrivait donc aussi des lieder orchestraux. Certes, reste de programme plus traditionnel, et Petra Lang n'incarne pas forcément la grâce la plus absolue qu'on peut espérer dans ce type de page, mais comme j'ignorais même que cela existât jusqu'à la publication du programme, je me garderai bien de bouder (et j'irai !).
13 & 15
→ Programme de noëls espagnols (Guastavino, etc.) qui n'attire peut-être pas l'attention, mais par le Chœur Calligrammes, putto d'incarnat du meilleur concert deux saisons de suite (!), il faut faire confiance au goût musical très sûr des chefs pour le choix des pièces, ainsi qu'à la qualité de la réalisation des choristes.
13 au 16
Pratthana, spectacle de Toshiki Okada (auteur-metteur en scène de Five Days in March), en thaïlandais. Évocation de l'histoire de la Thaïlande au XXe siècle à travers des scènes sensuelles entre couples devisant. Assez intriguant, mais après avoir trouvé Five Days assez décevant sur l'arrière-plan censé transcender les détails du quotidien (certes, ça parlait de la guerre en Irak, mais juste parce qu'ils traversaient une manifestation pour aller jusqu'au train, sans s'y mêler). Par ailleurs, je trouve que le thaïlandais n'a pas l'empire immédiatement physique du japonais sur des corps d'acteurs, et les extraits disponibles laissent percevoir que ce n'est pas très impérieusement déclamé non plus. Pas sûr que ce soit bien, donc, mais avouer que c'est terriblement tentant.

14
Quintettes de Koechlin et de Caplet aux Invalides… mais à 12h15, donc réservé à ceux qui travaillent à proximité et ont des horaires flexibles, ou aux retraités, ou aux étudiants qui sèchent. Je me demande aussi si le programme copieux annoncé sous-entend l'exécution d'une partie seulement du Quintette du grand Charles.
Le Nozze di Figaro à Massy, par une équipe de jeunes chanteurs de qualité. Rien d'immanquable (pas de chouchous absolus hors Matthieu Lecroart, mais en Bartolo seulement), mais un beau spectacle en perspective. Il y a trois dates. Je n'ai pas vérifié, mais il me semble qu'il s'agit de la production de Saint-Céré, où les récitatifs sont remplacés par des dialogues issus de la pièce de Beaumarchais.
14 & 15
→ Sibelius 2 et Nuit sur le Mont Chauve par l'excellent orchestre Ut Cinquième.
14,15,16
→ « Carnaval baroque » à Versailles, par le duo de géniaux metteurs en scène Cécile Roussat et Julien Lubeck. Pot-pourri de musiques du XVIIe (italiennes surtout, je crois – au moment où cette notule a été préparée, il y a plus d'une semaine, je ne disposais pas d'informations précises sur le programme) par le Poème Harmonique.

15
Quatuor n°1 de Jadin (je n'ai pas noté lequel des deux, mais du classicisme sophistiqué, plutôt hardin, mérite le détour). L'Orchestre de Chambre de Paris est l'un des rares orchestres permanents (probablement le seul en France, en tout cas) à avoir une réelle culture de la musique de chambre, et à tenir son rang dans l'exercice extraordinairement exigeant du quatuor à cordes, très différent de la culture d'orchestre (j'ai toujours été très déçu, comparé à des formations considérées moyennes de quatuor, par le résultat vraiment global des quatuors issus d'orchestres, que ce soit l'Opéra, le National de France, l'Orchestre de Paris…).

16 à 27
Hamlet de Thomas. Chef-d'œuvre qui réussit la conversation d'un matériau spécifique (le drame emblématique de Shakespeare) en un opéra à la française très cohérent et réussi. Il existe une série autour de l'œuvre sur CSS, réunie dans ce chapitre. Distribution au cordeau, comme toujours à l'Opéra-Comique.

