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La musique classique, territoire millénaire des élites

Une petite réaction aux premiers commentaires postés sous cet article facétieux, sur le site très complet de G.T. . (Le site est actuellement en dérangement, ce sera, on l'espère, bientôt rétabli.)

Ce peut vraisemblablement intéresser (d'un point de vue tout autre, d'ailleurs) des lecteurs de CSS.


De la musique aristocratique populaire ?


Concernant le début de la discussion, en effet, le 'classique' est largement conçu pour une élite sociale (un divertissement de hautes classes sociales, qui dispose par son éducation des codes pour la comprendre) ou culturelle (ceux qui connaissent la musique d'un point de vue un minimum technique).

Ca n'empêche nullement tout le monde de l'apprécier, mais il est vrai que son origine est son expression est souvent restrictive de ce point de vue. Ca n'en reste pas moins une fausse question qui a relativement peu d'intérêt à mon avis, parce que l'essentiel est plutôt de savoir si on a envie/besoin de la découvrir (ce n'est nullement une obligation...), si on en a les moyens et si on a envie d'en faire l'effort. Avec les moyens actuellement existants (médiathèques, ouvrages de vulgarisation, sites, carnets ou forums divers, enregistrements libres de droits, tarifs préférentiels, spectacles de qualité gratuits ou à bas prix, radio...), c'est tout à fait possible. Avec un peu d'insistance aussi. Alors, c'est à chacun d'en ressentir ou non le besoin, et même si de toute évidence la culture de départ et le milieu social influent, ce n'est pas non plus une perte incommensurable s'il n'y a jamais d'accès à ce genre-là, ce ne doit pas être l'étalon pour juger de l'état de toute une société.

Mais il ne faut pas occulter qu'il existe des musiques 'classiques' conçues pour un usage populaire. C'est le cas pour une très large part de l'opéra italien, en particulier au XIXe et début du XXe, ce qui explique en partie sa simplicité par rapport aux autres expressions musicales de la même époque. La mélodie est première, le rythme simple, les histoires saisissantes. Et ça n'en produit pas moins des chefs-d'oeuvre (tout simplement des réalisations admirables, fondées sur cette norme).
On peut ajouter à cela certaines musiques de pompe destinées à être entendues par tous (et pas seulement chez les Soviétiques). (Evidemment, cela exclut toujours les provinciaux les plus éloignés des villes, mais c'est une autre problématique qu'il faudrait soulever ici.)
La musique religieuse (chrétienne) également, est pour (large) partie destinée à être entendue par tous, ce qui fait tout de même une large partie du répertoire destinée bien au delà d'une élite. Aujourd'hui encore, beaucoup de concerts d'orgue sont gratuits ou très peu chers.

Par ailleurs, on pourrait trouver beaucoup de nuances à apporter dans le détail : même l'art intrinsèquement aristocratique qu'était la tragédie lyrique au XVIIe siècle, calibrée tout entière sur le modèle du Roy, effectuant implicitement la chronique et l'éloge de sa vie, et débutant par un Prologue explicitement louangeur à l'adresse du souverain, était une fois créée représentée devant le peuple de Paris, qui avait ses goûts propres (Phaëton en particulier). Plus encore, la tragédie lyrique est née précisément parce que l'italien des opéras n'était pas compris du peuple qui les écoutait, et qu'on a donc créé un genre français à la mesure de Louis XIV.

Lire la suite de la notule.

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A cela, on pourrait ajouter l'origine populaire de danses d'abord transcrites, puis stylisées pour la danse de cour, enfin utilisée de façon 'abstraite' dans des suites instrumentales destinées à être seulement écoutées (jusqu'à la création de nouveaux folklores imaginaires). Ou bien l'usage de thèmes populaires, dans les sujets comme dans l'écriture musicale. Les pièces prévues pour accoutumer les enfants. Ou encore le succès en sifflotage de mélodies impérissables (ou presque) ressassées notamment par la publicité.

On aurait donc trop vite fait de réduire la 'musique classique' à un facteur de distinction sociale. Ce n'en est qu'un aspect très marginal, et il faudrait songer à ne plus réfléchir en postulant toujours comme axiome qu'elle est d'abord un outil discriminant. C'est d'abord de l'art, d'abord du plaisir ; c'est plus difficile d'accès, du moins pour partie (car Vivaldi, Mozart ou Elgar sont bien plus avenants pour le néophyte que bien des pièces de rock un tant soit peu travaillées).
Mais la difficulté doit-elle, sous prétexte qu'elle n'est pas pas égalitaire, être considérée comme un vice suspect ? Cette difficulté, on peut l'apprécier ou la rejeter, selon l'envie de chacun, nul besoin de la moraliser.

Là où je peux abonder, c'est qu'on voit des différences dans l'usage qui en est fait, et là, en effet, ceux qui ont bénéficié d'une éducation musicale (pas forcément les classes privilégiées socialement, d'ailleurs) sont évidemment structurellement favorisés pour l'écoute attentive et analytique. Néanmoins, d'autres y parviennent, donc pas de classement hâtif ici non plus...

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Juste manière de recommander nuance et prudence pour cette généralisation trompeuse - comme pour une autre...


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Commentaires

1. Le dimanche 27 juillet 2008 à , par Papageno :: site

Mais non, le classique n'est pas une musique de riches. C'est une musique de vieux...

2. Le lundi 28 juillet 2008 à , par vartan

Pourtant nous savons bien combien Lully fut accessible au véritable néophyte et avec quel bonheur ! :-)

3. Le lundi 28 juillet 2008 à , par kfigaro

Malgré ta brillante analyse ;), tu oublies de différencier le rapport à la culture et plus particulièrement de détailler la nuance entre culture "froide" (celle de l'esthète qui privilégie "l'Art pour l'Art" gratuit ou "désincarné", ainsi que toutes les subtilités "discursives" ou stylistiques, ce qui revient d'ailleurs au même...) et culture "chaude" (qui privilégie le rapport "direct", "concret", à la fois authentique, corporel, énergique voire festif, mais jamais totalement "gratuit" ou par trop cérébral ou "détaché"), alors qu'elle constitue une ligne de démarcation pourtant fondamentale entre l'éthos "cultivé" (ou "esthète") et l'éthos "populaire" - cf le livre de Richard Hoggart : "La Culture du pauvre". C'est d'ailleurs ce qui peut, entre autres, expliquer le mépris des classes instruites par rapport aux concerts d'artistes médiatiques et décidément bien trop adeptes de culture "chaude" comme Rieu ou Nigel Kennedy (et je ne parle pas des territoires "voisins" de la musique classique décidément trop "appliqués" pour être réellement pris au sérieux : je pense en particulier aux arrangements classiques dans les musiques populaires, à la musique de film, etc...), ce mépris ne tient pas tant au répertoire de ces artistes (certes trop "divulgué" mais finalement à peine plus que les sempiternelles symphonies de Mozart multi-enregistrées, que les "Planètes" de Holst, que "Carmen", que Bach, etc...) qu'au rapport "chaud", corporel et "festif" qu'ils entretiennent avec leurs publics.

Question (faussement) ingénue : à ton avis, quel est le statut social, et surtout quel est le niveau d'instruction de tes commentateurs les plus éclairés ou les plus à même de "disséquer" le jeu de tel ou tel interprète, de "gloser" sur tel ou tel aspect esthétique de telle ou telle période ou tel ou tel compositeur en les "reliant", de façon extrêmement savante et subtile, avec tels ou tels autres ? Ou autrement dit : qui sera le plus à même d'écrire un commentaire ayant une réelle "valeur, sur le "marché symbolique" (où les "prix" sont extrêmement élevés !) que représente cet espace de discussion ? ou plus simplement encore : qui osera intervenir face à quelqu'un d'aussi instruit et aguerri que toi en matière de musique classique ? (vu que tu seras forcement moins "débiteur" que "créancier" sur un tel "marché") ;)

4. Le lundi 28 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Christian,

Je crois qu'il y a beaucoup de choses qui ne sont pas équivalentes qui se croisent dans ton message. Les perceptions émotionnelle et analytique peuvent cohabiter chez un même individu, voire au cours d'une même écoute, et en tout cas cohabitent au sein d'un même répertoire. C'est la fameuse histoire des catégories de mélomanes, que j'avais établies dans un moment de rigolade, et qui s'avèrent relativement opérantes.

=> Catégorie 1 : public familial, qui se déplace exceptionnellement au concert, de préférence pour voir ce qu'il connaît, et qui n'est pas très réceptif, du moins de façon consciente, aux questions d'interprétation.

=> Catégorie 2 : public vocal ou instrumental, qui se déplace d'abord pour les prouesses techniques, ou pour voir son chouchou dans tel ou tel répertoire. L'interprète prime et dicte le répertoire.

=> Catégorie 3 : public musical, dicté par des critères de goût musicaux (qui ne sont pas forcément la complexité harmonique et contrapuntique, d'ailleurs, ce peut être la réceptivité spontanée à un style).

=> Catégorie 4 : public contemporain, souvent avec des connexions vis-à-vis du rock alternatif, du postrock, des musiques électroniques ; d'abord sensible aux textures.

=> Catégorie 5 : public théâtral (ou poétique), très sensible à la qualité littéraire des textes utilisés, à la diction, etc.

=> Catégorie 6 : public social, pour qui la musique est moyen de contact. Ce peut aller de l'apparat petit-bourgeois au goût de discuter, comme sur les sites de musique...

Evidemment, chacun combine à des degrés divers ces éléments.

Il est donc tout à fait possible d'écouter du Ferré en disséquant les textes ou d'écouter du Prokofiev pour rêvasser ou faire la sieste... Il y a des gens qui écoutent Wagner parce qu'il y a de grandes voix très sonores, d'autres parce qu'ils aiment la qualité de ses modulations...
C'est en cela que ta distinction entre "chaud" et "froid" me paraît beaucoup trop schématique.

La question du mépris pour Rieu est d'une autre nature à mon avis. Elle tient à la fois de la posture du "vrai connaisseur" (qui ne se mêle pas à ces foires-là), du jugement esthétique (le résultat est tout à fait correct à mon avis, mais sans les partis pris très radicaux qu'on entend chez les 'grands chefs' portés au pinacle par la critique), de l'indignation devant les arrangements de mauvais goût, les scies insupportables, les créations dégoulinantes (mais ces gens-là n'écoutent du classique qu'occasionnellement, ils ne cherchent pas le grand frisson d'un chef-d'oeuvre caché, ils ont d'autres occupations et c'est bien permis), et de l'agacement devant les prix beaucoup plus élevés que pour un concert classique standard de qualité (là, je le regrette en effet, mais un palais des sports sonorisé est moins intimidant qu'une salle de concert, tout bêtement).

Ce sont des gens qui se laissent séduire par le marketing, ou pour qui la plus-value des ballons colorés, le fait de pouvoir se lever danser pendant le spectacle sont très précieux. Ca ne les mène pas face aux grandes découvertes, mais ça leur fait plaisir. Et ce n'est pas un mal, personnellement je n'ai pas la moindre animosité contre Rieu, il vend un service de qualité que personne d'autre ne fournit.

C'est une question d'éducation plutôt que de catégorie sociale, en fait...


Mais les deux réceptions sont infiniment respectables, et les gens fréquentables ne jugeront jamais un auditeur sur la façon qu'il a d'aimer la musique. Ensuite, on peut lui suggérer de découvrir plus en profondeur, mais chacun est libre, et il n'y a pas de jugement à porter sur ces choses... C'est pour cela que la question "chaud" / "froid" me paraît sans objet, en tout cas pour ce qui me concerne, je n'y regarde pas de si près pour trier les gens !


