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Le disque du jour - XXI - Frédéric CHOPIN - Préludes Op.28 - Alexandre Tharaud

Un autre choc !

Pourtant, avec Tharaud, on s'attend toujours à l'exceptionnel, d'où le risque d'être déçu (comme par son Couperin, par exemple).

Et nous croyions vraiment, pour les avoir trop écoutés et trop joués, que nous ne pourrions pas remettre l'oreille avant longtemps sur ces Préludes.

Pris avec une vivacité très peu commune, Tharaud leur applique des recettes baroquisantes qu'il semble avoir appris avec son Rameau : détachés (mais avec des arrivées de pédales toujours expressives et saisissantes), irrégularité des notes égales (créant une atmosphère de danse). A moins que ce ne soient cette clarté et ces déhanchements imprévus rencontrés chez Ravel. Le droit au rubato, il en use abondamment, mais pas de la façon consacrée par la tradition, en alanguissant les phrasés ; non, au service de la danse, et surtout d'une appropriation totale de ces pièces. Evidemment, les pièces les plus lentes ne sont pas profondément mélancoliques, plutôt calmement méditatives, et tout cela respire la franche gaîté. Comme à ce tempo tout fuit !

Qu'importe, le résultat est si probant ! De quoi effacer tout nos souvenirs, assurément. Y compris Ohlsson, Magaloff ou Argerich. Le premier prélude est méconnaissable, une foule de polyphoniees nouvelles apparaissent, comme autant de possibles furtifs, écrits ou non. Et partout, de la (re)pensée sans explication de texte, des accidents sans ostentation, de la sculpture sonore sans rudesse, du chant plein d'évidence - rien de systématique ou de tarabiscoté.



 

Premier et deuxième préludes, parmi les plus réussis.

Couplage très judicieux avec des pièces de Mompou directement comparables à ces Chopin - mais en évitant les trop évidentes Variations sur le Septième Prélude.




Remerciements à Morloch.

On y reviendra probablement, prélude par prélude, car l'écoute est en cours, et au Septième nous voilà déjà terrassé. Le premier à lui seul est un monument, en tout état de cause. [Et, à la fin de cette note, peu à peu augmentée, nous approchons du total. Seule réserve apparue : plusieurs fois une pédale un peu généreuse qui noie les basses dans les préludes les plus emportés. Vraiment pour pinailler, parce qu'avec cela se crée aussi un univers sonore...]

Pas nécessairement chopinien, tout cela, mais tout simplement personnel et hautement abouti. Malgré cette inventivité débordante, une sobriété sonore qui contraste avec les épanchements complaisants habituels - et qui conviennent fort bien à Chopin, du reste, il n'y a pas lieu de jeter l'opprobre sur les autres pour louer ce Tharaud-ci. Qui ne rencontre de toute façon guère de rivaux dans l'histoire du disque.


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Commentaires

1. Le vendredi 14 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

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2. Le vendredi 14 mars 2008 à , par Lavinie :: site

Pas mal du tout, en effet.
Mais je n'oublie pas pour autant Pollini. Surtout pour le deuxième prélude, où je le préfère quand-même encore un petit peu!

3. Le vendredi 14 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Bienvenue Lavinie !

Pour le Chopin de Pollini, à vrai dire, je ne suis pas très client. Je trouve ça vraiment rigide, pour le coup. Pas de rubato, pas de chant. J'en suis un peu frustré. En plus je ne suis pas un inconditionnel du son "diamant" : tranchant et sans aspérité au cours de l'attaque.

Tharaud s'inscrit dans la même lignée d'un son très direct, mais avec une pensée du phrasé et de la couleur bien, bien différente. [Et infiniment plus passionnante pour moi.]

4. Le samedi 15 mars 2008 à , par Morloch

Heureux que ça t'ait plu :)

J'apprécie de plus en plus Alexandre Tharaud, mais je le trouve plus intéresant dans le répertoire romantique & postérieur que dans le baroque. Sans trop que je puisse dire pourquoi, le pianiste actuel qui me passionne dans le baroque sur instrument moderne est Murray Perahia, je le trouve beaucoup plus naturel que Tharaud dans ce répertoire (Perahia vient d'enregistrer quelques partitas de Bach d'ailleurs). Tharaud dans le baroque je trouve ça trop chichiteux. Alfred, je te vengerai !

