Erreurs orthographiques usuelles.
Par DavidLeMarrec, dimanche 18 juin 2006 à :: Langue :: #280 :: rss
Ce billet, que j'actualiserai régulièrement, a une visée simple : permettre aux webmestres ou carnetistes qui le souhaitent d'éviter quelques erreurs usuelles, même chez des rédacteurs cultivés.
Non pas que cela ait une importance capitale (ça n'en a, dans le cadre des carnets, à peu près aucune), mais j'imagine que ça peut les intéresser, avec la petite glose qui les accompagne en guise de moyen mnémotechnique.
Naturellement, j'ajoute les entrées quelque temps après avoir repéré l'erreur qui me rappelle qu'elle est régulière : il ne s'agit pas de blesser qui que ce soit, et encore moins de mettre des têtes sur une pique. Le français n'est écrit parfaitement par à peu près personne, ce qui règle la question.
C'est aussi ce qui à mes yeux renforce l'intérêt d'une réforme ou, en tout cas, le ridicule du conservatisme orthographique fier de lui. Voilà qui me rappelle mon agacement vis-à-vis de l'arrogance de Jean Clair - et sa traduction SMS, bilinguisme national oblige. Une langue est d'abord conçue pour être pratique, pas pour représenter un miroir de sa propre érudition ; dans ce cadre, le français d'aujourd'hui est amené à se simplifier efficacement, tôt ou tard - il en ira aussi de sa survie : quelles que soient les réticences, il faudra au minimum apprendre à tolérer des usages impropres sans sourciller. Voire accepter des modifications profondes.
Bref, si ce peut être utile, la liste suit.
- Pourquoi le gouvernement persiste t'il à vouloir baisser la TVA sur les moules frites, alors qu'il s'agit d'un plat d'un pays ennemi qui a voté Oui ?. Il faut écrire : Pourquoi le gouvernement persiste-t-il à vouloir baisser la TVA sur les moules frites, alors qu'il faudrait tout simplement la reverser intégralement à ce pays intelligent qui a voté Oui ?
- L'explication est très simple. On peut isoler deux processus parallèles.
- Dans l'immense majorité des verbes qui ne sont pas du premier groupe et à l'immense majorité des temps, la troisième personne du singulier se termine par un "t" ou un "d"[1]. Aussi, par habitude, un [t] fautif de liaison s'est étendu au premier groupe et à tous les temps, pour cette troisième personne du singulier.
- L'hiatus étant proscrit dans la versification classique et mal perçu en littérature, le son supplémentaire était bienvenu.
- L'écrit l'a institutionnalisé par ce "t" dit « euphonique »[2] : il ne s'agit donc pas d'une deuxième personne du singulier que l'on aurait élidée (avec cet apostrophe à la place d'une lettre disparue), mais d'une lettre ajoutée en lien, d'où les traits d'union.
- A mille lieux. Il faut écrire à mille lieues.
- Il ne s'agit pas de parcourir des territoires divers, mais une distance énorme, décrite par cette ancienne unité de mesure, la lieue. Elle représente une longueur de plusieurs kilomètres (entre 3 et 5 selon les époques). Du latin leuca, emprunt au gaulois, elle est longtemps pratiquée en Europe, en Amérique latine, et sa valeur varie très sensiblement au fil du temps (en augmentant), jusqu'à son abandon. Mais la langue étant plus conservatrice, l'expression est demeurée.
- Autant pour moi / Au temps pour moi
- Véritable marronnier des discussions orthographiques.
- La seule véritable orthographe est "au trempe-tournoi". Elle a une explication historique, rigoureusement authentifiée par le chroniqueur Jean de Baynes. En 1687, une révolte mineure éclata en Ile-de-France. La pénurie de blé menaçait, et les exploitants refusaient de vendre le blé à Paris. Aussi, le temps de la crise, les réserves risquaient de manquer. Les Parisiens entreprirent donc, plutôt que de mourir tous de faim avec des réserves insuffisantes, de répartir les rations en quantités suffisantes, selon le mérite. On organisa donc des joutes au-dessus de la Seine ; le champion qui chutait dans le fleuve était repêché si possible, et rentrait dans son quartier, ruisselant, où, couvert d'opprobre, les passants lui jetaient des pierres en criant : « voilà le brave qui revient du trempe-tournoi ! ». Il n'y a pas, à ma connaissance, d'autre explication étayée et valable.