C'est d'ailleurs ce qui peut, entre autres, expliquer le mépris des classes instruites par rapport aux concerts d'artistes médiatiques et décidément bien trop adeptes de culture "chaude" comme Rieu ou Nigel Kennedy [...] ce mépris ne tient pas tant au répertoire de ces artistes (certes trop "divulgué" mais finalement à peine plus que les sempiternelles symphonies de Mozart multi-enregistrées, que les "Planètes" de Holst, que "Carmen", que Bach, etc...) qu'au rapport "chaud", corporel et "festif" qu'ils entretiennent avec leurs publics.

Tout à fait, mais c'est à mon avis une erreur, parce qu'ils font du bon boulot. Je pense qu'en l'occurrence il s'agit d'une position assez idéologique. J'ai très souvent entendu reprocher le fait que Rieu fasse du commerce, et pire, ne s'en cache pas, alors qu'il faut faire de l'art et cacher son argent pour être respectable. Je pense que ça joue beaucoup aussi.

Kennedy séduit plus ou moins, mais il respecté par les classiqueux, parce que ses qualités strictement musicales ne sont pas contestables.


Question (faussement) ingénue : à ton avis, quel est le statut social, et surtout quel est le niveau d'instruction de tes commentateurs les plus éclairés ou les plus à même de "disséquer" le jeu de tel ou tel interprète, de "gloser" sur tel ou tel aspect esthétique de telle ou telle période ou tel ou tel compositeur en les "reliant", de façon extrêmement savante et subtile, avec tels ou tels autres ? Ou autrement dit : qui sera le plus à même d'écrire un commentaire ayant une réelle "valeur, sur le "marché symbolique" (où les "prix" sont extrêmement élevés !) que représente cet espace de discussion ? ou plus simplement encore : qui osera intervenir face à quelqu'un d'aussi instruit et aguerri que toi en matière de musique classique ? (vu que tu seras forcement moins "débiteur" que "créancier" sur un tel "marché") ;)

Comme le soulignait Vartan, il existe des contre-exemples à tes représentations. :-)

Il est évident que plus le niveau d'instruction est élevé, plus le commentaire porte de contenu, et que statistiquement il est plus facile d'obtenir une bonne instruction au départ lorsqu'on vient d'un milieu social favorisé... Je ne sais pas trop ce que tu cherches à prouver.

Toutefois, sur l'aspect "débiteur / créancier" (et après, c'est moi qui est un rapport moral à la musique, hein...), je rappelle simplement le principe de ce site.
J'y fais mes pâtés, je m'y amuse, et tout le monde est bienvenu pour participer.

Beaucoup de lecteurs viennent depuis les moteurs de recherche sur les notes de synthèse, juste pour lire une info présentée de manière aussi claire et complète que possible, et sans repartent sans rien dire.
D'autres me demandent, en public ou en privé, des conseils de lecture ou d'écoute. Certes, ils sont débiteurs si tu veux, mais ils y gagnent s'ils obtiennent la réponse qu'ils veulent (j'ai déjà résolu quelques 'problèmes' grâce à ce moyen de communication, et j'en suis très heureux, je n'en demande pas plus).
D'autres encore postent des commentaires à partir de ce qu'ils savent (ou parfois des plaisanteries).
D'autres enfin postent des commentaires qu'on pourra aisément juger brillants.

Tous sont les bienvenus, je tâche d'alterner les présentations de points précis (qui intéresseront surtout ceux qui connaissent un peu l'oeuvre ou le répertoire), les petites amusettes, les liens vers d'autres sites, les enregistrements libres de droits présentés pour que tout le monde puisse découvrir le domaine public, les présentations plus pédagogiques qui font le point sur une notion musicale dont il est parfois difficile de trouver une définition correcte.
De ce point de vue, je fais ce que je peux pour que l'ingénu puisse, lui aussi, y trouver un peu de quoi se divertir.

Après, s'ils sont complexés, j'ai envie de dire que ce n'est plus de mon ressort. Soit ils se plongent dans le sujet et reviennent lorsqu'ils se sentent prêts (à quoi ? à rivaliser ? avec qui ? ça sert à quoi ?), soit ils participent avec ce qu'ils savent faire ou ont envie de faire, ou bien ils lisent en silence, ou encore ils ne lisent pas. Ils sont libres, je ne peux pas prendre en charge la psychologie individuelle de mes lecteurs !

Je me contente d'être vigilant, en essayant de m'adresser simultanément à plusieurs publics, en essayant aussi et surtout de ne jamais être blessant envers un artiste ou une catégorie de personnes.

Si, ensuite, mes lecteurs s'inventent des complexes parce qu'ils trouvent ce site trop bien pour eux, j'en suis très flatté, mais ils se cherchent vraiment des soucis !


Chacun est libre de poster ce qu'il veut, je tâche de fournir à chacun la réponse à ce qu'il cherche, je débats volontiers de divers sujet, je n'ai jamais fait de remontrances pour un commentaire courtois, même lorsqu'il y a manifestement erreur sur le site (ça arrive). Donc la question de la valeur d'un commentaire ne vaut que pour celui qui se la pose, ce qui n'est pas forcément le cas de tous les commentateurs...


Voilà, j'espère t'avoir un peu répondu.

5. Le lundi 28 juillet 2008 à , par Morloch

Ta distinction entre les cultures chaudes et froides tiendrait mieux si aujourd'hui les élites universitaires n'étaient pas imprégnées de ce que tu appelles la culture chaude. Il est bien plus facile de parler rock ou electro que de musique classique ou de jazz à l'université. C'est même un sujet qui oblige à se placer sur la défensive, tant la musique classique est connotée institutionnelle et bourgeoise. Sur celui qui écoute de la musique classique pèse toujours le soupçon qu'il n'écoute pas vraiment de musique, mais qu'il obéit à un conformisme social. Soupçon qui peut être en grande partie fondé.

A mon avis, mieux vaut s'intéresser aux choses pour ce qu'elles sont que pour leurs connotations. Une musique n'est pas bonne en soi parce qu'elle est connotée populaire, elle n'est pas mauvaise parce qu'elle est connotée élitiste. Il faut être conscient de ces connotations, mais savoir faire preuve de recul et juger les choses pour ce qu'elles sont et selon les critères qui leur conviennent. Et sur ce qu'on a envie d'écouter.

Quant à l'accusation, parce que c'est une accusation, selon laquelle les commentateurs de ce blog auraient fait des études supérieures, c'est une évidence. Encore que tu aurais sans doute des surprises si tu connaissais certains d'entre eux, bien moins mandarins que tu ne le penses. Ce qui me fait plus sursauter, c'est que les blogs consacrés au rock sur laquelle cette accusation a d'abord été faite ont un registre d'écriture qui pourrait faire penser que leurs auteurs ont eu leur brevet des collèges (peut-être au bout de la dixième tentative, et avec l'indulgence du jury, ce ne sont jamais que des amateurs de rock, hein, mais quand même, je pense qu'ils l'ont eu...)

6. Le lundi 28 juillet 2008 à , par kfigaro

Mais David est une exception sur ce plan puisque comme tu dis, les élites universitaires des années 2000 apprécient AUTANT le rock (y compris la pop la plus commerciale) que le classique, et consomment AUTANT la culture "chaude" que la culture froide, nous sommes tout à fait d'accord là dessus. Ce qui va faire toute la différence, c'est justement le fait qu'ils connaissent AUSSI bien l'un comme l'autre (et pourront donc en parler aisement), au contraire des plus "démunis" qui n'explorent qu'un seul domaine (en général lié à la culture "chaude") en tout et pour tout.

7. Le lundi 28 juillet 2008 à , par Morloch

Tu veux dire qu'il y a un piège, inconscient et délibéré, des classes dominantes culturellement, qui s'abaissent à parler de culture dite populaire, tout en conservant en secret entre eux le critère discriminant de la culture classique, ce qui leur permet de se reconnaître entre eux ? Je me suis parfois posé cette question.

8. Le lundi 28 juillet 2008 à , par kfigaro

Non ce n'est pas exactement comme ça que je l'expliquerais, disons que la société de consommation (et maintenant "d'hyperconsommation") a progressivement fait évoluer les classes les plus instruites et que celles ci "consomment" maintenant tout aussi bien des formes d'art dominées (rock, BD, séries télés, etc...) que dominantes (beaux arts, musique classique, grande littérature, etc...).

Seulement et c'est également important, cet éclectisme tout azimut doublé de la connaissance intime des "codes" permettant de "s'orienter" correctement dans le dédale du savoir humain leur permettra plus facilement - par rapport aux classes dominées - de distinguer "l'essentiel" de "l'accessoire", le "remarquable" du "mineur", le "rare et distinctif" du "trop divulgué", etc... En fait on pourrait résumer tout ça en disant qu'ils auront plus de facilités à "établir des priorités".

9. Le lundi 28 juillet 2008 à , par G.T. :: site

Je suis totalement d'accord avec ce remarquable article de David. Juste une ou eux petites choses à ajouter pour aller dans son sens... les grands compositeurs classiques ne viennent pas forcément de "l'élite" (ils viennent le plus souvent de familles de musiciens, jusqu'au XIX°).
Haydn, lui, vient d'un milieu très modeste (son père était charron), ça ne l'a pas empêché d'être un des plus grands compositeurs de l'histoire, et d'avoir plus que Mozart posé les bases du "style classique".
Le romantisme en musique, ce ne sont pas de grands bourgeois ou des aristocrates qui l'ont défini, mais Beethoven, le précurseur (fils d'un modeste musicien), et Schubert (fils d'un petit instituteur).

Tout au long du XVIII°, la musique se "démocratise", il ne s'agit plus de composer pour une "petite cour" (même lorsque le compositeur est dépendant d'un riche et noble mécène), mais pour le plus grand nombre. On abandonne le contrepoint pour privilégier des mélodies claires, accompagnées... il est bien entendu plus facile de se repérer quand on a une mélodie accompagnée que dans des superpositions de lignes mélodiques.
Abandon de la basse continue, on lui préfère des accompagnements plus rythmiques, diversifiés, "marqués"... les thèmes sont plus concis, carrés (4 ou 8 mesures), symétriques, la forme plus claire et simple à identifier... bref, tout est fait pour rendre la musique plus accessible.
C'est dans ce sens que travaillent les italiens de la première partie du XVIII°, suivis par Haydn et Mozart qui mettront tout ça "en ordre".
Il y a aussi à l'époque le développement des concerts en plein air, la musique classique se veut accessible au plus grand nombre. Elle ne s'est pas faite au XVIII° avec des "codes" hermétiques au plus grand nombre pour n'être compris que par une petite élite, c'est plutôt l'inverse.

Ensuite, pour répondre aussi à Kfigaro... je suis encore plus radical que David sur Rieu. Je veux bien vous accorder que, dans l'interprétation, c'est toujours mieux que Clayderman qui, lui, balance des synthés et boites à rythmes sur du Chopin... il dénature moins l'oeuvre de ce point de vue... par contre, il les dénature dans le kitsch de foire de ces "grands concerts" atroces.

Concernant la "culture chaude" et la "culture froide"... ce sont des termes qui ne me plaisent pas vraiment. Bien sûr, un concert classique ne se vit pas comme un concert de rock (quoiqu'il y a plein de gens qui vont aux concerts rock, pop, variété, et les vivent sans bouger d'un pouce de leurs chaises). Mais moi qui suis un grand amateur de groove, de rock, de rap, de leurs côtés intenses, urgents... et même si le rock est ma "culture de base", même si c'est toujours la musique que j'écoute le plus... je peux parfaitement écouter les Sex Pistols à fond, sans bouger de ma chaise et devant mon écran de pc... mais quand j'entends le Kyrie ou le Dies irae du Requiem de Mozart, impossible de rester immobile, je me lève de ma chaise, je me mets à agiter les bras comme une sorte de chef-d'orchestre halluciné, cette musique me "prend aux tripes" plus que toute autre (bon, je sais aussi me (re)tenir quand il le faut, je l'ai entendu en concert dans une église et je n'ai bien entendu pas bougé de ma chaise ni agité les bras :-) )
De la même manière, il y a des centaines d'oeuvres classiques qui me font vibrer au plus profond, que je peux écouter dans un état presque de "transe", elles ont le "potentiel" pour cela.

