dimanche 29 juin 2008
Franz SCHREKER - Die Gezeichneten ("Les Stigmatisés") - V - acte troisième : l'autoritaire et le lascif
Poursuivons notre balade en Schrekerland.
Dans cet acte III, quelques pans important n'ont pas encore été évoqués.
La première partie de l'acte III par Ingo Metzmacher et le Concertgebouw, et le livret.
Principe d'autorité
Le Duc Adorno était jusqu'à présent plus un principe qu'une psychologie : le pivot politique capable d'interdire le don de l'Ile Elysée, de protéger les chevaliers suborneurs, et donc de relancer plusieurs pans de l'intrigue (politique, policière, et même amoureuse en intercédant pour Tamare). Ici, séduit par sa rencontre avec Carlotta, il se fait confident. La réussite tient dans la fusion des deux caractères du personnage : il n'en demeure pas moins principe d'autorité, et aux yeux du spectateur peut valider l'authenticité de Carlotta, alors que l'épuisement de son amour une fois la jouissance artistique passée (sensible de façon diffuse à l'acte II, avec des indices nets mais contradictoires) pourrait la faire sensible comme manipulatrice et fausse.
Au contraire, ce personnage original et attachant - grand même lorsqu'elle accorde une humanité au difforme (Salvago) condamné à goûter par procuration aux orgies des autres, à augmenter en quelque sorte le faste et la subversion de ses crimes pour ressentir un semblant de l'exaltation que la Nature procure à chaque homme sans cette sophistication perverse, se liant à de mauvais libertins qui cherchent à chasser l'ennui de leur haute condition, trop tôt comblés, par des plaisirs toujours plus excessifs - échappe à la déchéance de cet acte III par ce regard autorisé du Duc, sans concupiscence ni mensonge.
Car cet acte III, dans le même temps où il se répand avec toujours plus de générosité musicale, sombre dans la démesure d'une orgie dont le dérèglement ne peut, en fin de compte, que se montrer funeste. Carlotta elle-même se dégrade toujours plus au yeux du spectateur, sa bonté se faisant intérêt (l'intérêt du tableau à achever plus que l'amour ou la compassion pour Salvago), puis, plus cruellement, une indifférence à toute chose face à la promesse d'un plaisir immédiat.
Carlotta est sauvée de l'oubli de ses bienfaits et de la réprobation, voire de la répulsion du spectateur, par cette parole, ce certificat d'authenticité que lui décerne le Duc Adorno.
Les trois théories
En cela, le texte de Schreker brasse de nombreuses théories de son temps. Le résultat reste, quoique sophistiqué, tout à fait naturel et séduisant en ce qu'il refuse tout dogmatisme. Nous ne sommes pas ici dans une démonstration, mais les acquis de la réflexion de son temps se trouvent en quelque sorte mis en action, avec leurs contradictions internes ou relatives.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Die Gezeichneten (les stigmatisés) - Les plus beaux décadents - Opéra, opéras a suscité :
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