- La controverse ici. Si vous préférez avoir une page sérieuse, toutes les données sont parfaitement exposées ici. Au total, si vous passez un concours, au temps fait peut-être plus chic, mais de façon usuelle, il y a de la pédanterie à aller contre la logique, surtout lorsque la primauté de cette orthographe étrange n'est pas du tout avérée. Un tic distinctif d'universitaire, si l'on veut. [Très peu pratiqué sur les carnets blogeois, au passage.]
- De nombreuses expressions à portée généralisante sont au singulier (contrairement à l'intuition). Dans ces cas, la mise au pluriel n'est pas proscrite mais constitue une maladresse d'usage ; même pas une impropriété, mais quelque chose qui sonne comme de la naïveté. On écrira donc en tout cas et de toute façon, qui ont un sens à la fois particulier et général qu'on pourrait rapprocher de chacun. Evidemment, la différence n'étant pas sensible à l'oral, elle facilite l'erreur, bien naturelle en la circonstance.
- J'ai aussi lu occasionnellement
en définitif. C'est un substantif (c'est-à-dire un nom commun) et l'on a dans ce cas une forme qui s'apparente à un féminin. On écrira ainsi en définitive. - Erreur très usuelle est très compréhensible : la tournure pronom de renfort + qui + verbe.
- Mettons : moi qui ratiocinai?. Comme au présent, il n'existe pas de distinction entre la forme de la première personne du singulier et celle de la troisième ; comme le pronom relatif "qui" a tendance à développer toujours un nom (donc une troisième personne, sauf exception) ; beaucoup, beaucoup de rédacteurs le conjuguent à la troisième personne.
- Or, "qui" est mis pour son antécédent, qui est... "moi". Il faut donc accorder à la première personne, petite difficulté ici. Moi qui ratiocinais.
- Pour la formule affirmative, Eh oui, il faut prendre garde à ne pas écrire et oui. On peut cependant trouver quelquefois cette seconde forme de façon légitime. Exemples :
- "Je m'aperçois à quel point l'accent alsacien de Mireille Delunsch est délicieux en alsacien." " - Eh oui, il faudra t'y faire ; ne te l'avais-je pas dit ?" Ici, il s'agit d'appuyer l'affirmation, soit qu'on suppose un dépit de son interlocuteur (déçu d'avoir tort), soit qu'on souligne une évidence (celle d'avoir raison). C'est le cas le plus fréquent.
- "Je suis un inconditionnel de Philip Glass, le plus grand compositeur de tous les temps. Et oui [puisque tu me le demandes] j'irai voir Akhnaten pour le festival de Vladivostok." Ici, il s'agit simplement d'un oui précédé d'une coordination : j'aime Philip Glass (non, pas moi, lui) d'une part, d'autre part je te confirme que j'irai à Vladivostok pour lui. On suppose une question (au moins imaginaire) de l'interlocuteur, contrairement au premier exemple, où l'affirmation est plus gratuite. Le cas de notre second exemple est moins fréquent, et la plupart du temps, l'orthographe "eh oui'', quitte à déformer légèrement le sens, est tout à fait utilisable.
- Etre prêt à signifie être préparé à effectuer une action. Se trouver près de (souvent employé en tournure négative) signifie être proche (ou éloigné dans sa version négative) de la réalisation de l'action. Les mélanges entre les deux tournures sont fréquents. Exemples du "bon usage" :
- On sent à quel point les électeurs sont tout prêts à accepter des réformes si on leur présente sous la forme d'avenants mensonges. Expression synonyme : être disposé à.