Il ne faut pas oublier que cette soit-disant "culture froide"... les italiens venaient à l'opéra où ils discutaient, criaient, mangeaient, même, pendant la représentation... que les femmes tombaient dans les vaps en écoutant du Chopin, parce que c'était "trop d'émotions", que Liszt était adulé comme une "rock-star", que certains trouvaient que le Tristan de Wagner était trop sensuel, trop sexuel, même, le duo du 2° acte considéré comme une forme de long orgasme.

Bref, le classique n'est pas intrinsèquement de la musique "froide" qui ne peut s'écouter que religieusement avec le plus grand sérieux. Même pas besoin d'André Rieu pour ça, le Dies irae du Requiem de Mozart par les chefs les plus sérieux et pointus, ça me fera toujours me lever de ma chaise si je l'écoute chez moi. Pareil pour le scherzo de la 9°, le début de la 6° de Mahler, etc, etc... il m'est même arrivé d'être quasiment "en transe" pendant toute la 1° symphonie de Brahms ! Pour moi, c'est bien plus "chaleureux" d'un point de vue émotionnel (et physique) que des tas de groupes de rock.

Il ne faut pas confondre la "récupération" par un milieu du "potentiel" d'une musique. D'autant plus que tout ça, ça va, ça vient... il n'est plus du tout - sauf dans quelques tous petits milieux très aristocratiques et anecdotiques - essentiel de connaître le classique pour être "bien vu".

10. Le lundi 28 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Beaucoup de convergences, Morloch, avec ton analyse.
Notamment :

A mon avis, mieux vaut s'intéresser aux choses pour ce qu'elles sont que pour leurs connotations. Une musique n'est pas bonne en soi parce qu'elle est connotée populaire, elle n'est pas mauvaise parce qu'elle est connotée élitiste. Il faut être conscient de ces connotations, mais savoir faire preuve de recul et juger les choses pour ce qu'elles sont et selon les critères qui leur conviennent. Et sur ce qu'on a envie d'écouter.




J'ajoute tout de même qu'on peut tout à fait écouter n'importe quelle musique (ou presque) en chaud ou en froid, même s'il existe pour chacune des approches majoritaires.

En plus, j'ai eu de la chance, dans mon cursus, parce que depuis mon jeune âge, mes goûts marginaux ont été respectés.

Ce qui me fait plus sursauter, c'est que les blogs consacrés au rock sur laquelle cette accusation a d'abord été faite

Tu penses auxquels ? Parce que je ne suis pas au courant qu'on parle de nous sur les sites de rock (et ce n'est que justice...). A part G.T., en l'occurrence, mais ça ne fait qu'un, et lui sait tout à fait écrire (et je ne crois pas qu'il tienne ce discours...).

11. Le lundi 28 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Kfigaro :
Mais David est une exception sur ce plan puisque comme tu dis, les élites universitaires des années 2000 apprécient AUTANT le rock (y compris la pop la plus commerciale) que le classique, et consomment AUTANT la culture "chaude" que la culture froide, nous sommes tout à fait d'accord là dessus.

Tout de même, Christian, je ne sais pas pourquoi tu veux faire de moi une élite universitaire verticale (ou, chez G.T., une instance condescendante), ça n'a pas beaucoup de rapport avec ce que je suis...

A force de tout mettre dans des tiroirs, on finit par ne plus voir le réel dans sa complexité, je crois. Ce n'est pas parce que j'écoute et parle beaucoup du classique que je méprise ceux qui n'en parlent pas ou qui parlent d'autre chose...


Ce qui va faire toute la différence, c'est justement le fait qu'ils connaissent AUSSI bien l'un comme l'autre (et pourront donc en parler aisement), au contraire des plus "démunis" qui n'explorent qu'un seul domaine (en général lié à la culture "chaude") en tout et pour tout.

Là, tu te méprends fortement. L'élite, comme le dit Morloch, ne maîtrise pas nécessairement le sujet, y compris en... musicologie.


Morloch :
Tu veux dire qu'il y a un piège, inconscient et délibéré, des classes dominantes culturellement, qui s'abaissent à parler de culture dite populaire, tout en conservant en secret entre eux le critère discriminant de la culture classique, ce qui leur permet de se reconnaître entre eux ? Je me suis parfois posé cette question.

Eh bien, dans ce cas, il y en a beaucoup qui ne m'ont jamais reconnu. :-)


Kfigaro :
Non ce n'est pas exactement comme ça que je l'expliquerais, disons que la société de consommation (et maintenant "d'hyperconsommation") a progressivement fait évoluer les classes les plus instruites et que celles ci "consomment" maintenant tout aussi bien des formes d'art dominées (rock, BD, séries télés, etc...) que dominantes (beaux arts, musique classique, grande littérature, etc...).

Seulement et c'est également important, cet éclectisme tout azimut doublé de la connaissance intime des "codes" permettant de "s'orienter" correctement dans le dédale du savoir humain leur permettra plus facilement - par rapport aux classes dominées - de distinguer "l'essentiel" de "l'accessoire", le "remarquable" du "mineur", le "rare et distinctif" du "trop divulgué", etc... En fait on pourrait résumer tout ça en disant qu'ils auront plus de facilités à "établir des priorités".

Mais ça s'apprend, tout ça ! C'est plus une question de temps libre (et même plus du tout d'argent, avec l'Internet et les médiathèques) et de présence dans des lieux culturels que de milieu social...

Là, c'est sûr qu'entre un retraité et un cadre dynamique, il existe une grosse inégalité devant cette connaissance.

Mais encore une fois, je ne saisis pas bien pourquoi tu cherches à moraliser cette inégalité. Le but, c'est plutôt de chercher à la réduire que de montrer du doigt ceux qui en bénéficient, non ?

D'autant plus que, quoi que tu en dises, tu fais partie de l'élite éclectique et cultivée que tu stigmatises...

12. Le lundi 28 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Merci pour cette longue réaction, G.T. !

Comme je suis d'accord avec ton message d'accord, je ne rebondis que sur les nuances, sinon on passerait l'hiver à s'intercongratuler. :)

Haydn, lui, vient d'un milieu très modeste (son père était charron), ça ne l'a pas empêché d'être un des plus grands compositeurs de l'histoire, et d'avoir plus que Mozart posé les bases du "style classique".

En fait surtout de certains genres, parce que les bases du styles classiques sont posées légèrement en amont par des postclassiques. Mozart fait partie d'une deuxième, voire d'une troisième génération de classiques, et par certains traits, annonce déjà certains éléments de la période suivante (sans jamais être romantique bien sûr).

Abandon de la basse continue, on lui préfère des accompagnements plus rythmiques, diversifiés, "marqués"... les thèmes sont plus concis, carrés (4 ou 8 mesures), symétriques, la forme plus claire et simple à identifier... bref, tout est fait pour rendre la musique plus accessible.

Tout à fait, c'est un point dont on oublie souvent l'importance. Naissance aussi de l'opéra-comique à partir des spectacles des Foires parisiennes, et en Allemagne de son équivalent le Singspiel, explicitement destinés au couches plus populaires.

Le vrai clivage se produit en réalité entre les villes et les campagnes, qui elles, et c'est encore le cas, sont privées de cette activité.

En revanche, je ne sais pas bien ce que tu veux dire par "accompagnements plus rythmiques, diversifiés", parce que spontanément, ça décrit l'inverse de ce que je connais. Je pense que je comprends mal ce que tu veux dire, en fait.


Je veux bien vous accorder que, dans l'interprétation, c'est toujours mieux que Clayderman qui, lui, balance des synthés et boites à rythmes sur du Chopin... il dénature moins l'oeuvre de ce point de vue... par contre, il les dénature dans le kitsch de foire de ces "grands concerts" atroces.

Ah oui, effectivement, parce que moi, Rieu, vraiment, je serais invité à un de ses concerts, j'écouterais ça sans déplaisir. C'est surtout le prix des places qui me fait tousser, ça explose ce que je paie pour me retrouver au parterre pour un opéra de trois heures trente très bien distribué à Bordeaux... Ca fait cher les ballons roses offerts, j'en conviens tout à fait !
Mais comme il est présenté sur un pied d'égalité avec la variété, les tarifs suivent...

que certains trouvaient que le Tristan de Wagner était trop sensuel, trop sexuel, même,

Schreker aussi, à la fin des années 10, a fait scandale de ce point de vue, mais lui, ce n'est même pas de l'extrapolation symbolique, c'est tout à fait noté dans le livret...


Et pour tout le reste de ce que tu dis, j'abonde absolument et sans réserve.

13. Le lundi 28 juillet 2008 à , par kfigaro

David :
D'autant plus que, quoi que tu en dises, tu fais partie de l'élite éclectique et cultivée que tu stigmatises...


Non je ne crois pas, je suis un (semi) autodidacte et j'ai uniquement un mince "vernis culturel" bien fragile et bien mal reparti, vraiment rien de plus (sauf dans quelques domaines que je connais un tout petit mieux comme la musique de film française mais ça s'arrête là)... Sinon je ne voudrais pas passer non plus pour le sempiternel "déterministe", le manichéen ou l'extrémiste bourdieusien de service, bien évidemment qu'il existe des exceptions (des individus d'origine modestes qui deviennent des mélomanes passionnés et érudits, des autodidactes au parcours totalement atypique, etc...), et bien évidemment que je ne me fie pas uniquement à la sociologie des "agents" ou aux seules lois d'airain de la "dictinction", seulement de telles différenciations (ou habitudes) sociales existent belles et bien - je ne suis pas le premier à l'avoir constaté et tu le reconnais d'ailleurs explicitement à la fin de ton article, je te cite :

Là où je peux abonder, c'est qu'on voit des différences dans l'usage qui en est fait, et là, en effet, ceux qui ont bénéficié d'une éducation musicale (pas forcément les classes privilégiées socialement, d'ailleurs) sont évidemment structurellement favorisés pour l'écoute attentive et analytique. Néanmoins, d'autres y parviennent, donc pas de classement hâtif ici non plus...



Un forum comme le défunt <a href="http://web.archive.org/web/20070428080608/http://www.abeilleinfo.com/forum/list.php?f=1">abeilleinfo</a> (avec leurs "décrets" de goût permanents et la violence symbolique extrême et ultra agressive qu'on pouvait presque palper à chacun de leurs posts, dommage que je ne puisse pas trouver des exemples précis encore lisibles bien que je doute que ça serve à quelque chose, n'ayant jamais réussi à convaincre quelqu'un comme GT) en était bien une preuve vivante (du moins quand il était encore en "vie") de même que le forum mqcd : http://musique.mqcd.fr/forum/ qui a pris sa suite.

Même si heureusement tu échappes grandement à ce mépris et à cette intolérance propre à ce(s) forum(s), il faudrait être fichtrement de mauvaise foi ou alors faire obstinément l'autruche pour affirmer que ces comportements "distinctifs", absolutistes voire ce "mépris de classe" sont des légendes ou de simples "épiphénomènes" dans les milieux propres aux mélomanes classiques !

14. Le lundi 28 juillet 2008 à , par Morloch

Désolé, je me suis trop vite exprimé. Quand je parlais "des" blogs, je pensais juste aux commentaires sous le message de GT et de la discussion autour de Bourdieu lancée par kfigaro ( dans son rôle de l'entomologiste des commentateurs de Carnets sur Sol). Je suis allé lire des passages d'autres blogs, celui d'arbobo, de Thom et j'ai remarqué que tout cela était très bien écrit. Je me suis même demandé si écrire et analyser aussi finement c'était très rock comme attitude ? Je ramasse les copies dans deux heures.