19
Cendrillon d'Isouard, suite de la série des contes lyriques explorés par la Compagnie de l'Oiseleur (Le petit Chaperon rouge de Boïeldieu, La Colombe de Bouddha de R. Hahn, Brocéliande de Bloch, La Belle au bois dormant de Lioncourt). Des découvertes fulgurantes (André Bloch !) et à chaque fois des surprises devant des œuvres qui changent notre perception de ce qui était réellement joué à une époque, et qui se limitent, même en sollicitant abondamment le disque, à quelques titres épars, pas forcément représentatifs – car on garde, évidemment, ceux qui sont parmi les meilleurs et/ou ont une certaine personnalité. En exhumant d'autres bijoux qui, pour diverses raisons (conditions de création défavorables, évolution du goût…) n'ont pas pu se maintenir à l'affiche jusqu'à nous, la Compagnie de L'Oiseleur effectue un travail salutaire, d'intérêt public.
    [Ils sont par ailleurs à la recherche de partenariats avec des collectivités, prêts à explorer le répertoire propre à une ville, à une région, à un auteur, à une thématiques… Ils ne bénéficient d'aucune subvention, donc tout contact, tout donateur permettrait, vu les miracles qu'ils font sans aucun financement, outre de vivre un peu plus décemment de leur art, de décupler leur potentiel de défrichage. Denk' es, o Seele.]
    Ce que j'ai entendu d'Isouard, le grand compositeur emblématique de Malte, ne m'a jamais paru jusqu'ici excéder l'ordinaire de l'opéra comique tardif… Mais je n'ai pas lu cette partition, et ce ne serait pas la première fois que je serais surpris par les trouvailles de L'Oiseleur (témoin le récent Massé, un coup de tonnerre dont je parlerai très prochainement, dès que j'aurai pu en enregistrer quelques extraits).
    Distribution de voix amples et sonores, assez différentes des voix plus fines présentes dans les dernières productions ; pas mon esthétique, mais enfin, de grandes professionnelles (Marie Kalinine !) à qui l'ont peut faire confiance pour la maîtrise technique… et évidemment l'engagement, toute cette entreprise philantropique étant largement, pour les interprètes, à fonds perdus.
Programme de Noël baroque français avec l'ensemble de Reinoud van Mechelen. Ce qui est un peu rond et homogène pour moi à l'opéra ou dans les cantates peut bien fonctionner, surtout dans l'acoustique diffuse de la Chapelle Royale. (N'hésitez pas à regarder les tarifs, Versailles n'est pas hors de prix – 25€ en dernière catégorie, qui reste décente, ici, et il existe même moins cher pour d'autres concerts.)

20
→ Aliénor Feix, voix peu ample mais très adroite dans le lied, dans un programme original et grisant : Donizetti, Tchaïkovski, Cilea, Zemlinsky, Hahn, Schreker, Lili Boulanger, Séverac, au milieu de choses plus traditionnelles, Mozart, Schubert, Duparc, Fauré, Poulenc… Le midi.
→ Déambulation dans Orsay avec des micro-concerts des lauréats de la Fondation Royaumont… des valeurs extrêmement sûres.
Les Fâcheux de Molière avec musique de scène à la Sorbonne.
→ Un nouveau concert du duo Gens-Manoff. Très, très hautement recommandable pour le programme comme l'interprétation – c'est en revanche un peu cher pour du récital de mélodies. Enfin, pas cher si on a l'habitude des premières catégories dans les grandes salles, mais cher si on a l'habitude de prendre de l'entrée de gamme… 35€ tarif unique.
20 jusqu'à janvier
Opérettte Azor de Gabaroche. De l'opérette très légère, avec accompagnement façon mickeymousing, ce devrait être parfait pour les fêtes de fin d'année.

21,22,23
Marivaux, Le Triomphe de l'Amour mis en scène par Podalydès. La recommandation tient au fait que c'est Christophe Coin qui assure la musique, et que ses montages dans La mort de Tintagiles étaient l'une des choses musiques les plus bouleversantes que j'aie entendues… Évidemment, ici, il ne pourra pas se reposer sur la beauté du répertoire Bartók-Kurtág pour violon-violoncelle, mais on peut lui faire confiance pour laisser beaucoup de place à la musique, et de façon intelligente.