- Je ne suis pas près de voter pour cet habile bateleur. Expression synonyme : Ce n'est pas demain la veille que.
- La question épineuse des impératifs du premier groupe. Les impératifs des deuxième et troisième sont faciles, ils s'apparentent au présent de l'indicatif. Mais le premier a une particularité, le "s" de la deuxième personne est tombé (ce qui donne l'aspect d'une troisième personne).
- Exemple : Ecoute donc Mireille plus attentivement, et tu verras au delà des stridences.
- C'est pour des raisons euphoniques (le français a horreur de l'hiatus) que le "s" de la deuxième personne est conservé lorsqu'un pronom contracté est accolé à l'impératif. Ecoutes-en donc ! Vas-y, tu ne le regretteras pas !
- N.B. : Le verbe "aller", bien qu'irrégulier, est à traiter de la même façon.
- N.B. 2 : En présence de jeunes, pensez à bien marquer la liaison : yva n'est pas considéré comme équivalent de "zyva'', car fautif grammaticalement parlant.
- Prendre à partie (c'est-à-dire "attaquer") est souvent écrit parti. Il est entendu que les partis politiques sont partisans et prompts à la polémique vaine, mais ce n'est pas le sens de l'expression. Prendre à partie, évoque l'univers juridique, où s'affrontent des parties, terme qu'on a, bien visible, pour les omniprésentes parties civiles.
- Peut-être que l'orthographe fautive provient d'une confusion avec prendre le parti de, pour le coup une allusion politique qui signifie "suivre, défendre" (souvent quelqu'un), de même qu'en rejoignant un parti (qui, à l'origine de l'expression, était plutôt un "camp politique" au sens large) on s'engage sérieusement aux côtés des intérêts d'une communauté.
- Les deux expressions sont au fond exactement opposées, ce qui explique qu'on soit tenté d'opérer un transfert pour harmoniser les deux termes centraux.
- Pallier est un verbe transitif direct.
- Exemple : L'opéramanie pallie l'ennui, pas le gouffre du porte-monnaie.
- Par conséquent, il est défendu d'écrire y pallier (c'est-à-dire "pallier à quelque chose, transitivité indirecte qui est impropre). Exemple : Le gouffre du porte-monnaie, à part le travail ou l'héritage, je ne vois guère de moyen de le pallier''.
- Pour la curiosité, le verbe peut être employé de façon instransitive (usage vieilli). Une fois n'est pas coutume, j'emprunte deux exemples au TLF[3] :
- le mal qui n'étoit que pallié, a reparu au bout de quelque temps (GEOFFROY, Médecine pratique, 1800, p.541) ;
- La voie d'eau n'était qu'interrompue. Le mal était pallié, non réparé (HUGO, Les travailleurs de la mer, 1866, p.387).
- On rencontre régulièrement un emploi étrange du mot latin sic.
- Sic signifie « ainsi », il sert à attester d'une erreur dans un propos reproduit fidèlement. Il est très utile dans les travaux d'érudition, ou dans le persiflage pour démonter un texte adverse.
- Par exemple pour reproduire un texte de Balzac avec les fautes de l'édition Furne. Pour signifier que ce ne sont pas des fautes de frappe de mon fait, je m'attacherai à noter [sic] après les termes où apparaissent des fautes. Il s'agit donc ici de restituer toute la précision possible.
- Plus perfidement, on peut citer le texte d'un adversaire, qu'on se plaira à démonter par l'argumentation ensuite, en soulignant les fautes de ce maladroit décérébré, par ce même moyen. Ce n'est ni très élégant, ni très efficace (le lecteur s'en apercevra tout seul, et cela ne tranche nullement le débat, même sur une querelle linguistique ou orthographique). A titre personnel, je trouve le procédé déplacé et même assez agaçant - une façon d'étaler ostensiblement sa propre maîtrise de la langue, pas nécessairement parfaite, par ailleurs.