Et j'ai vu aussi que je suis complètement à la ramasse sur les groupes de la fin des années 2000, et même des années 2000 tout court. Argh ! Je vieillis ! Je ne suis pas capable de dire ce qu'écoutent les djeunz. Le nom le plus familier était PJ Harvey, mais j'ai vu son âge ce qui m'a fait un peu déprimer. Je crois que je vais bruler les étapes et me mettre directement à Maurice Chevalier et Mistinguett, ce n'est plus la peine de chercher à faire illusion...

15. Le lundi 28 juillet 2008 à , par kfigaro

Morloch :
Je suis allé lire des passages d'autres blogs, celui d'arbobo, de Thom et j'ai remarqué que tout cela était très bien écrit. Je me suis même demandé si écrire et analyser aussi finement c'était très rock comme attitude ?


Parce que tant que Thom qu'Arbobo (enfin surtout Thom j'ai l'impression... Arbobo ayant un parcours plus "autodidacte" et une boulimie musicale clairement forgée par son métier) fait partie des nouvelles "élites cultivées éclectiques" dont je parlais avant ! ce qui explique que, peu ou prou, le ton et le style (raffiné, sophistiqué et analytique) de leur blogs respectifs n'est finalement pas si éloigné de celui de notre hôte (nonobstant les thèmes abordés évidemment), et pour le dire autrement : tant Thom, que GT ou Arbobo vont porter sur la chose rock un discours d'esthètes ou de dandys "éclairés" (voire littéralement boulimiques ! Je l'ai d'ailleurs vérifié par moi-même pour avoir posté chez eux : ils sont littéralement incollables sur absolument n'importe quoi, leur culture étant visiblement aussi encyclopédique et sans borne visible que celle de David, là encore nous sommes face à de redoutables "créanciers" devant lesquels le commun des mortels ne peux faire office que de simple "débiteur")

Morloch :
Et j'ai vu aussi que je suis complètement à la ramasse sur les groupes de la fin des années 2000, et même des années 2000 tout court. Argh ! Je vieillis ! Je ne suis pas capable de dire ce qu'écoutent les djeunz... ce n'est plus la peine de chercher à faire illusion...


C'est également mon cas, sauf que pour moi ça commence même à partir des années 90 ! (peut mieux faire pour quelqu'un qui soit disant fait partie de " l'élite éclectique et cultivée" !) ;)

16. Le lundi 28 juillet 2008 à , par G.T. :: site

"En fait surtout de certains genres, parce que les bases du styles classiques sont posées légèrement en amont par des postclassiques. Mozart fait partie d'une deuxième, voire d'une troisième génération de classiques, et par certains traits, annonce déjà certains éléments de la période suivante (sans jamais être romantique bien sûr)."



Tout à fait... j'ai été un peu rapide... ce que je voulais dire, c'est que ce sont Haydn et Mozart qui ont vraiment su "finaliser", synthétiser ce qui avait été fait avant eux par les "pré-classiques" ou classiques de la première génération, et composé les grandes oeuvres du genre, celles qui deviendront les références de la symphonie, du concerto pour soliste, musique de chambre, etc...

"En revanche, je ne sais pas bien ce que tu veux dire par "accompagnements plus rythmiques, diversifiés", parce que spontanément, ça décrit l'inverse de ce que je connais. Je pense que je comprends mal ce que tu veux dire, en fait."



Dans le baroque, tu as ce continuo qui fait que l'on peut rester longtemps sur les mêmes formules rythmiques (ou mélodico-rythmiques), alors que le classique joue beaucoup plus sur les ruptures, les changements. Même à l'intérieur d'un thème bref !

Pour prendre deux exmples caractéristiques : le dernier mouvement de la 40° de Mozart :

http://www.youtube.com/watch?v=6x3W4GMf7lM

Et un concerto grosso d'Haendel :

http://www.youtube.com/watch?v=6x3W4GMf7lM

Chez Haendel, on a la même formule mélodico-rythmique, comme souvent dans la musique baroque, qui revient sans cesse (même s'il y a des nuances, bien sûr). On varie beaucoup moins que dans le Mozart ci-dessus, où rien qu'à l'intérieur du thème pourtant très court s'opposent deux éléments très distincts... ensuite, on a beaucoup plus de changements qui "marquent" tel ou tel passage (avec, en plus, l'opposition des 2 thèmes). Bref, il est plus difficile chez Haendel de se repérer, les distinctions sont plus nettes chez Mozart, où l'on ressent mieux la structure.
Dans le classique, on peut avoir deux mesures avec accompagnement en notes piquées, puis des accords tenus, deux mesures d'arpèges, des accords plaqués, une basse d'Alberti etc... tout cela est plus varié et "marqué" que dans le baroque.
Voilà... j'espère avoir été plus clair en l'expliquant comme ça...

@ MORLOCH et KFIGARO : Concernant Thom... ce n'est pas qu'un passionné de rock, c'en est aussi un de littérature. Il a fait des études de lettre... c'est la moindre des choses qu'il écrive bien ! :-)

Je me suis même demandé si écrire et analyser aussi finement c'était très rock comme attitude ?



Bonne question... on se force à mette parfois quelques "c'est un putain de bon album" et "un groupe qui déchire sa race" pour faire plus rock :-)
Plus sérieusement, le rock, depuis les années 60, passionne aussi les "esthètes"... il y a beaucoup de "dandys" et de gens cutivés dans le rock (chez les musiciens, les critiques)... j'ai écrit il y a quelques temps un article sur Jim Morrison, une des figures emblématiques du rock s'il en est... pour bien mettre en avant ce qu'on oublie parfois, au-delà du "sex-symbol provocateur", c'était un passionné de littérature, d'histoire, de philosophie...
son idole, c'était... Nietzsche, dont il a dévoré tous les ouvrages avant d'avoir 18 ans. Il adorait aussi la poésie de Rimbaud, de Baudelaire, lisait Céline, se passionnait pour l'antiquité et le Moyen Age, la psychanalyse etc...
Il y a toute une frange du rock qui est assez "élitiste" d'ailleurs, suffit de lire les inrockuptibles pour s'en convaincre (même s'ils tentent depuis un moment de racoler un plus grand public).

ils sont littéralement incollables sur absolument n'importe quoi, leur culture étant visiblement aussi encyclopédique et sans borne visible que celle de David, là encore nous sommes face à de redoutables "créanciers" devant lesquels le commun des mortels ne peux faire office que de simple "débiteur"



Merci, K., mais c'est trop d'honneur... j'ai aussi mes lacunes, même en rock. Il m'arrive de découvrir encore maintenant quelques groupes apparemment "cultes", dont je n'avais pas entendu parler jusqu'alors... et il y en a que je n'ai jamais vraiment écouté...

17. Le lundi 28 juillet 2008 à , par Laurent :: site

Comme d’habitude, je suis très en phase avec ce qu’écrit Christian / kfigaro. David, je te trouve naïf lorsque tu écris “c'est d'abord de l'art, d'abord du plaisir” parce que, s’il y a une chose que la lecture des commentateurs d’art nous apprend, c’est que la notion de plaisir a rarement droit de cité dans l’appréciation que l’on est autorisé à formuler sur la musique… ou sur tout autre forme artistique, d’ailleurs. Tu dis que l’accès à la musique n’est pas une question de classe sociale car l’accès à l’information n’est plus aujourd’hui une barrière ; je pense quant à moi que cette “information” est extrêmement intimidante et truffée de jugements intellectualisés sur ce qu’il est bon d’apprécier ou non. Il faut un sacré courage pour continuer à affirmer que l’on adore la musique de Poulenc (au hasard) lorsque 99% de ce qu’on lit sur le sujet t’explique — plus ou moins gentiment — que c’est une connerie de le penser. Ceux qui — comme moi — se foutent éperdument de froisser l’élite musicologique assument ; les autres — et je pense qu’il sont majoritaires — se trouveront plus ou moins définitivement dégoûtés, déstabilisés… interdits de passage. C’est comme ça, à mon sens, que l’élite défend son territoire coûte que coûte.

(Ce constat n’est d’ailleurs en rien limité à la musique… pas plus qu’aux arts de manière générale…)

18. Le lundi 28 juillet 2008 à , par G.T. :: site

Laurent, ce que tu dis - comme ce que dit Kfigaro - est en partie vraie, ce sont des choses qu'on peut constater... mais je pense qu'il faut aussi nuancer.

Je ne suis pas d'accord sur le fait qu'il faut du "courage" pour dire qu'on adore la musique de Poulenc... je "n'adore pas", le groupe des 6, c'est pas trop mon truc (normal, leur esthétique s'oppposait à ce que je préfère, le romantisme allemand et Debussy)... mais il y a des choses que j'aime beaucoup chez Poulenc. Et je ne m'imagine pas le "cacher".

Je ne pense pas que les gens soient si terrorisés que cela par les jugements de "spécialistes autorisés". De toute façon, c'est partout un peu pareil, quel que soit le genre musical ou artistique, tu auras des "esthètes", des gens plus exigeants, qui seront plus ou moins durs avec ceux qui n'ont pas les "bons codes", les "bonnes références". Si tu débarques sur la "blogosphère rock" et que tu dis êtrre fana de Coldplay, Elton John, Phil Collins et Muse, tu vas te faire incendier.

Quant à la notion de plaisir... elle a bien sûr droit de cité, elle est essentielle pour tout le monde, mais quand on parle de musique, on ne peut la mettre trop en avant. Une fois qu'on a dit "ça me plait beaucoup", "j'aime bien", ou "j'ai kiffé ma race"... on a rien dit. C'est quelque chose de totalement subjectif. On peut prendre beaucoup de plaisir en écoutant du Schoenberg (si si !) mais pas du tout lorsqu'on entend des tubes pop à la radio.

D'un côté, on ne peut pas dire que le "peuple" est trop intimidé par la musique classique et les jugements pointus et radicaux des spécialistes, quand dans le même temps, André Rieu a un tel succès. S'il a ce succès, c'est bien que la plupart des gens qui viennent au classique se moquent pas mal des avis des "spécialistes".

Je pense même que si la plupart des gens ne s'intéressent pas au classique, ce n'est pas parce que ça les effraie ou parce qu'ils se sentent "infériorisés" et trop béotiens devant cette musique, c'est juste que c'est une musique qui a l'air pour eux - disons-le franchement - chiante. Il n'y a pas forcément pour eux de "grande musique" et de musique populaire, juste la vieille musique, et la nouvelle.
Je donnais des cours de guitare (rock), et j'avais un élève, venant d'un milieu ouvrier, nettement plus âgé que moi (il devait avoir la quarantaine passée)... et je me souviendrais toujours de son étonnement quand je lui expliquais que la musique classique était plus compliquée que le rock. Pour lui, il était évident que le rock était une musique plus complexe que cette "vieille musique". Il ne voulait vraiment pas me croire (et si ça se trouve, il ne le croit toujours pas :-) )

Et je pense aussi que ce que disait Bourdieu, même si c'est très pertinent sur de nombreux points, sur le "conditionnement culturel" selon telle ou telle classe sociale, sur ces "goûts qui nous classent" etc... ce n'est plus aussi fort maintenant. Je ne suis pas du tout d'accord avec Laurent quand il dit :

"C’est comme ça, à mon sens, que l’élite défend son territoire coûte que coûte."

