Carnet d'écoutes - Consternation triomphale
Par DavidLeMarrec, dimanche 10 février 2008 à :: Carnet d'écoutes :: #850 :: rss
Remerciements à Jaky.
Finalement, je n'aime pas l'opéra. Pas du tout.
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Grâce à un généreux prêt, je découvre ce récital auquel je n'avais pas projet de jeter oreille initialement, mais que la curiosité se satisfait fort d'entendre.
Dans ce récital consacré au répertoire du ténor Rubini, Juan-Diego Flórez fait valoir sa jolie glotte et les pires défauts de sa voix et des musiques choisies.
Timbre agressif (plus que par le passé, lassitude de ma part, improbable fatigue de la bête ou répertoire plus lourd pour ce studio ?), probablement très sonore mais très chargé en harmoniques métalliques. Une seule couleur, certes éclatante. Une nuance (le forte). Aucune construction psychologique.
Pour les airs, la platitude est due au principe même du récital d'opéra, surtout lorsqu'il est axé autour d'un genre aussi stéréotypé que l'air-brillant-pour-ténor-belcantiste-de-format-moyen.
Hélas, une bien méchante image de Guillaume Tell (extrait ci-dessus) est ainsi injustement donnée.
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Il faut saluer l'excellent travail de Roberto Abbado (avec l'orchestre de l'Académie Santa-Cecilia de Rome), alerte et rebondissant - la manière Pidò semble faire des adeptes dans le répertoire, et l'on ne pourra qu'exulter à cette nouvelle. La vraie consolation de ce disque.
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D'abord très impressionné à son apparition (une sorte de virtuosité bartolienne infinie apparue chez les ténors), puis mitigé sur son souci de la voix prenant le pas sur ses choix de rôles et même sur ses incarnations, ensuite lassé par son indifférence absolue au texte et sa monochromie constante (très piètre acteur pour parfaire les choses), et aujourd'hui agacé jusqu'à n'y plus tenir. Voix idéalement placée, sonore, brillante. Mais fatigante. Et tout cela très plat et ennuyeux. Une glotte sur pattes, dont on regrette qu'elle n'interprète pas des exercices plus périlleux encore, chaque morceau paraissant des échauffements bénins très au-dessous de ses moyens - et de toute façon absolument pas interprétés en tant qu'oeuvre d'art.
Il est vrai que la présence d'un timbre très caractéristique mais sans aucune capacité de varier les couleurs (toujours en position d'émission "optimale"), le refus de sacrifier le moindre quart d'once de plénitude vocale à l'expression, le sentiment que le chanteur est exclusivement préoccupé de son seul maintien vocal, l'incapacité irrémédiable à la nuanciation (même écrite), à l'originalité du phrasé, tout cela ne nous est pas très engageant.
L'écoute suivie de ce récital, par son uniformité musicale (les pièces retenues, très peu modulantes [1], et surtout l'interprétation totalement indifférenciée), devient très vite pénible - l'impression d'entendre en boucle le même air pendant une heure. Evidemment, tous ceux sur ce même patron ont été ressortis pour l'occasion. Les plus semblables possibles, comme il ne faut pas faire. Surtout lorsqu'on a affaire à un diable pareil qui les interprètera tous de façon identique.
Naturellement, c'est là un grand chanteur, qui mérite sa carrière par les qualités bien précises qu'il a recherchées et développées au plus haut point. En ce sens, il s'est aussi pleinement accompli qu'il est imaginable (essayez par exemple de sentir les différents « passages » où « tourne » la voix : impossible, homogénéité parfaite, même le falsetto [2] occasionnel du suraigu est très bien intégré).
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En fin de compte, selon mon sentiment, une valeur non pas fausse mais discutable.
Technicien hors pair ? Oui, mais dans une seule perspective. La technique consiste aussi dans la capacité à produire des nuances, à s'adapter à des styles. Somme toute, Juan-Diego Flórez ne sait produire que de l'agilité brillante. Certes, il est le meilleur dans cette catégorie, ce qui lui fait tenir (à juste titre) tous les premiers rôles qu'il y voudra. Pour chanter ne serait-ce que de la mélodie italienne, c'est impossible.
Artiste ? On le cherche encore, mais on finira par le trouver. On a reproché, et à juste titre, une tendance lourde chez Bartoli, du moins jusqu'à une certaine période, à l'expression stéréotypée, ouvrant la boîte à types pour incarner de façon systématique ses airs. Ici, le reproche ne tiendra pas, il n'y a qu'une seule expression : le triomphe (consternant).
Notes
[1] Modulation : changement de tonalité au cours d'une pièce, qui permet notamment d'en renouveler les couleurs et d'éviter l'effet de lassitude.
[2] Fausset ou voix de tête, mode d'émission qui diffère du mécanisme vocal général. C'est ce qu'emploient les contre-ténors.
Commentaires
1. Le dimanche 10 février 2008 à , par HerrZeVrai
2. Le dimanche 10 février 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le lundi 11 février 2008 à , par HerrZeVrai
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