- Mais cet usage est détourné, et d'autant plus depuis que les sites personnels versent dans le commentaire d'actualité (facilité par la publication chronologique via la forme carnet). Sic a remplacé chez les gens fréquentables le souriard par trop plébéien, qui lui-même remplaçait les « héhéhéhé » empesés. Seulement voilà : de la même façon que le souriard sert à informer du ton pour lequel est conçue la réplique[4] et non pas à signaler un trait d'esprit, sic donne une information et n'intime pas un ordre. Sic n'est pas un indicateur de bons mots ! [A choisir, pouf pouf est plus modeste et plus communicatif.]
- Exemple pris chez une plume alerte et un esprit vif : La privatisation du secteur de l'énergie est engagée. Il n’est pourtant pas trop tard pour renverser la vapeur (sic), le gaz et l’électricité valant bien l’acier et le charbon en termes de stimulation communautaire... Non seulement le trait d'esprit lourdement signalé perd tout de son effet de surprise et de son élégance, mais, qui plus est, la chose sonne lourde, voire dangereusement autosatisfaite. Non, non, c'est bien là du mauvais goût impardonnable, et un emploi subverti de sic, auquel il faut s'opposer sans trêve ni indulgence !
- Sic signifie « ainsi », il sert à attester d'une erreur dans un propos reproduit fidèlement. Il est très utile dans les travaux d'érudition, ou dans le persiflage pour démonter un texte adverse.
- Quelques erreurs d'orthographe lexicale (parmi lesquelles on note en partie ou en totalité l'influence prégnante de l'anglais) :
- Les dérivés de son, mis à part le verbe sonner[5] et ses propres dérivés, ne comportent généralement qu'un seul « n » : assonance, dissonance, consonant, bien utiles en littérature et en musique, sont ainsi pour plus de commodité allégés en « n »...
- Le français écrit langage, sans « u ». Il faut dire que l'ancien français, qui nous a légué le digramme « gu » pour le son [g] et non [j][6] avec « i » et « e », a longtemps hésité, étrangement, à conserver ce digramme avant la lettre « a ». Le « a » a ses raisons que la raison ignore... Or, l'anglais ayant été amplement fécondé par le français moyenâgeux, il n'y a rien de bien étonnant à retrouver cette orthographe outre-Manche - et, depuis, le « u » a fini par être prononcé.
- Le piège est d'autant plus grand avec l'habitude de lire des textes, notices ou informations techniques en anglais, et que nous-mêmes écrivons, pour la raison citée plus haut, « langue ». Sans parle de l'influence des participes présents : Fatiguant toute l'assemblée, il fut expulsé. Ici, le « u » n'est pas nécessaire phonétiquement parlant !
- On entend fréquemment, chez les journalistes et dans la langue courante, une confusion entre opprimer et oppresser. Il faut dire qu'il existe une bonne explication : le substantif oppression ne correspond pas à oppresser.
- L' oppression correspond à l'asservissement par une puissance illégitime, disons pour faire vite. C'est le sens du verbe opprimer, qui signifie "mettre en place une oppression".
- Oppresser, lui, recèle un sens de malaise physique ou psychologique, d'écrasement. Il n'a pas de nom/substantif correspondant, et oppression n'est généralement pas employé dans ce sens. D'où l'ambiguïté.
- Afin d'en ajouter une couche, l'anglais, oppression, mais aussi to oppress, renvoie au premier sens !
- Du coup, on parle parfois de tyrans qui
oppressentdes populations, alors qu'il s'agit de commettre l'oppression (to oppress en anglais), c'est-à-dire d' opprimer. C'est plus que retors, j'en conviens. A moyen terme, et encore plus aisément sous la pression involontaire des élites anglicistes, cette subtilité inutile disparaîtra (bon débarras !).
- Le français écrit Irak. Iraq est l'orthographe anglaise. Elle reflète une prononciation plus subtile, comme « Lithuanie », qui n'est rendue que par l'écriture.