Où alors, faut préciser ce qu'on entend par "élite". Pour moi, l'élite, c'est la classe dominante, ce sont les gens qui ont le pouvoir... et je ne pense pas qu'après les réunions du G8, du Medef, du conseil des ministres, on ironise sur la platitude de telle sonate de Poulenc, où que l'on disserte des heures sur les mérites de telle interprétation de Richter ou d'Argerich... Je pense même qu'un type qui se mettrait, dans un cocktail du Medef, à parler d'une excellente version du 1er concerto pour violon de Szymanowski qu'il vient de dénicher, on le regarderait assez consterné... au mieux, il passera pour un "doux-dingue".

19. Le mardi 29 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Kfigaro :
Non je ne crois pas, je suis un (semi) autodidacte

Si on connaît mon parcours, on ne peut pas dire non plus que je sois un pur produit du système musical français, que ce soit côté pratique ou universitaire...

Sinon je ne voudrais pas passer non plus pour le sempiternel "déterministe", le manichéen ou l'extrémiste bourdieusien de service,

Je ne voudrais pas non plus, mais d'un autre côté, tu m'as quand même copieusement assaisonné de péchés supposés dans tes commentaires chez G.T., tout ça pour soutenir une théorie un peu trop générale...
Je n'ai pas relevé parce que je sais bien que tu ne pensais pas à mal, mais enfin, que je précise les choses contre des généralités, surtout lorsqu'elles me sont appliquées, ça me semble de bonne guerre. ;-)


seulement de telles différenciations (ou habitudes) sociales existent belles et bien - je ne suis pas le premier à l'avoir constaté et tu le reconnais d'ailleurs explicitement à la fin de ton article,

Tout à fait, mais je n'en tire pas de conclusions générales ou morales... Tant mieux pour ceux qui ont cette chance. C'est plutôt comment la donner aux autres qui me paraît le bon sens du raisonnement, sinon on s'enferme dans une morale du ressentiment.


Un forum comme le défunt <a href="http://web.archive.org/web/20070428080608/http://www.abeilleinfo.com/forum/list.php?f=1">abeilleinfo</a> (avec leurs "décrets" de goût permanents et la violence symbolique extrême et ultra agressive qu'on pouvait presque palper à chacun de leurs posts, dommage que je ne puisse pas trouver des exemples précis encore lisibles bien que je doute que ça serve à quelque chose, n'ayant jamais réussi à convaincre quelqu'un comme GT) en était bien une preuve vivante (du moins quand il était encore en "vie") de même que le forum mqcd : http://musique.mqcd.fr/forum/ qui a pris sa suite.

Ah bon, il me semblait que c'était beaucoup mieux depuis que Philippe de Jemappes s'en chargeait (il n'a pas du tout, à ce qu'il m'en semble, l'esprit 'Abeille').

Oui, dans l'ancien Abeille, c'était une caricature. Moi, plutôt que sur les phénomènes de classe, ça me fait plutôt réfléchir sur la nature humaine : comment des gens de toute évidence de bonne compagnie (en apparence) peuvent en venir là par le seul effet de la dématérialisation des échanges ?

Il ne faut pas non plus jeter Abeille avec le miel de la ruche : la modération était nulle, la direction plus que cavalière (lorsqu'on a usurpé mon nom, je me suis fait envoyer au bain et il n'y a qu'en les menaçant de poursuites que j'ai obtenu au bout d'un mois, sans une excuse, le retrait des messages incriminés), certains comportements minables, mais on trouvait aussi des gens passionnants et pondérés. Et il y avait beaucoup de fils très riches.


Même si heureusement tu échappes grandement à ce mépris et à cette intolérance propre à ce(s) forum(s), il faudrait être fichtrement de mauvaise foi ou alors faire obstinément l'autruche pour affirmer que ces comportements "distinctifs", absolutistes voire ce "mépris de classe" sont des légendes ou de simples "épiphénomènes" dans les milieux propres aux mélomanes classiques !

Je n'ai jamais dit cela, je m'interroge simplement sur l'intérêt de s'en arrêter là : les gens qui fonctionnent comme cela, je ne les fréquente pas, et tout rentre dans l'ordre.

Kfigaro :
Je l'ai d'ailleurs vérifié par moi-même pour avoir posté chez eux : ils sont littéralement incollables sur absolument n'importe quoi, leur culture étant visiblement aussi encyclopédique et sans borne visible que celle de David, là encore nous sommes face à de redoutables "créanciers" devant lesquels le commun des mortels ne peux faire office que de simple "débiteur")

Tu nous flattes, mais en quoi est-ce un problème, à part si le lecteur souhaite s'inventer des complexes ? Lorsque je lis un site, je suis heureux qu'il m'apporte de l'information en quantité et qu'il réponde à mes questions... Sinon je fais du tricot. :-)

20. Le mardi 29 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Morloch :
Désolé, je me suis trop vite exprimé. Quand je parlais "des" blogs, je pensais juste aux commentaires sous le message de GT et de la discussion autour de Bourdieu lancée par kfigaro ( dans son rôle de l'entomologiste des commentateurs de Carnets sur Sol). Je suis allé lire des passages d'autres blogs, celui d'arbobo, de Thom et j'ai remarqué que tout cela était très bien écrit.

D'accord, je vois mieux, je me demandais vraiment de quoi il était question. ;-)

21. Le mardi 29 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Laurent :
David, je te trouve naïf lorsque tu écris “c'est d'abord de l'art, d'abord du plaisir” parce que, s’il y a une chose que la lecture des commentateurs d’art nous apprend, c’est que la notion de plaisir a rarement droit de cité dans l’appréciation que l’on est autorisé à formuler sur la musique… ou sur tout autre forme artistique, d’ailleurs.

C'est-à-dire que, comme le souligne G.T., on en a vite fait le tour si on veut en causer. Mais personne n'est obligé d'en causer, on peut parfaitement se faire plaisir avec de la musique en faisant autre chose, par exemple, il n'y a pas de prescription particulière... Evidemment, si on veut discuter et qu'on se retranche derrière sa seule subjectivité pour formuler des jugements définitifs, il y aura un petit problème avec l'interlocuteur à un moment donné.


Tu dis que l’accès à la musique n’est pas une question de classe sociale car l’accès à l’information n’est plus aujourd’hui une barrière

Je dis plutôt que ce n'est pas le revenu mais l'éducation qui fait la différence, ce qui n'est pas tout à fait la même chose ; et, en effet, que celui qui le veut peut tout à fait découvrir, entre les disques peu chers, la radio, les médiathèques, les resources de l'Internet...

je pense quant à moi que cette “information” est extrêmement intimidante et truffée de jugements intellectualisés sur ce qu’il est bon d’apprécier ou non.

Dès qu'on s'informe un tant soit peu, on apprend bien vite à reléguer ces postures à ce qu'elles valent, avec leur lot d'approximations : pas grand'chose.

Il faut un sacré courage pour continuer à affirmer que l’on adore la musique de Poulenc (au hasard) lorsque 99% de ce qu’on lit sur le sujet t’explique — plus ou moins gentiment — que c’est une connerie de le penser.

Là, tu parles de jugements isolés et à l'emporte-pièce, comme on en trouve pour tout. Il faut toujours se méfier des illusions d'optiques issues de ses fréquentations : moi, c'est au contraire lorsque j'ose émettre une réserve sur les Dialogues (prosodie assez grise) que je me fais systématiquement gourmander (alors même que je n'ai jamias dit que Poulenc était un mauvais compositeur...).

La moindre réserve à titre personnel sur un compositeur présent dans les Histoires de la Musique est toujours un exercice dangereux.

22. Le mardi 29 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

G.T. :
Tout à fait... j'ai été un peu rapide... ce que je voulais dire, c'est que ce sont Haydn et Mozart qui ont vraiment su "finaliser", synthétiser ce qui avait été fait avant eux par les "pré-classiques" ou classiques de la première génération, et composé les grandes oeuvres du genre, celles qui deviendront les références de la symphonie, du concerto pour soliste, musique de chambre, etc...

Effectivement, pour les genres eux-mêmes, beaucoup de choses sont à attribuer à la génération Haydn (Mozart, à part pour le Singspiel, hérite surtout).


"En revanche, je ne sais pas bien ce que tu veux dire par "accompagnements plus rythmiques, diversifiés", parce que spontanément, ça décrit l'inverse de ce que je connais. Je pense que je comprends mal ce que tu veux dire, en fait."


Dans le baroque, tu as ce continuo qui fait que l'on peut rester longtemps sur les mêmes formules rythmiques (ou mélodico-rythmiques), alors que le classique joue beaucoup plus sur les ruptures, les changements. Même à l'intérieur d'un thème bref !

Alors j'avais bien compris, mais je ne suis pas d'accord. Le classicisme au contraire développe des séquences très équilibrées rythmiquement. Comparer dans le même genre deux générations successives comme les tragédies de Rameau et de Gluck en donne une idée assez édifiante.
Pour la symphonie de Mozart que tu invoques, c'est à rattacher d'un caractère ludique à la Haydn, avec effectivement des ruptures (qui peuvent prendre tout leur sens dans un cadre globalement très régulier) ; c'est convaincant, mais pas représentatif à mon avis.

Chez Haendel, on a la même formule mélodico-rythmique, comme souvent dans la musique baroque, qui revient sans cesse (même s'il y a des nuances, bien sûr). On varie beaucoup moins que dans le Mozart ci-dessus, où rien qu'à l'intérieur du thème pourtant très court s'opposent deux éléments très distincts... ensuite, on a beaucoup plus de changements qui "marquent" tel ou tel passage (avec, en plus, l'opposition des 2 thèmes). Bref, il est plus difficile chez Haendel de se repérer, les distinctions sont plus nettes chez Mozart, où l'on ressent mieux la structure.

Mais là en revanche, oui, tout à fait, et ce n'est pas ce que j'avais compris initialement. Les classiques développent, et du coup il y a des contrastes structurels, c'est incontestable.


G.T. :
Quant à la notion de plaisir... elle a bien sûr droit de cité, elle est essentielle pour tout le monde, mais quand on parle de musique, on ne peut la mettre trop en avant. Une fois qu'on a dit "ça me plait beaucoup", "j'aime bien", ou "j'ai kiffé ma race"... on a rien dit. C'est quelque chose de totalement subjectif. On peut prendre beaucoup de plaisir en écoutant du Schoenberg (si si !) mais pas du tout lorsqu'on entend des tubes pop à la radio.

D'un côté, on ne peut pas dire que le "peuple" est trop intimidé par la musique classique et les jugements pointus et radicaux des spécialistes, quand dans le même temps, André Rieu a un tel succès. S'il a ce succès, c'est bien que la plupart des gens qui viennent au classique se moquent pas mal des avis des "spécialistes".



Pour ce qui est de "l'élite", j'imagine qu'il est question de l'élite culturelle (parce que, malgré le courrier que je reçois via CSS, et où l'on me prête beaucoup de relations, je n'ai strictement aucun pouvoir, et Christian semble bien me mettre dans le lot...).
En effet, chez les chefs d'entreprise ou les hommes politiques, on a moins le temps, même si ça fait partie du vernis social, pour le coup. Mais souffrir pendant deux heures à un Boulez où l'on ne peut pas causer, c'est moins rentable qu'une heure à s'extasier devant des tableaux qu'on peut toujours décrire pour faire illusion. Et si l'on achète, c'est encore mieux...

Je crois aussi que bien des gens sont réellement intimidés (ou peu curieux), mais ce n'est pas forcément une question de milieu social, surtout d'éducation... et de goût (on peut ne pas aimer écouter les bras croisés et préférer une aimable musique de fond - en mettant radio-classique parce que ça ne dérange pas).

23. Le mardi 29 juillet 2008 à , par Morloch

GT :
Il n'y a pas forcément pour eux de "grande musique" et de musique populaire, juste la vieille musique, et la nouvelle.



J'ai aussi constaté cela souvent, et pas forcément dans des milieux peu cultivés.

