Guy Môquet ou Il y a erreur sur la personne
Par DavidLeMarrec, lundi 22 octobre 2007 à :: Vaste monde et gentils :: #751 :: rss
Nous pensions bien ne jamais parler d'un tel sujet, tellement dans le vent, de surcroît le jour même de sa commémoration organisée, et qui pour tout dire a tendance à nous indifférer - un symbole, ni plus ni moins qu'un autre.
Mais la remarquable émission menée par l'homme qui croyait que la forme symbolique des champignons indiquait leur comestibilité nous a à la fois passionnés et beaucoup amusés.
Il apparaît en effet dans cette émission que, si l'on en croit ce que les supérieurs du jeune ont confessé (alors que lui avait tenu bon...), les tracts distribués par ces militants était, en bonne logique, dirigés contre le capitalisme, visant spécifiquement le Royaume-Uni et épargnant un peu l'Allemagne en vertu du pacte que l'on sait.
Les arrestations de communistes par le gouvernement Daladier étaient antérieures aux actes de résistance, et même aux premiers affrontements militaires dans les Ardennes, de surcroît.
Ce qui signifie, si tout cela est exact, que Guy Môquet n'a jamais été résistant, simplement un distributeur de tracts anticapitalistes, par-dessus le marché assez accommodants avec l'Allemagne.
Cela signifie aussi que Guy Môquet n'a jamais été patriote, au contraire même - il distribuait les tracts du parti, en harmonie avec les directives de l'URSS.
Vaste blague, assez drôle, que l'icône de réunion nationale ne soit, en fin de compte, assimilable de près ou de loin à aucune valeur transversale autre que le communisme.
Aucune ? Pas tout à fait. En nos temps de paix locale, le héros entreprenant fait peur. Et il nous faut bien reconnaître que CSS et ses lutins ne peuvent adhérer à la louange de ces faits de résistance qui ont assassiné les pauvres mobilisés allemands du fond de leur province - quel qu'en soit le but, il y a gêne. En cela, CSS a beau se défier de cette tendance de son temps, sans doute que nous y participons - le héros prêt à mourir et à faire mourir dérange, et sans doute à juste titre.
Si bien, et c'est ici que nos chemins se séparent d'avec notre temps, que la victime devient le nouveau héros - celle qui incarne le pire et qui, au cas où, doit être sanctifiée afin de rassurer le quidam qui se sussurera que, même en cas de déveine, il pourra se confectionner un nom par sa seule passivité souffrante. [Je vois déjà l'attirail christique ressorti, mais non, même si le lien indirect avec la psychologie collective est évident, il y a chez le Serviteur Souffrant une acceptation préalable à la Passion.] Avec maint effet pervers sur la morale d'esclave qui en résulte, où l'on se refuse à valoriser le risque, pour exalter la souffrance involontaire comme une vertu - rassurante, alors qu'il ne s'agit que d'un état de fait regrettable, pas de l'expression d'une force morale comme peut l'être un choix.
En cela, Guy Môquet, otage exécuté injustement, selon une rétribution sans rapport avec ses actes, qu'il n'a pas recherchée mais simplement supportée, est exemplaire - et, du fait de sa jeunesse et du contenu fort consensuel de sa lettre, parfaitement emblématique.
Précisément, autre gêne de la part de CSS que le contenu de cette lettre. Ou, plutôt qu'une gêne, un trouble. Car elle ne contient rien - rien d'autre que de l'affect. Aucune valeur morale n'est exprimée clairement, si ce n'est par l'objet même de la lettre - un certain attachement à la famille. Pour le reste, des banalités touchantes, mais peu utiles à l'édification des jeunes têtes, on le craint. Et il s'agit encore moins, on s'en doute, d'une réflexion profonde sur l'engagement, ses enjeux, ses implications.
En fin de compte, on propose là de l'émotion à l'état pur, la jeunesse face à la mort injuste et absurde, mais guère de contenu. Un paquet parfait, sans doute, pour ratisser en temps d'élection, mais dont l'utilité peine à se faire sentir de mon côté.
Par ailleurs, inutile de tirer sur l'ambulance, cette lettre n'a rien de répréhensible non plus - si l'on excepte l'exaltation de la victime qui l'accompagne (mais, en biaisant, le personnage est étrangement présenté comme un actif résistant communiste patriote). Un symbole un peu consensuel, un peu fade, pas très explicite, légèrement détourné, avec peu de contenu. Môquet n'y est pour rien et, ma foi, ça ne nuira pas à grand monde.
Simplement, l'émission de Brice Couturier éclaire tout cela de façon très stimulante, aussi bien sur le plan de la culture historique que sur celui de l'exploitation opportune du symbole par la politique.
Faute de temps, CSS n'est pas en mesure de proposer mieux aujourd'hui, et se désole un peu d'ajouter à la surinformation sur le sujet. Mais tout de même, l'amusement de la discordance entre le symbole et son contenu historique réel, qui ne comporte en vérité aucun des attributs avancés pour mettre en valeur cet épisode, a été le plus fort. Et comme CSS a l'émerveillement facile, tant pis pour vous, vous en profitez malgré vous.
On tâchera de faire mieux pour une prochaine Revue de Toile.
Commentaires
1. Le mardi 23 octobre 2007 à , par Inactuel :: site
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