4-5 janvier
Star Wars IV & V en ciné-concert, c'est-à-dire l'intégralité de la musique jouée, par l'ONDIF en plus !  L'occasion de s'immerger complètement dans les inspirations prokovio-richardstraussiennes de John Williams, et d'entendre enfin tous ces détails masqués par le bruit des dialogues et bruitages, et pas reproduits sur disque (enfin, cela dépend des épisodes). J'aurais bien signé pour une version avec le film en muet, craignant que la sono ne concurrence un peu trop l'orchestre – moi je serais venu, même et plus encore sans la projection !  Mais en attendant une proposition conforme à mes souhaits, une grande symphonie sur les motifs de Star Wars, voire un opéra, ou simplement des portions musicales qui excèdent les tubes et les Suites d'orchestre existantes… je m'en satisferai très bien.

… et toutes les autres choses qui apparaissent sur l'agenda. Remplissez votre fin d'année, ainsi qu'on en fait sur l'Avon, comme il vous plaira. 


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Commentaires

1. Le dimanche 2 décembre 2018 à , par DavidLeMarrec

Le grand Xavier me signale que le programme du concert d'Aliénor Feix a été sévèrement « simplifié ».

2. Le vendredi 21 décembre 2018 à , par DavidLeMarrec

Concert #66 : Duos chant-piano de la Fondation Royaumont (Musée d'Orsay)



Profitant d'une soirée sans concert, j'ai testé la déambulation musicale au Musée d'Orsay : quatre duos piano-chant, lauréats pour toute cette année de la Fondation Royaumont (avec des masterclasses prestigieuses et des concerts), choisissaient un programme autour du tableau de leur choix et jouaient trois fois leur concert de 20 minutes, entre 18h et 20h.

J'avoue que la motivation principale (alors que le programme n'était pas disponible en ligne…) était de réentendre Célia Oneto-Bensaid, une des accompagnatrices les plus finement musicales que j'aie entendues ces dernières années. Elle fera peut-être une belle carrière solo, alors je profite de l'entendre dans ce répertoire de lied où elle excelle – parfois plus expressive même que ses excellents partenaires chanteurs – tant qu'il en est encore temps !

Un mot peut-être sur les caractéristiques pratiques, du point de vue du public, de l'exercice : il est difficile de tout voir (je suis arrivé un peu après 18h, il faut vraiment être au premier récital à 18h et ne pas avoir de difficultés de mobilité si l'on veut entendre chaque récital en entier), on est debout (avec, donc, ses habits sur les épaules dans les espaces surchauffés), le public alentour se tait diversement (et bien sûr, la foire aux vidéos). Ce n'est donc pas une ambiance dans le confort du concert, mais il y a quelque chose de convivial dans cet instané, cet à la carte, où la musique vient à soi, sans estrade, où les artistes sont tout proches, à portée de question, de félicitations, sans décorum. Ils viennent faire de la musique, on les admire, il n'y a pas de codes particulier (on est suffisamment près pour ne pas être gêné par les bavardages, il y a suffisamment de lumière pour que les portables ne soient pas un problème).
C'est un peu fatigant, donc, deux heures debout en passant aux étages 5 puis 0 puis 5 (erreur d'aiguillage) puis 2 puis 0… mais le concept est assez sympathique – bien sûr, on ne pourrait pas faire ça avec des vedettes, l'anonymat relatif de ces artistes néanmoins exceptionnels permet de ne pas causer d'émeute.

Concert 1 : Marie-Laure Garnier (soprano), Célia Oneto-Bensaid
Schubert (Dem Unendlichen, Die junge Nonne), Wolf (Mühvoll komm ich und beladen).
Le réglage du piano n'était pas optimal, mais on retrouvait les qualités des deux artistes : l'instrument glorieux de M.-L. Garnier, aux aigus si amples et maîtrisés, la finesse de conduite, tension, caractérisation, justesse du détail de C. Oneto-Bensaid. (Elle vient de sortir un disque de ses propres arrangements de Gershwin et Bernstein : elle a en plus le goût de l'exploration.)