Les petites écoles de musique privées qui fleurissent et proposent des formations instrument et chant expliquent d'ailleurs qu'elles enseignent les "musiques actuelles", quand on se renseigne, c'est assez nébuleux. Cela va de la préparation à la Star Academy à une sorte de rock soft, mais sur un point il n'y a aucune ambiguïté : Boulez ne fait pas partie desdites musiques actuelles.

D'autre part, il existe aussi la conviction que certains groupes de musique électronique avant-gardistes et de rock sont dans la continuité de l'histoire de la musique savante, comme si un relais avait été pris quelque part au cours des années 1970. Vu de cette façon, la "musique contemporaine" est une activité institutionnelle moribonde et les véritables continuateurs de la lignée des Stravinsky, Monteverdi et Mozart sont Björk et Radiohead, dont les activités expérimentales sont prises très au sérieux. L'Opéra de Paris, qui aurait refusé, paraît-il, d'héberger un concert de Björk est taxé de passéisme ultra-conservateur et rétrograde, hermétiquement fermé à toute évolution musicale (Pauvre Gégé).

J'ai aussi entendu que le classique se régénérait par les cross-over (Mozart sur instruments africains etc...)

Et argumenter pour ou contre n'est pas si facile à l'heure du grand syncrétisme et du relativisme absolu, on est pris pour un doux marginal conservateur perdu dans un monde fictif si on oppose la moindre nuance.

Enfin, tout cela pour dire que comme GT, je pense qu'il n'y a pas seulement l'intimidation de la " grande musique" qui joue, mais aussi la conviction que tout cela est bel et bien fini et appartient au musée, que la création est ailleurs.

Je me souviens d'ailleurs d'une interview de Claudio Arrau publiée dans une revue musicale, dans laquelle il exprimait ce point de vue de la musique classique devenue définitivement pièce de musée. Preuve que ces conviction sont répandues et pas seulement chez les gens qui n'ont jamais entendu parler de musique contemporaine (enfin en ce qui concerne Arrau, j'imagine).

24. Le mardi 29 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Morloch ;) ,

Les petites écoles de musique privées qui fleurissent et proposent des formations instrument et chant expliquent d'ailleurs qu'elles enseignent les "musiques actuelles", quand on se renseigne, c'est assez nébuleux. Cela va de la préparation à la Star Academy à une sorte de rock soft, mais sur un point il n'y a aucune ambiguïté : Boulez ne fait pas partie desdites musiques actuelles.

Mais là, il y a une explication extrêmement simple (et triste) : les effectifs fantaisistes et la difficulté de déchiffrage et d'exécution requises pour ce type de répertoire en bannissent d'emblée la pratique amateur. Enormément d'efforts pour un pensum infligé à la famille et au public.

Moi-même (et je ne pense pas être suspect de conformisme musical ou de détestation de principe de la musique d'aujourd'hui), j'ai assez largement renoncé à travailler des pièces de musique contemporaine, et en écoute moins, tant le rapport entre l'effort et le plaisir est peu rentable par rapport à l'immédiateté communicable, sans même parler d'une sonate de Mozart, d'une pièce de Poulenc Hindemith.

et les véritables continuateurs de la lignée des Stravinsky, Monteverdi et Mozart sont Björk et Radiohead, dont les activités expérimentales sont prises très au sérieux.

Affirmation qui, lorsqu'on consulte les partitions, prête franchement à sourire. L'innovation se trouve seulement dans les textures. C'est très bien, mais effectivement on peut difficilement comparer ça à Stravinsky. Il y a, pour le coup, une différence de qualité objective sur le plan technique, puisque Stravinsky réunit (et réussit) bien d'autres paramètres.
Je m'empêche de préciser que ça n'empêche pas de préférer Mlle Guðmundsdóttir ou M. Mozart à Stra.


J'ai aussi entendu que le classique se régénérait par les cross-over (Mozart sur instruments africains etc...)

Alors que les chiffres semblent montrer que le cross-over s'adresse précisément à ceux qui ne franchissent pas le pas vers le classique.

Il y a des contre-exemples. Le disque Libertà d'Arielle Dombasle a fait au moins un fervent de l'opéra seria (dont je n'ai malheureusement plus de nouvelles, je l'aimais beaucoup ce garçon :-| ).


Et argumenter pour ou contre n'est pas si facile à l'heure du grand syncrétisme et du relativisme absolu, on est pris pour un doux marginal conservateur perdu dans un monde fictif si on oppose la moindre nuance.

J'ai la chance de ne jamais avoir connu cela.

25. Le mardi 29 juillet 2008 à , par kfigaro

GT :
Où alors, faut préciser ce qu'on entend par "élite". Pour moi, l'élite, c'est la classe dominante, ce sont les gens qui ont le pouvoir...


Mais l'élite a plusieurs visages ! et il faut bien différencier l'élite économique et politique, en d'autres termes celle qui a le "pouvoir" (et qui généralement cumule les capitaux et les patrimoines tant économiques que culturels : du moins c'était le cas avec la génération d'avant-Sarkozy, je pense à Pompidou, Mitterrand, même Chirac - et c'est aussi le cas chez certains grands patrons, on l'ignore très souvent mais le redoutable Patrick Le Lay - esthète bibliophile et fervent amateur d'opéra, est loin d'être l'inculte uniquement obsédé par l'argent et le CAC 40 qu'on pourrait imaginer), l'élite des producteurs culturels qui crée ou gère les structures actuelles qui conditionnent plus ou moins nos goûts ou pratiques culturelles, et finalement l'élite enseignante ("l'aristocratie d'état" en ce qui concerne le savoir humain) qui va construite et dicter non seulement le savoir mais hiérarchiser également les pratiques ou contenus culturels.

GT :
et je ne pense pas qu'après les réunions du G8, du Medef, du conseil des ministres, on ironise sur la platitude de telle sonate de Poulenc, où que l'on disserte des heures sur les mérites de telle interprétation de Richter ou d'Argerich... Je pense même qu'un type qui se mettrait, dans un cocktail du Medef, à parler d'une excellente version du 1er concerto pour violon de Szymanowski qu'il vient de dénicher, on le regarderait assez consterné... au mieux, il passera pour un "doux-dingue".


Un "doux-dingue", sûrement pas ! ;) tu sous-estimes (et caricatures) encore très largement la classe politique dans son ensemble - qui sans égaler l'élite intellectuelle par rapport aux principes qui régissent les subtils jeux mondains : comme les éventuelles remarques critiques ou les réflexions sur le style pur, les "joutes" de goût ou les traits d'esprit typiques de certains salons littéraires - ont eux aussi un rapport "éclectique" à la culture : à savoir que je ne serais pas du tout étonné d'apprendre qu'ils consomment eux aussi bien la culture dominée (rock, chanson française) que dominante (opéra, musique de chambre, musique pour piano, etc...) y compris un type comme Sarkozy d'ailleurs (saviez vous qu'un acteur dit "populaire" voire populiste comme Michel Blanc était un mordu de musique classique et un vrai esthète sur ce plan ? de même qu'une Julie Depardieu ?). Donc sans forcement tomber dans le dandysme ostentatoire propre à certains clercs, je suis persuadé que ceux qui nous gouvernent ne sont pas si incultes ou si indifférents à l'Art légitime et aristocratique qu'on veut bien le dire. La simplification inverse me semble extrêmement caricaturale et loin de la réalité de terrain...

David :
Je crois aussi que bien des gens sont réellement intimidés (ou peu curieux), mais ce n'est pas forcément une question de milieu social, surtout d'éducation... et de goût (on peut ne pas aimer écouter les bras croisés et préférer une aimable musique de fond - en mettant radio-classique parce que ça ne dérange pas).



David :
Je dis plutôt que ce n'est pas le revenu mais l'éducation qui fait la différence, ce qui n'est pas tout à fait la même chose ; et, en effet, que celui qui le veut peut tout à fait découvrir, entre les disques peu chers, la radio, les médiathèques, les resources de l'Internet...


Sauf que je rejoins totalement Laurent par rapport à ta relative ingéniosité ou naïveté ! ;) quasiment toutes les études qui ont été faites (et pas seulement sociologiques ! puisque tu répugnes à te passionner pour cette science) depuis les années 60, ont prouvé qu'au contraire, il y avait une réelle corrélation entre l'origine sociale, le capital économique et surtout culturel de départ et le niveau d'étude, sans parler de "l'héritage" (qu'on refuse de le voir ou non, force est de constater qu'un fils de prof arrive à l'école avec un héritage socio-culturel, du temps disponible pour lui, et une aisance "naturelle" par rapport à la culture légitime, que n'aura absolument jamais un fils de chômeur ou d'ouvrier agricole qu'on colle devant la télé faute de temps ou de compétences pour pouvoir l'éduquer correctement), et ce même si le gamin en question a accès à internet, aux encyclopédies en ligne ou à une riche médiathèque "humaniste" quasi gratuite à 20 km de son domicile (ce n'est pas parce qu'on a certaines richesses à portée de main qu'on aura forcement les codes pour s'en emparer ou qu'on saura les "apprivoiser" pour s'enrichir soi-même, cf la situation africaine). Si les médiathèques sont à 95% fréquentées par la petite bourgeoisie la plus instruite et peine à accueillir en son sein les classes les plus dominées, ce n'est pas non plus un hasard ! idem par rapport aux concerts classiques (ce qui s'applique sans doute moins dans le cas des concerts en plein air ou des concerts de rue), si les classes dominées les fuient dans leur grande majorité, c'est aussi parce qu'ils s'y sentent "étrangers" faute de la connaissance des "codes" adéquats pour pouvoir goûter cette musique à sa juste valeur, ou plus simplement parce que cette culture aristocratique est décidément trop éloignée de leur habitus de départ (cf ce que je disais par rapport à la culture chaude).

David :
Dès qu'on s'informe un tant soit peu, on apprend bien vite à reléguer ces postures à ce qu'elles valent, avec leur lot d'approximations : pas grand'chose.


Mais ce "luxe" là ne s'acquiert pas naturellement ni même avec quelques années de pratique, il faut un "terreau" (intellectuel, environnemental, humaniste, voire même amical) favorable, et là encore tout le monde n'est pas logé à la même enseigne.

Je ne comprend décidemment pas un tel manque de bon sens (ou un tel aveuglement) lorsqu'on disserte sur des sujets socioculturels pourtant largement analysés (et par des plus compétents que nous tous) depuis plus de 40 ans ! ;)

26. Le mardi 29 juillet 2008 à , par Morloch

Je me suis toujours douté que David était un infâââme sbire au service des maîtres du monde, prêt à exécuter leurs plus basses œuvres.

27. Le mardi 29 juillet 2008 à , par G.T. :: site

K. :

Je ne conteste absolument pas le fait que plus on est dans des classes "élevées", plus on a de chances de trouver des gens qui écoutent de la musique classique... tout simplement parce que plus on est dans des classes élevées, plus on a de chances d'avoir eu une éducation "culturelle".

Je ne conteste pas les travaux des sociologues, je trouve que ce qu'ils ont fait est important, il fallait bien révéler ces notions de "conditionnement culturel", d'habitus, de "goûts qui nous classent" et nous distinguent etc... notions auxquelles j'adhère en grande partie !

Seulement... il y a quelques éléments avec lesquels je ne suis pas d'accord. Surtout une chose qui me semble être une "perversion" de leur système. L'impression qu'ils ont mis le doigt sur des choses justes, c'est vrai, mais que du coup, ils s'engouffrent dans cette brèche et ne voient plus les choses que par le petit bout de cette lorgnette, et généralisent un peu tout.

