Hans ROTT - la Symphonie en mi et son usage supposé chez Mahler
Par DavidLeMarrec, mardi 18 décembre 2007 à :: Les plus beaux décadents :: #800 :: rss
Ce n'est décidément pas un vain mot que l'inspiration de Mahler (le plagiat disent les plus féroces) par les esquisses inédites laissées par son ami. Tout le scherzo est fondé sur un motif quasiment identique aux agitations de la seconde partie de la Deuxième Symphonie (de Mahler : dans le scherzo et le final).
Cependant, la pensée est tout autre ;
Cependant la pensée est tout autre, totalement dépourvue de grotesque, et le mode de développement acharné évoque bien plus Bruckner. Le scherzo, bien que sur un motif mahlerien, évoque plutôt le ressassement de celui de la Quatrième Symphonie de Bruckner, et le quatrième mouvement laisse plus filtrer, pendant une large première moitié, un héritage simplement brahmsien qu'une vision de la "décadence classique" incarnée par Mahler. Il est exact toutefois que la fin, qui se tend longuement comme c'est ensuite l'usage chez son cadet, évoque plus les fulgurances orchestrales de Berlioz, les distributions de pupitres de Mahler ou les tempêtes du Korngold américain.
Bien sûr, dans l'ensemble, on ne peut que remarquer des aspects wagnériens, non pas sous la forme d'une orchestration mal comprise (monumentale et opaque, ce qui n'est pas tout à fait le cas de l'original), mais à travers des traits ou des choix esthétiques qui évoquent les derniers chefs-d'oeuvre (Tristan et Parsifal en particulier - il n'est que d'entendre le dernier accord...).
Il faut surtout signaler le très beau recueillement extatique du deuxième mouvement - à rapprocher des adagios de la Sixième de Bruckner et de la Quatrième de Mahler. Mais on y sentira beaucoup d'autres facettes, côté Brahms et côté Wagner, et des chorals forte et délicats de cuivres assez personnels.
En tout cas un jalon important de la symphonie germanique. Pour ceux qui redoutent le plus l'austérité, mieux vaut se tourner vers le visage avenant de ce même postromantisme - Weingartner.
Note : Hans Rott, mort prématurément, est souvent présenté comme un alter ego en puissance de Mahler. Son unique symphonie laisse à ce propos volontiers rêveurs les amateurs du corpus mahlerien. [1]
Voici ce qu'en aurait dit Mahler (extrait tiré des Mémoires de Nathalie Bauer-Lechner, qui l'a suivi de si près) :
Ce que la musique a perdu avec lui est incommensurable : son génie s'envole tellement haut, déjà dans sa première symphonie, qu'il a écrite lorsqu'il était un jeune homme de vingt ans et qui fait de lui - le mot n'est pas trop fort - le fondateur de la symphonie nouvelle, comme je la comprends. Mais ce qu'il voulait n'est pas encore atteint véritablement. C'est comme si quelqu'un lançait quelque chose de toutes ses forces mais, parce qu’il est encore maladroit, n’atteint pas vraiment son but. Mais je sais où il voulait arriver. Oui, il est si proche de ce qui m’est le plus personnel que lui et moi apparaissons comme deux fruits du même arbre, issus du même sol, nourris du même air. J’aurais pu retirer énormément de lui et peut-être aurions nous, ensemble, d’une certaine manière exploité à fond le contenu de ces temps nouveaux qui étaient en train d’éclore pour la musique.
Rappel : Pour écouter les symphonies de Mahler intégralement et légalement.
(Si la démonstration paraît trop abstraite, on ajoutera volontiers des extraits significatifs sur demande.)
Notes
[1] Dans son souci permanent d'édification, CSS fait bien remarquer qu'on a scrupuleusement employé les orthographes canoniques : wagnérien car entré dans les dictionnaires, mahlerien car simplement calqué sur l'allemand et pas suffisamment approprié pour être attesté. Il va de soi qu'en réalité, on peut en faire ce qu'on veut - et que personne n'ira chercher noise sur le sujet.
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Ajouter un commentaire