Concert 2 : Alex Rosen (basse), Michal Biel (piano)
Schubert (Gruppe aus dem Tartarus, Grenzen der Menschheit, Prometheus)
J'ai beaucoup aimé l'accompagnement très subtil de Michal Biel (belles préparations des harmonies, des évolutions de nuances). Plus partagé sur Alex Rosen : le matériau, ténébreux, est formidable, et dans le cantabile des Grenzen, c'est saisissant, mais je crains (comme la plupart des basses – l'est-il d'ailleurs, vu la minceur de la projection du bas de la tessiture, malgré le timbre profond ?) qu'il ne se repose un peu trop sur la beauté naturelle de cette voix : dans Prometheus, la voix restait en arrière dans les aigus, on sentait la recherche de la couleur plutôt que de l'émission efficace / saine. Au demeurant un artiste très généreux, mais s'il ne veut pas abîmer son remarquable instrument et en tirer le meilleur parti, il faudrait vraiment travailler à maintenir un son plus antérieur (à mon très humble avis de spectateur).

Concert 3 : Marielou Jacquart (mezzo-soprano), Kunal Lahiry
Schubert (Romanze), Wolf (Die Nacht), Crumb (The Night in Silence Under Many a Star, Dance of the Moon in Santiago)
Là aussi, j'ai été frappé par le fait que le pianiste était plus bruyant en parlant anglais (avec un accent américain, fort twang très sonore) que la chanteuse lorsqu'elle chantait : la voix reste très ronde, très à l'intérieur, ce qui est dommage pour une émission lyrique (où l'on sacrifie la diction et le naturel pour un certain impact physique). Mais programme passionnant, avec ce Wolf assez conservateur, lentement égrené (ambiance Mondnacht de Schumann), et ces Crumb réjouissants (râclements dans le piano qui sonnent comme un moteur de bateau, beaux arpèges d'harmonies polarisées, dialogue saisissant en entendant la mort qui frappe comme dans les ballades écossaises…).

Concert 4 : Jean-Christophe Lanièce (baryton), Romain Louveau.
Massenet (Poème du souvenir).
Cycle presque joué en entier (un seul poème retiré), conçu sur le modèle schumannien (continuité narrative, avec postlude qui reprend la matière thématique de la première mélodique, comme dans Frauenliebe et Dichterliebe). Très bel ensemble, dans un genre qui pourrait évoquer La Bonne Chanson de Fauré, mais sur des poèmes d'Armand Silvestre qui ne sont pas ses meilleurs, et bien sûr avec des harmonies beaucoup moins élusives.
Surtout, Jean-Christophe Lanièce (pour lequel je m'étais fait beaucoup de souci en entendant son récent Pelléas intégral) semble avoir recouvré l'entièreté de ses facultés, avec cette émission si franche, ce français si généreux (tout est tellement intelligible, naturel, incarné), et sur ce timbre mi-clair, mi-mordant… Il m'a violemment évoqué Jérôme Correas et Gérard Théruel, soit les deux meilleurs compliments qu'on puisse faire pour un chanteur de mélodie française. Il avait aussi participé aux Études latines de Hahn données par la Compagnie de L'Oiseleur et je ne vois pas qui, actuellement, chante mieux ce répertoire que lui : il figure déjà parmi la compagnie illustre des Panzéra, Kruysen, Herbillon, Théruel, Correas. Tout simplement.