Pour être un peu plus clair... c'est comme si, après avoir "découvert" que les classes sociales aisées se "distinguaient" par leurs goûts plus "éclairés" et leurs connaissances en classique, notamment... ils en venaient à déduire que toute personne passionnée de classique est non seulement d'une classe sociale aisée, mais en plus cherche par ce biais à forcément montrer sa distinction. Le pire, c'est quand ça va encore plus loin et qu'ils semblent presque en déduire que le classique est faite POUR les classes sociales aisées, et ne peut être aimée que par eux... Alors qu'un thème de Beethoven, un air de Mozart, une mélodie de Schubert, ça peut toucher absolument tout le monde, preuve en est qu'ils s'utilisent dans la pub, et qu'on les retrouve sur des compils classiques destinées au grand public.
De la même manière, un type qui écoute actuellement du Count Basie et du Duke Ellington, on en déduira qu'il a un bon capital culturel, qu'il fait même partie de l'élite... alors que ces musiques-là étaient avant tout destinées à faire danser, passaient à la radio, plaisaient au grand public. Elles étaient méprisées par la plupart des "dominants", elles sont devenues des références pour les "dominants" actuels...
La sociologie nous renseigne sur des "pratiques culturelles", sur "l'habitus", sur quelle classe sociale s'approprie telle musique... mais elle ne nous dit pas grand chose de la musique elle-même.

Il y a parfois un côté systématique et rigide que je n'aime pas dans ces théories. Comme si tout pouvait se ranger aussi facilement dans telle ou telle catégorie, comme si être transporté par la beauté de la musique de Bach, ça n'existait pas vraiment, c'était surtout une manière de se revendiquer de l'élite.

On ne peut pas non plus dire que TOUT vient du milieu, qu'on est entièrement conditionné dans nos goûts et notre "accès à la culture" par cela. Je n'ai pas besoin d'aller chercher loin pour ça, suffit que je regarde dans ma propre famille ! Même éducation, mêmes écoles, même milieu... pourtant, j'ai des goûts et un rapport à la culture très éloigné de ceux de mes frères et soeurs ! Ils ne s'intéressent absolument pas à la musique classique, au jazz... et en rock, ont des goûts très "mainstream", tout à fait différents des miens. De la même manière, ils n'ont pas d'intérêt prononcé pour l'art, l'esthétique, s'en fichent pas mal...
Bref, mêmes parents, même éducation, même milieu, mêmes écoles... mais pas du tout la même culture, ni le même rapport à la culture.
C'est bien qu'il y a d'autres choses que les facteurs sociologiques qui jouent, et qu'on ne peut les considérer comme l'alpha et l'oméga de "l'habitus culturel".

28. Le mardi 29 juillet 2008 à , par kfigaro

Là encore l'autodidaxie ou la semi-autodidaxie (tu me sembles être clairement un autodidacte dans ton rapport à la culture) font voler absolument toute la sociologie classiques des "agents" en éclats (et je suis le premier à le reconnaître ! je l'ai souvent expliqué chez toi il me semble), or peut-t'on pour autant dire que les autodidactes ou que les individus ayant un rapport "boulimique" à la culture (puisque ce sont souvent les mêmes) forment la majorité des mélomanes classiques ? à mon sens sûrement pas, l'autodidaxie totale ou presque totale ne peut en aucun cas être considérée comme la norme de l'appréciation artistique dans sa globalité...

29. Le mardi 29 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Kfigaro :
(saviez vous qu'un acteur dit "populaire" voire populiste comme Michel Blanc était un mordu de musique classique et un vrai esthète sur ce plan ? de même qu'une Julie Depardieu ?).

Très mordus, incontestablement. Mais pas vraiment érudits, si j'en juge par leurs déclarations. En revanche, il y en a sans doute dont nous l'ignorons et dont c'est le cas.

Je ne vois pas trop où est la contradiction, en fait. Le fait d'être regardé par "la masse" ne signifie pas qu'on en fait soi-même partie et qu'on n'a pas bénéficié du merveilleux habitus et tout le tralala.


(et pas seulement sociologiques ! puisque tu répugnes à te passionner pour cette science)

J'ai du mal à considérer comme scientifiques les enfonceurs de portes ouvertes. :-) Mais il est vrai que je suis restrictif sur le terme.

Il est un fait que beaucoup de sociologues sont ''''engagés'''', ce qui diminue assez leur crédibilité à mes yeux, tant on les voit choisir leurs terrains ou interpréter leurs résultats en fonction de convictions qui préexistent à leurs travaux.


depuis les années 60, ont prouvé qu'au contraire, il y avairt une réelle corrélation entre l'origine sociale, le capital économique et surtout culturel de départ et le niveau d'étude, sans parler de "l'héritage" (qu'on refuse de le voir ou non, force est de constater qu'un fils de prof arrive à l'école avec un héritage socio-culturel, du temps disponible pour lui, et une aisance "naturelle" par rapport à la culture légitime, que n'aura absolument jamais un fils de chômeur ou d'ouvrier agricole qu'on colle devant la télé faute de temps ou de compétences pour pouvoir l'éduquer correctement), et ce même si le gamin en question a accès à internet, aux encyclopédies en ligne ou à une riche médiathèque "humaniste" quasi gratuite à 20 km de son domicile (ce n'est pas parce qu'on a certaines richesses à portée de main qu'on aura forcement les codes pour s'en emparer ou qu'on saura les "apprivoiser" pour s'enrichir soi-même, cf la situation africaine). Si les médiathèques sont à 95% fréquentées par la petite bourgeoisie la plus instruite et peine à accueillir en son sein les classes les plus dominées, ce n'est pas non plus un hasard !

Ai-je seulement esquissé le début d'une ébauche de contradiction sur ce point ? C'est un fait, mais par rapport au passé, il est aujourd'hui possible sans capital financier de s'instruire, et donc la curiosité ou la volonté peuvent suffire, ce qui n'était pas le cas auparavant (à moins de faire trois boulots simultanément pour s'acheter des disques hors de prix).

Ce que je dis, c'est que je ne vois pas l'intérêt de moraliser la question, et de s'enfermer dans un ressentiment qui reproche aux privilégiés leur statut plutôt que de s'intéresser à la possibilité de l'ouvrir au plus grand nombre... Ca me paraît totalement stérile comme position.


idem par rapport aux concerts classiques (ce qui s'applique sans doute moins dans le cas des concerts en plein air ou des concerts de rue), si les classes dominées les fuient dans leur grande majorité, c'est aussi parce qu'ils s'y sentent "étrangers" faute de la connaissance des "codes" adéquats pour pouvoir goûter cette musique à sa juste valeur, ou plus simplement parce que cette culture aristocratique est décidément trop éloignée de leur habitus de départ (cf ce que je disais par rapport à la culture chaude).

Je n'ai pas non plus esquissé le début d'une ébauche de négation de cette chose, et il n'y a pas besoin de faire des thèses de socio pour le savoir, il me suffit de regarder ma propre histoire musicale (car contrairement à ce que tu penses peut-être, j'ai très longtemps pensé que l'univers des concerts n'était pas pour moi).


Mais ce "luxe" là ne s'acquiert pas naturellement ni même avec quelques années de pratique, il faut un "terreau" (intellectuel, environnemental, humaniste, voire même amical) favorable, et là encore tout le monde n'est pas logé à la même enseigne.

Il y a des gens qui ne lisent pas les critiques. Ou qui n'aiment pas qu'on leur dicte ce qu'ils écoutent.

Pour ma part, lire les critiques, ça a surtout été apprendre des termes techniques, à mettre des mots sur des sons. Après, ce qu'ils pensaient, je m'en fichais un peu, j'ai vite compris comment ça fonctionnait...

30. Le mardi 29 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Morloch :
Je me suis toujours douté que David était un infâââme sbire au service des maîtres du monde, prêt à exécuter leurs plus basses œuvres.

Il est vrai que tu n'as pas (encore) subi dans ta chair l'effroi de croiser le grand bourgeois méprisant que je suis. :-)

Du haut de mes deux mètres, avec mon haut-de-forme et ma moue méprisante, je terrifie généralement les gens à mon seul aspect.

Mais comme je m'ennuie dans ma vie, tiens ce carnet afin de pouvoir hurler mon mépris des simples, des pauvres et des imbéciles à la face du monde.

Ouf, ça va mieux en le disant.

31. Le mardi 29 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

G.T. :
Pour être un peu plus clair... c'est comme si, après avoir "découvert" que les classes sociales aisées se "distinguaient" par leurs goûts plus "éclairés" et leurs connaissances en classique, notamment... ils en venaient à déduire que toute personne passionnée de classique est non seulement d'une classe sociale aisée, mais en plus cherche par ce biais à forcément montrer sa distinction. Le pire, c'est quand ça va encore plus loin et qu'ils semblent presque en déduire que le classique est faite POUR les classes sociales aisées, et ne peut être aimée que par eux...

Merci, G.T., d'avoir mis le doigt sur le biais de cette discussion.

J'ajoute à cela une pointe de moralisation - si on aime le classique, c'est pour écraser les autres en se montrant supérieur.

Et qui est un peu plus désagréable encore quand on est personnellement visé - avec, je crois, un peu d'exagération quant au contenu réel, et beaucoup d'injustice quant aux intentions.

32. Le mardi 29 juillet 2008 à , par kfigaro

Je regrette sincèrement que tu le prennes comme ça, mes commentaires visiblement très maladroits sur le blog de GT ne te visaient bien entendu pas personnellement mais étaient de simples exemples (j'ai cité plusieurs autres blogs et pas uniquement le tien, tu pourras vérifier) qui me paraissaient relever de "l'erreur scolastique" et d'un certain état d'esprit universitaire. Il ne faut surtout pas y lire autre chose. Je sais pertinemment que tu n'as réellement de mépris pour la "masse" ou pour la musique populaire (contrairement à 90% de ceux qui postaient sur abeilleinfo) et si j'avais su que ça allait déclencher une telle guerre de tranchées, je me serais totalement abstenu de poster sur le blog de GT, les discussions sociologiques étant visiblement encore plus casse gueule et dangereuses que n'importe quelle discussion politique.

33. Le mercredi 30 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Je l'ai bien compris comme tel, ne t'en fais pas, on ne se fâche pas après aussi longtemps pour si peu ! Je sais bien que tu me prenais juste en exemple, mais dans un de tes messages, tu parles de "condescendance à peine voilée" pour ce qui est de l'humour assumé, ça fait un peu de peine d'être classé là. Que ça fasse cet effet, peut-être, mais que tu le croies possible, ça m'a un peu chagriné.

Rien de bien profond, n'aie crainte, mais comme tu semblais insister sur le caractère écrasant des "élites" dont je suis manifestement un représentant, j'ai fini par expliciter où le bât blessait par chez moi - à savoir être mis dans un sac qui ne me paraît pas adéquat. ;-)


Tu es bien sûr encore et toujours le bienvenu pour polémiquer sur CSS ou ailleurs. :)

34. Le mercredi 30 juillet 2008 à , par Laurent :: site

J’hésite un peu à enchaîner… d’autant que je n’ai pas vraiment le temps de réagir “en temps direct” et que la quantité de commentaires est un peu effrayante… mais je ne peux pas m’empêcher d’essayer de préciser ma pensée (# 17) et de réagir aux réponses de G.T. (# 18) et David (# 19).

G.T., je parlais bien de l’élite musico-culturelle (celle qui produit France Musique, Diapason,… et la littérature musicologique), même si je te trouve un tantinet généralisateur (pour te retourner gentiment un reproche que tu me fais) au sujet de ce que tu appelles la classe dominante, c’est-à-dire, dans ta bouche, les hommes politiques.