Les versions des Préludes de Chopin vers lesquelles je reviens le plus sont Claudio Arrau et Martha Argerich, et je pense qu'Alexandre Tharaud va trouver une bonne place avec ces deux là dans ma discothèque pour former un trio. Je ne me lasse pas de ces pièces qui permettent des lectures aussi différentes, cycle ou ensemble de miniatures, il y a de la place pour des lectures différentes et opposées, j'adore.

5. Le samedi 15 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

J'apprécie de plus en plus Alexandre Tharaud, mais je le trouve plus intéresant dans le répertoire romantique & postérieur que dans le baroque. Sans trop que je puisse dire pourquoi, le pianiste actuel qui me passionne dans le baroque sur instrument moderne est Murray Perahia, je le trouve beaucoup plus naturel que Tharaud dans ce répertoire (Perahia vient d'enregistrer quelques partitas de Bach d'ailleurs).

Oui, Perahia est extraordinaire de poésie, mais il ne fait pas dans l'irrégularité baroque - du coup ça peut convenir à Bach qui peut survivre sans, mais pour du Rameau, je n'ose imaginer...


Tharaud dans le baroque je trouve ça trop chichiteux.

Je comprends bien le reproche, mais autant j'étais resté sur ma faim pour un Couperin un peu opaque, presque gourd - en tout cas sans grande espièglerie -, autant pour Rameau, cette réinvention d'un baroque fantasmé au piano (avec modes de jeu baroques, mais pensés spécifiquement pour le piano) constitue pour moi l'un des jalons majeurs du piano enregistré.


Alfred, je te vengerai !

Pour ceux qui ne connaîtraient pas, voici Alfred en train de travailler son Schubert :
.



Les versions des Préludes de Chopin vers lesquelles je reviens le plus sont Claudio Arrau et Martha Argerich, et je pense qu'Alexandre Tharaud va trouver une bonne place avec ces deux là dans ma discothèque pour former un trio. Je ne me lasse pas de ces pièces qui permettent des lectures aussi différentes, cycle ou ensemble de miniatures, il y a de la place pour des lectures différentes et opposées, j'adore.

Oui, un régal. Et les pianistes amateurs y piochent beaucoup de pièces faciles aussi : Huitième, Seizième ou Vingt-quatrième par exemple.

(Tiens, je suis sûr que le Huitième serait parfait à la guitare, tu nous fais quand un enregistrement ?)

6. Le dimanche 16 mars 2008 à , par Vartan

Le candide de la bande approuve. Chopin me hérisse le poil. Seul Arrau me permet de l'écouter sans déplaisir. On m'a fait profiter du CD de Diapason qui ne contient que les sept à onzième de ces préludes et j'avoue avoir été séduit par l'urgence douloureuse et introspective de Tharaud, le jazz voluptueux qui étonne, la légèreté et la luminosité de ces pages.

7. Le mardi 18 mars 2008 à , par Bajazet :: site

Je suis à fond dans un trip à la Licida, alors j'y vais :
Chopin m'ennuie à un point que vous n'imaginez pas. Les Préludes en plus… au secours !
Il n'y a que les Mazurkas par Michelangeli qui me séduisent, en fait, dans ce que je connais. C'est peut-être le syndrome de l'enfant battu : ON m'a forcé à jouer les Valses de Chopin autrefois, alors que je n'avais qu'une idée en tête : jouer du Rameau.

Bon, j'imagine que Tharaud est très bien là-dedans, il paraît que Chopin réussit aux anorexiques. Ou alors aux végétariens. J'espère qu'il fera les concertos avec Rousset un jour.

J'ai bien aimé le Couperin, j'avoue. Pour son Rameau, ça me semble tellement propret à côté de Marcelle Meyer, son modèle explicite. C'est très beau, bien sûr, mais… ;-)

8. Le mardi 18 mars 2008 à , par Bajazet :: site

P.S. Ces photos de Tharaud sont de plus en plus ridicules, mais je suis sûr que c'est bon pour les ventes ^^Ils sont finauds chez Harmonia Mundi.