3. Le samedi 22 décembre 2018 à , par DavidLeMarrec



Concert #67
Debussy : Le Gladiateur, Suite de Pelléas (Altinoglu), Matin de fête

Le Gladiateur a été composé pour le Prix de Rome, où Debussy n'obtint cette fois que le Second Grand Prix (son Prix, il l'obtient avec L'Enfant Prodigue). Pas beaucoup d'action dans cette cantate (remarquablement enregistrée dans la collection menée par Bru Zane) malgré son titre : un gladiateur amoureux est un prison, la bien-aimée puis le père jaloux descendent le voir, et ça s'arrête à peu près là. On a en revanche de beaux récitatifs élancés, et bien sûr la nécessaire gradation du solo au trio. L'occasion de l'entendre en salle – un peu frustrant, je l'avoue : la diction du ténor, étranger (chinois, si j'en juge hâtivement par son visage et par les quelques mots entendus à l'extérieur avec ses amis), ne permettait pas de comprendre le texte ; celle de la soprane, bien française, était perfectible aussi… si bien que j'ai dû me raccrocher à mes souvenirs du livret que je n'avais pas relu depuis plusieurs années. Et dans une œuvre aussi étroitement liée à ses situations dramatiques – l'ambition avouée du Prix de Rome était de former avant tout des compositeurs destinés à triompher à l'Opéra de Paris –, c'était un peu gênant.
Quoique étrangère également, la basse (le programme ne fournit pas les noms) avait au contraire une voix très nettement articulée et franche, techniquement très bien avancée, ce qui facilitait aussi la diction.
L'orchestration est de Thibault Perrine : Debussy n'ayant pas remporté le premier prix, on ne dispose que des indications d'orchestration sur la particelle.

En revanche, très bel Orchestre des Jeunes du CRR (l'âge de lycéens, à vue de nez), aucune difficulté individuelle, et même une assez bonne cohésion, dans des pages exigeantes (Pelléas !) ou peu connues.

La Suite de Pelléas d'Alain Altinoglu reprend le principe de la Suite de Leinsdorf : interludes collés. Altinoglu fait le choix d'inclure la mort de Mélisande. Il me semble qu'il l'a composée en hâte, pour remplacer une exécution de la Symphonie Pelléas de Constant (problème de droits ?  de matériel d'orchestre ?), qui devait être jouée à la Philharmonie. J'avoue que ces suites me paraissent passer à côté du sujet de Pelléas : les mêmes motifs sont répétés d'un interlude à l'autre, tandis que quantité de merveilles beaucoup plus diverses sont écartées. Et, au moins, Constant finit en apothéose avec l'emballement de la fin de l'acte IV, là où Leinsdorf et Altinoglu ronronnent un peu trop à mon gré dans les mêmes atmosphères.

C'était donc surtout la belle réalisation de la jeunesse qui méritait le coup d'oreille… d'autant qu'il s'agissait du dernier volet de l'archi-intégrale (trois versions de Pelléas, dont la version pour deux pianos avec coupures faite par Marius Constant) proposée par le CRR depuis décembre 2017, une très belle entreprise à la fois pour le répertoire couvert et la mise en valeur de ses jeunes artistes.

4. Le jeudi 27 décembre 2018 à , par DavidLeMarrec


#ConcertSurSol #68 : Cenerentola de Rossini (Galienne / ONP / Pidò)

Je m'aperçois à cette occasion qu'il s'agit de l'un des opéras que j'ai vus le plus de fois sur scène (3 fois sur 15 ans, le maximum étant 4 pour Così fan tutte, Der Fliegende Holländer, Les Pêcheurs de Perles et Pelléas). Il faut dire qu'il est souvent donné, et qu'il fait toujours mouche.

Après avoir récemment débattu sur (l'absence de) vertu des Reines Tudor de Donizetti (et réécouté conséquemment ses œuvres faibles), je suis frappé de voir ici toutes ces petites colorations de bois, ces débuts de chœur en canon… L'Ouverture, je ne m'en étais jamais avisé à ce point, est réellement l'une des toutes meilleures de Rossini, vraiment bien construite, avec de bons thèmes qui ne sont pas seulemen traités comme des mélodies accompagnées, et non sans un aspect farouche (beaucoup de mode mineur) qui weberise un peu le propos.

Pour le reste, même si je déplore qu'on joue toujours Cenerentola, quelquefois l'Italiana et jamais Il Turco (rarement en Europe, jamais en France), l'œuvre fonctionne toujours aussi bien – c'est autre chose que le Barbier, tout de même !  Plus que sur la seule virtuosité ou sur les mélodies, Rossini mise véritablement sur ses grands ensembles concertati, sur les situations mises en valeur par la musique – ses duos ne sont pas des moments de bravoure, mais l'alliance du théâtre et de la musique emporte tout.