- L'adjectif kaotik, comment s'écrit-il ? J'avais toujours écrit chaotique, mais rendu curieux par l'orthographe très fréquente cahotique, j'ai procédé à une vérification - peut-être, après tout, que les deux existaient, avec éventuellement une nuance. Chaotique renvoie à l'état de Chaos, de masse indifférenciée, préalable à la création d'un ordre ; cahotique renvoie à un état parcouru de soubresauts (et s'applique plus à un processus qu'à un spectacle figé). Par goût, je trouve chaotique plus poétique et amusant. Et - heureusement pour ma vertueuse réputation -, c'est la seule orthographe attestée par le TLF.
- Toutefois, cette homonymie n'a rien de bien dérangeant, le sens demeurant sensiblement identique.
- Une tout autre question. Tout est ici invariable puisque, qualifiant un adjectif, il s'agit d'un adverbe.
- Attention cependant ! Dans Toute autre question ne sera pas écoutée, tout est considéré comme un déterminant (l'équivalent d' "une" dans l'exemple précédent) et s'accorde. La structure est considérée identique à une autre question : déterminant + adjectif + substantif.
- On connaît bien les oppositions état/Etat (condition/pays), église/Eglise (édifice/institution), mais peut-être moins les oppositions opéra/Opéra et océan/Océan.
- L'opéra désigne l'oeuvre ou le genre : l'opéra La Force du Destin de Verdi, la Damnation de Faust n'appartient pas à l'oratorio, comme on veut doctement nous le vendre, mais à l'opéra. L'Opéra désigne l'édifice. Répétez après moi : Le minuscule Opéra de Bordeaux est le plus élégant théâtre de Guyenne, donc d'Europe. Avec quelques difficultés : on parle parfois de Grand Opéra à la française, alors qu'il faudrait plus exactement écrire grand opéra à la française (avec le risque qu'on croie qu'il s'agit d'un jugement). Il y a aussi Opera, qui peut désigner le merveilleux butineur donc je me sers à l'instant pour publier ces pages.
- L'opposition pour océan/Océan est plus subjective. Néanmoins, outre la divinité grecque qui borde le monde, on utilise généralement la majuscule par opposition à la Méditerranée, et pas seulement en langue poétique. Dans ces cas, il s'agit de l'Atlantique, bien évidemment.
- A présent, pour fêter la vingtième entrée, un appel au secours. Je lis partout
la gente féminine. Pitié ! C'est une façon de paraître raffiné, mais de grâce, faisons-le avec attention.- Il existe l'adjectif gent, qui signifie peu ou prou gracieux, et qui s'accorde en effet - tout le monde a en mémoire gente dame, et c'est bien de là que provient la confusion.
- En revanche, le substantif, bien que féminin, est gent (l'ancien singulier de gens, pour faire vite). On écrira donc la gent féminine - et, pour le coup, bien que précieux, ce pourra permettre de briller en société, vu à quel point l'usage correct se fait rare... Un moyen mnémotechnique fonctionne généralement assez bien, à savoir l'évocation de La Fontaine : « La gent trotte-menu s'en vient chercher sa perte » (Le chat et un vieux rat).
- Chez les locuteurs "raffinés", on trouve souvent des excès de zèle un peu ridicules, et même agaçants, car témoignant de l'envie furieuse d'étaler son imparfait du subjonctif aux regards émerveillés du monde entier.
- Un cas typique est celui du contre-solécismehabituel. Au lieu d'oublier le subjonctif, comme dans les déformations d'usage les plus courantes, on l'invente là où il n'est pas. On lit ainsi des choses comme ceci :
- Fût un temps, j'étais rebuté par Céline à cause de ses opinions politiques - mais quel génie ! Le circonflexe est très joli, mais parfaitement déplacé. Il fut un temps n'est qu'un indicatif, rien de particulier à signaler.