9. Le mercredi 19 mars 2008 à , par Jerome

Bonjour,
En parlant de "Préludes" de Chopin, puis-je me permettre de vous demander ce que vous pensez de l'interprétation d'Ignaz Friedman (datant de 1923-26). Je viens de découvrir son existence sur un site japonais intitulé public-domain-archive.com et qui, comme son nom l'explique, présente des enregistrements libres de droits... au Japon. Les deux autres interprétations proposées soit me paraissent en France d'une légalité douteuse (il s'agit de celle de Claudio Arrau de 1950), soit "classique" (celle de Cortot). Et l'on m'a dit du bien de Friedman pour ses "Mazurkas".
Encore merci pour vos notes.

10. Le mercredi 19 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Bonsoir à tous !

Merci pour ces mots, Vartan ; oui, c'est aussi ce que j'entends chez Tharaud. Arrau est évidemment de l'excellent standard dans Chopin, toujours très chantant, sobre, et cette main gauche un peu lourde, cette pédale parcimonieuse ne doivent pas être pour te déplaire.

11. Le mercredi 19 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Bajazet :
Je suis à fond dans un trip à la Licida, alors j'y vais :
Chopin m'ennuie à un point que vous n'imaginez pas. Les Préludes en plus… au secours !

J'avoue rester perplexe devant "les Préludes en plus". Qu'on puisse abhorrer Chopin, et particulièrement les Concertos, les Valses, les Polonaises, les Nocturnes, je le conçois avec la plus grande aisance. Mais les Préludes, particulièrement ennuyeux ? En général, il sont considérés comme plus novateurs, plus digestes (et plus brefs...). Disons que je n'y vois pas au même degré ce qui peut irriter ailleurs dans le style chopinien.

Je l'ai hélas trop écouté et trop joué, mais je suis vraiment très sensible à l'ensemble de son catalogue. (Et tu n'aimes même pas les Chants Polonais ?)


Il n'y a que les Mazurkas par Michelangeli qui me séduisent, en fait, dans ce que je connais. C'est peut-être le syndrome de l'enfant battu : ON m'a forcé à jouer les Valses de Chopin autrefois, alors que je n'avais qu'une idée en tête : jouer du Rameau.

Effectivement, pour ma part, c'est moi qui avais battu ma profe de piano pour jouer du Chopin plutôt que du Bach (et pas les tubes qu'elle me proposait). Et l'une des dernières choses que je lui avais montrées, c'était du Jarnach...

Voilà où finissent les élèves désobéissants, tenez-le vous pour dit, petits enfants de tous pays...


Quant à Tharaud, bas les (grosses) pattes. Le discrédit jeté façon Bostridge sur le public supposé de ces Messieurs, ça ne prend pas ici, tût tût. Je n'ai pas de mots assez méprisants pour qualifier votre association avec Rousset, qui est d'un grossier qui confine à l'ordurier, voyez-vous.
On se situe dans la même lignée que Marcelle Meyer, indubitablement, à ceci près que Tharaud réinvente le piano pour servir spécifiquement Rameau, au lieu de lui appliquer un pianisme ordinaire - malgré la très grande qualité de l'interprétation de Marcelle Meyer, il va sans dire.

Et je suis navré que vous n'aimiez pas Couperin, vraiment.

Mauvais sujet !

12. Le mercredi 19 mars 2008 à , par DavidLeMarrec :: site

Bonsoir Jérôme, et merci pour ces aimables paroles.

Merci pour cette adresse, il faudra que je repère un peu tout cela et que je l'ajoute à la base de données s'il est largement conforme à la législation française.

Pour Arrau 1950, en principe, pas de problème, j'imagine que ça a été publié assez rapidement après la captation.

Enfin, concernant l'extrait proposé de Friedman (15e prélude), je suis ma foi extrêmement séduit par la clarté de l'articulation, l'irrégularité des attaques, la franchise de ce son feutré.

Ce doit être assez idéal dans les mazurkas en effet, si le sens de la danse est là.

Bonne soirée !

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David Le Marrec

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