En termes d'interprétation, même en attendant la dernière et avec l'électrique Pidò, l'Orchestre de l'Opéra n'était pas véritablement à fond. Mais tout était en place et raisonnablement vivant – on bout un peu lorsqu'on lit leur salaire, leurs avantages, leur subvention, lorsqu'on connaît leur niveau réel (je préfèrerais mille fois avoir les Frivolités Parisiennes, ou même un orchestre moins virtuose qui jouerait avec tout ce qu'il a…), mais le résultat était convaincant dans l'absolu hier soir. (Et pourtant, il y avait beaucoup de jeunes dans la fosse, qui regardaient parfois avec sévérité les collègues en train de papoter !)

Vocalement, Marianne Crebassa encore une fois hallucinante : la voix semble sortir des murs, immédiatement présente quelle que soit son orientation sur la scène. L'aigu paraissait étrangelement aigrelet, comme si elle avait tenté d'en limiter le volume en en retirant la couverture ; il est plus clair, mais aussi plus tendu. Étrange, je n'avais jamais senti cette tension chez elle jusque là. De très loin l'Angelina la plus marquante que j'aie entendue, donc, disque inclus… mais pour l'air final, il existe plus maîtrisé – vraiment étonnant, alors que rien ne semble la faire trembler, celle petite fragilité soudaine. Elle semblait néanmoins euphorisée aux saluts (tout chanteur sait que l'hyperventilation produit son petit effet), et c'était vraiment, vraiment splendide de bout en bout, assez incarné psychologiquement de surcroît.
J'entendais pour la première fois en salle Lawrence Brownlee et Adam Plachetka : les voix ne sont pas grandes et un peu occultées par les tentures cramoisies de Garnier, mais le chant est beau et sain. Florian Sempey se bonifie décidément : certes la vocalisation rossinienne la plus agile est toujours savonnée (mais à moins d'un spécialiste exclusif, Dandini est inchantable !), néanmoins la plupart sont réussies, et la présence vocale et surtout scénique emportent tout. Galienne et lui parviennent à faire de cette utilité qui n'a, de plus, pas la meilleure musique, un pivot du drame, un réservoir de blagues – d'ordinaire, les mises en scène misent plutôt sur don Magnifico.

Grosse déception en voyant que, sans en avoir rien dit, Alessandro Corbelli a été remplace sur la plupart des dates par Paolo Bordogna : outre son abattage, la voix de Corbelli fend l'espace comme aucune autre – une des rares émissions à survoler Bastille ! –, tandis que Bordogna est très représentatif des voix à la mode faites pour les micro, d'un joli velours, mais très mal projetées en salle (on ne comprend rien, on n'entend qu'une seul couleur grise, et on entend mal tout simplement ). Ce n'est pas que ce soit mal chanté, juste que ce n'est pas une émission efficace, et qu'en salle, ça change vraiment l'expérience.
Un peu le même problème avec les sœurs (Chiara Skerath et Isabelle Druet), qui dans l'acoustique défavorable de Garnier passaient assez mal la rampe – on peut pourtant embaucher de petits formats pincés pour ces rôles, pas besoin de choisir des pâtes élégantes comme pour des héroïnes dramatiques…

J'ai lu beaucoup de mal de la mise en scène de Galienne et je l'ai appréciée. Pas mal de tentatives de revitaliser des éléments du livret qui paraissent posés arbitrairement, et qui entrent ainsi en relation avec d'autres répliques. Je trouve que, pour un vrai professionnel du jeu d'acteurs, il aurait pu animer davantage son plateau (je ne comprendrai jamais pourquoi, lorsqu'il est écrit que les personnages se battent, ils se parlent immobiles à plusieurs mètres… quel est le gain de drame / de sens en cela ?), mais je suppose que le temps de répétition est limité, et l'ensemble était assez bien fait. (J'avais beaucoup aimé la fantaisie de François DeCarpentries à la Monnaie, en janvier-février 2000, à l'époque où Shkosa chantait Rossini…)

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David Le Marrec

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