- Plus retors, J'ignorais qu'il aimât. Oui, ça fait tout de suite impression - mauvaise impression. Après un verbe de connaissance, nul flottement relatif au subjonctif n'est nécessaire. J'ignorais qu'il aimait est bien moins 'relevé', c'est entendu, mais au moins, la tournure est correcte - et sans cette emphase qui touche à la fatuité.
- J'ai tout récemment rencontré un exemple de ce type chez un homme réputé pour son style, précisément - et à juste titre. Aussi, je me suis dit que l'heure était suffisamment grave pour susciter une petite actualisation de cette notule.
- [A ce propos, il est intéressant d'aller lire les carnets de journalistes pour se décomplexer au sujet sa propre orthographe. Le carnet de Christophe Barbier, par exemple, rédacteur en chef de L'Express, laisse filer quelques approximations surprenantes. Par ailleurs, c'est entendu, l'orthographe ne prouve rien de plus que l'assimilation d'un système codé - mais ce constat permettra de rendre plus modestes les piédestaux.]
- Un cas typique est celui du contre-solécismehabituel. Au lieu d'oublier le subjonctif, comme dans les déformations d'usage les plus courantes, on l'invente là où il n'est pas. On lit ainsi des choses comme ceci :
- Je note hélas ces derniers temps un regain de stigmates qui semblent refaire surface après l'overdose du moment journalistique privilégié où tous les locuteurs raffinés ont parlé des problèmes de stigmatisation des banlieues, des émeutes, du communautarisme, etc. Le caractère fréquentable de ce très joli mot est donc renvoyé aux calendes grecques.
- Dommage, tout de même, mais il ne subit ni plus ni moins que le sort de quelques expressions élégantes que les journalistes héritent de leurs études de lettres et se copient les uns les autres à qui mieux mieux. Comme l'élégance d'un terme est pour partie liée à sa rareté, structurellement, sa beauté diminue. Et surtout, à force d'être répétée de façon incantatoire, souvent hors contexte, l'expression se vide de son sens spécifique, pour n'en faire qu'un synonyme strictement interchangeable.
- Stigmatiser, ce n'est plus poser les marques de l'infamie, c'est juste critiquer, pas plus.
- Mise à jour du 12 mai 2010 : Les bizarreries de notre idiome, dans cette notule :
- le son de l'atonalité ;
- le pluriel de tonal ;
- détonner du ton.
- Mise à jour du 2 juillet 2010 : Etc. signifie déjà qu'on passe sous silence une liste ; les points de suspension qu'on y adjoint souvent sont donc parfaitement superfétatoires.
Voilà pour l'instant les premières entrées. Il y en aura d'autres.
Pour l'orthographe lexicale et les locutions figées, le Trésor de la Langue Française est tout à fait salutaire (considéré comme la référence avec quelque raison) et peut être consulté en ligne, par exemple par le très remarquable portail de Lexilogos.
J'ajoute, après expérience terrifiée, que Google n'est pas un dictionnaire. Google recense des termes, et en ce sens, peut permettre d'en comparer la fréquence, et d'en inférer l'orthographe probable. Mais il est loin d'être infaillible, et certains cas, comme prendre à partie (après vérification, mauvais exemple), risquent d'être peu significatifs pour trancher, numériquement parlant. Il existe aussi le risque d'oublier d'entrer la bonne orthographe parmi les possibles.
Quelques astuces (pas infaillibles), comme la légitimité du site (moins de fautes sur Le Figaro que sur un skyblg, en théorie), ou vérifier des expressions entières (plus compliqué avec un dictionnaire), existent.
Mais lorsque j'ai vu qu'on m'assurait qu'une orthographe existait parce qu'il y avait cent résultats dans Google (contre plusieurs centaines de milliers pour la bonne orthographe, qui n'avait pas été vérifiée...), je fus terrifié. Néanmoins, je crains que le public susceptible de faire cette démarche ne fréquente pas ce carnet. Je le signale tout de même, pour la curiosité - et parce qu'on peut faire, comme je le suggérais, un usage orthographique assez intéressant des moteurs de recherche. Jean Véronis en tire des analyses de tendance tout à fait intéressantes.
Notes
[1] Qui s'assourdit à la finale : les cordes vocales ne vibrent plus, et l'on obtient un son absolument semblable au "t".
[2] Qui forme une combinaison de sons agréable et harmonieuse : l'hiatus est très mal vécu en français.
[3] C'est-à-dire Trésor de la Langue Française.
[4] Usage particulièrement nécessaire en français, où l'ironie et l'antiphrase sont extrêmement fréquentes, jusqu'à la folie - l'aversion des Anglais pour nous s'explique peut-être par ce genre d'incompréhensions, qui sait. On remarque aussi que la communication passe énormément par de petites touches d'humour, drôles ou pas, qui sont presque une nécessité de politesse dans le rapport aux autres. Tout cela rend, dans les conversations informelles écrites, particulièrement salutaire l'emploi du souriard. Les esprits français sont déjà bien assez batailleurs - goût de la contradiction, voire de la chamaillerie très poussée. Gardons-nous donc d'y ajouter de nouveaux prétextes.
[5] Ce qui permet bienheureusement la convocation de Dame Carcas pour servir l'histoire légendaire de Carcassonne sans hérésie étymologique.
[6] Attention ! Je le note façon française, pour que tout le monde puisse suivre, et non en API.
Commentaires
1. Le lundi 19 juin 2006 à , par kfigaro :: site
2. Le lundi 19 juin 2006 à , par DavidLeMarrec
3. Le lundi 19 juin 2006 à , par aymeric :: site
4. Le lundi 19 juin 2006 à , par DavidLeMarrec
5. Le lundi 19 juin 2006 à , par aymeric :: site
6. Le lundi 19 juin 2006 à , par DavidLeMarrec
7. Le lundi 19 juin 2006 à , par camille (correctrice occasionnelle)
8. Le mercredi 28 juin 2006 à , par Philippe Perchoc :: site
9. Le jeudi 29 juin 2006 à , par DavidLeMarrec
10. Le lundi 3 juillet 2006 à , par DavidLeMarrec
11. Le mercredi 5 juillet 2006 à , par fitze
12. Le vendredi 13 octobre 2006 à , par vartan
13. Le vendredi 13 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec
14. Le vendredi 13 octobre 2006 à , par vartan
15. Le dimanche 15 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec
16. Le samedi 21 octobre 2006 à , par Bajazet
17. Le samedi 21 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec
18. Le samedi 21 octobre 2006 à , par Bajazet
19. Le samedi 21 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec
20. Le samedi 21 octobre 2006 à , par Bajazet
21. Le samedi 21 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec
22. Le dimanche 22 octobre 2006 à , par Bajazet
23. Le dimanche 22 octobre 2006 à , par jdm
24. Le dimanche 22 octobre 2006 à , par DavidLeMarrec
25. Le dimanche 22 octobre 2006 à , par Bajazet
26. Le dimanche 22 octobre 2006 à , par hope52era :: site
27. Le vendredi 3 novembre 2006 à , par jdm
28. Le vendredi 3 novembre 2006 à , par DavidLeMarrec
29. Le vendredi 24 novembre 2006 à , par Bajazet
30. Le vendredi 24 novembre 2006 à , par Vartan
31. Le vendredi 24 novembre 2006 à , par DavidLeMarrec
32. Le mardi 13 février 2007 à , par jdm
33. Le mercredi 14 février 2007 à , par DavidLeMarrec
34. Le mercredi 14 février 2007 à , par jdm joco
35. Le samedi 3 juillet 2010 à , par Moander
36. Le samedi 3 juillet 2010 à , par DavidLeMarrec
37. Le samedi 3 juillet 2010 à , par DavidLeMarrec
38. Le samedi 3 juillet 2010 à , par DavidLeMarrec
39. Le samedi 3 juillet 2010 à , par T-A-M de Glédel
40. Le samedi 3 juillet 2010 à , par DavidLeMarrec
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