Loin de moi l’idée de penser que la musique classique est produite à destination de cette élite ; ce serait bien sûr idiot et je pense que la majorité des compositeurs aspirent à toucher le plus grand nombre. (J’ai vaguement l’impression que c’est moins vrai chez certains compositeurs contemporains, mais j’avoue que cela relève plus du préjugé que de l’observation dûment étayée.) Ce que je pense, en revanche, c’est que cette élite a tendance à s’approprier ladite musique selon des modes et méthodes qui, au moins indirectement, contribuent à lui conserver son statut d’élite.

Précision importante : je pense que cette attitude est largement française. Lorsqu’on voit que les Anglais, par exemple, sont capables de produire à la fois les Proms, un magazine aussi décomplexé que BBC Music Magazine (dont le style est aux antipodes de celui de Diapason) ou encore une expérience aussi enthousiasmante que le nouveau Kings Place (http://www.kingsplace.co.uk/), on voit qu’il y a un monde de différence dans la façon d’essayer de rendre la musique accessible au plus grand nombre. On peut bien sûr trouver quelques exemples du même type en France (Opéra Magazine, par exemple)… mais je persiste à penser que ce sont des voix minoritaires.

Je ne soulignais cette attitude des “élites” que dans un seul but : parce qu’elle crée selon moi un obstacle supplémentaire à l’accès des non-initiés… ceux qui, justement, vont faire l’effort de chercher à se documenter via les médiathèques, Internet, etc. parce que nombre des documents qu’ils trouveront sur leur chemin sont teintés de ce discours intimidant et souvent un peu péremptoire sur la matière qu’ils cherchent à explorer. Bien sûr, cela n’est en rien un problème pour toi, pour David, pour moi… et, j’imagine, pour une bonne partie des lecteurs de ce carnet… et cela pour toutes sortes de raisons… mais je ne pense pas que l’on puisse nier que ce soit un obstacle. Partiel, certes… et pas pour tout le monde… mais un obstacle tout de même.

Je ne pense sincèrement pas qu’André Rieu soit un contre-exemple très convaincant car je ne crois pas que son public ait conscience de “consommer” de la musique classique… En tout cas, le produit André Rieu est très habilement “marketé” comme de la consommation décomplexée en direction d’un public qui n’est pas nécessairement celui qui va chercher à en savoir plus sur les œuvres qu’il joue. Dit autrement, je pense que quelqu’un qui découvrirait la musique classique par le biais de Rieu et qui chercherait ensuite à élargir sa connaissance du domaine aurait de fortes chances de se rendre compte in fine que son appréciation de Rieu est une forme d’anomalie.

Quant au plaisir… ah, le plaisir… je ne te rejoins pas vraiment lorsque tu lui nies toute valeur d’appréciation au motif que “c’est totalement subjectif” et que lorsque l’on dit que l’on a aimé, “on n’a rien dit” (même si, comme David le fait justement remarquer, pour discuter ensuite avec d’autres, c’est un peu court). Je pense que toutes sortes d’approches de la musique peuvent cohabiter… et si certains considèrent que la “valeur” d’une œuvre ne tient qu’à sa densité d’innovations formelles ou stylistiques, très bien pour eux. Le plaisir constitue pourtant la porte d’entrée la plus évidente pour faire entrevoir les charmes de la musique classique à ceux qui ne les connaissent pas… Évitons de leur refuser cette voie d’accès… quitte à les aider ensuite à formuler les choses plus précisément “j’ai pris du plaisir parce que…” C’est un premier pas, non ?

Je me permets même d’être un instant un brin plus radical : et si je revendiquais le droit à ne pas avoir à expliquer pourquoi “j’aime” ou “j’aime pas” ? Et si je me contentais du simple constat que certains concerts m’ont conduit à un état proche de l’expérience religieuse ou de l’orgasme ? Dois-je vraiment me sentir coupable si je viole au passage l’un de ces dogmes sur ce qu’il convient d’aimer ou non ? Qu’est-ce que cela dirait sur moi ? Je fais, par exemple, partie d’une minorité honteuse car je n’ai jamais vibré de ma vie à la moindre exécution d’une œuvre de Beethoven, vraisemblablement parce que les deux dimensions qui contribuent le plus à mon plaisir sont l’invention mélodique d’une part et la couleur orchestrale d’autre part — deux dimensions qui me semblent peu présentes chez Beethoven. Je le vis très bien, mais j’ai clairement conscience d’être un animal bizarre dans la communauté des mélomanes. C’est encore un point, au passage, où je trouve les Anglais plus pragmatiques : voir par exemple l’estime dans laquelle ils portent leurs compositeurs “nationaux” (Walton, Vaughan-Williams), qui enchantent les foules mais qui sont assez universellement considérés ailleurs comme des compositeurs mineurs.

Mais je m’égare… J’ai été beaucoup plus long que prévu, désolé.

35. Le mercredi 30 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Laurent !

Il n'y a pas de délai pour répondre, fais à ta guise, un commentaire fait toujours plaisir.

G.T., je parlais bien de l’élite musico-culturelle (celle qui produit France Musique, Diapason,…

Qui n'est qu'une élite de façade, parce que ce n'est certes pas là qu'on rencontre la plus grande érudition... C'est plus une élite sociale qu'intellectuelle, en fin de compte, pour beaucoup des membres de ces institutions.


(J’ai vaguement l’impression que c’est moins vrai chez certains compositeurs contemporains, mais j’avoue que cela relève plus du préjugé que de l’observation dûment étayée.)

Je n'en sais rien non plus, mais structurellement, c'est un fait qu'elle ne peut pas toucher un aussi grand nombre, puisqu'elle réclame des efforts supplémentaires (pas forcément des connaissances, en revanche).


Opéra Magazine, par exemple)

Si ça n'a pas changé depuis la période Opéra International, il y a tout de même un ton très normatif. (Et beaucoup de bêtises...)


Je ne soulignais cette attitude des “élites” que dans un seul but : parce qu’elle crée selon moi un obstacle supplémentaire à l’accès des non-initiés… ceux qui, justement, vont faire l’effort de chercher à se documenter via les médiathèques, Internet, etc. parce que nombre des documents qu’ils trouveront sur leur chemin sont teintés de ce discours intimidant et souvent un peu péremptoire sur la matière qu’ils cherchent à explorer. Bien sûr, cela n’est en rien un problème pour toi, pour David, pour moi… et, j’imagine, pour une bonne partie des lecteurs de ce carnet… et cela pour toutes sortes de raisons… mais je ne pense pas que l’on puisse nier que ce soit un obstacle. Partiel, certes… et pas pour tout le monde… mais un obstacle tout de même.

Je ne sais pas. C'est aussi quelque chose de piquant et d'amusant, ces controverses, ces postures dont on découvre très vite qu'elles se contredisent. Ou même, à la rigueur, ce savoir sacré et supérieur que la curiosité commande de percer.

C'est beaucoup aussi une question de tempérament, la réaction face à cet "obstacle".


Je pense que toutes sortes d’approches de la musique peuvent cohabiter… et si certains considèrent que la “valeur” d’une œuvre ne tient qu’à sa densité d’innovations formelles ou stylistiques, très bien pour eux. Le plaisir constitue pourtant la porte d’entrée la plus évidente pour faire entrevoir les charmes de la musique classique à ceux qui ne les connaissent pas… Évitons de leur refuser cette voie d’accès… quitte à les aider ensuite à formuler les choses plus précisément “j’ai pris du plaisir parce que…” C’est un premier pas, non ?

Tout à fait. C'était d'ailleurs ce que je disais précédemment et ce que je pratique souvent avec les débutants, ça marche bien si le "candidat" est réceptif à un peu de curiosité.


Je me permets même d’être un instant un brin plus radical : et si je revendiquais le droit à ne pas avoir à expliquer pourquoi “j’aime” ou “j’aime pas” ? Et si je me contentais du simple constat que certains concerts m’ont conduit à un état proche de l’expérience religieuse ou de l’orgasme ? Dois-je vraiment me sentir coupable si je viole au passage l’un de ces dogmes sur ce qu’il convient d’aimer ou non ? Qu’est-ce que cela dirait sur moi ?

C'est ton droit le plus absolu. Mais à ce compte-là, tu ne lirais pas et ne tiendrais pas de carnets, tu te contenterais d'écouter, sans jamais lire les discussions sociologiques ou les magazines musicaux, ce qui règle le problème de l'intimidation.
S'il faut avoir un certificat d'autorisation universitaire pour pouvoir aimer une musique sans vouloir la justifier, on est mal parti. :-) Celui qui prend son plaisir en écoutant simplement, ou en musique de fond, n'a pas forcément besoin, du moins dans un premier temps (l'appétit vient en mangeant), de se documenter et donc de rencontrer cette littérature normative (et approximative).


Je fais, par exemple, partie d’une minorité honteuse car je n’ai jamais vibré de ma vie à la moindre exécution d’une œuvre de Beethoven, vraisemblablement parce que les deux dimensions qui contribuent le plus à mon plaisir sont l’invention mélodique d’une part et la couleur orchestrale d’autre part — deux dimensions qui me semblent peu présentes chez Beethoven. Je le vis très bien, mais j’ai clairement conscience d’être un animal bizarre dans la communauté des mélomanes. C’est encore un point, au passage, où je trouve les Anglais plus pragmatiques : voir par exemple l’estime dans laquelle ils portent leurs compositeurs “nationaux” (Walton, Vaughan-Williams), qui enchantent les foules mais qui sont assez universellement considérés ailleurs comme des compositeurs mineurs.

Oui, tout à fait, certains compositeurs (que je n'aime pas beaucoup pour certains, rien ne saurait me faire plus frémir d'horreur qu'une exécution de la Deuxième de RVW*) sont assez peu joués, par rapport à leur succès assuré auprès du public.

* Vous aurez noté l'abréviation happy few pour bien écarter les profanes de nos divins mystères. :-)

Mais il est incontestable que la programmation est assurée par, en gros, ceux qui ont une culture "Histoire de la Musique", c'est-à-dire une hiérarchie bien établie, avec des compositeurs obligés, même difficiles comme Schönberg, alors qu'on ne jouera pas des compositeurs rares qui ne font venir personne (mais qui ne font pas fuir !).
On pourrait discuter ce modèle, et je ne serais pas contre jouer plus de compositeurs moins connus, voire moins majeurs, mais accessibles, comme Stenhammar par exemple (ça changerait de Mozart et ça aurait du succès).

Effectivement, la qualité mélodique est généralement le premier critère du néophyte (sauf celui de 'catégorie 4'), et c'est pour cela que ses goûts sont en décalage. Beethoven a surtout pour lui un art du développement, du motif et du rythme qui sont à proprement parler géniaux.
Au niveau de la couleur orchestrale, il y a des innovations très importantes, mais de là à dire que ce soit franchement majeur, non.

J'en déduis que tu devrais préférer les Variations sur la Follia de Salieri, donc. C'est bien pour cela qu'il est toujours utile de préciser ses attentes et ses critères, pour pouvoir discuter en connaissance de cause. Sinon il est impossible de comprendre les divergences de goût.

Et ça explique en grande partie les divergences entre l'élite (avec le dogme du "novateur") et les néophytes (d'abord sensibles à l'évidence, voire à la facilité mélodiques). Et c'est pour cela que ça dépasse largement la problématique sociale à mon avis, ça dépend surtout d'un positionnement esthétique, d'attentes précises. Qui varient en effet selon le tempérament, le passé culturel, l'histoire du milieu social, etc. Mais le paramètre social n'en est qu'un parmi d'autres.

36. Le mercredi 30 juillet 2008 à , par lou :: site

David :
On peut ajouter à cela certaines musiques de pompe destinées à être entendues par tous


Bonsoir David,
Les musiques de pompe, c'est ça, par exemple ?



Oui, Titeuf, c'est vachement élitiste, bac + 11 et encore c'est plutôt pour un Professeur au Collège de France.
Vous avez remarqué que Professeur au Collège de France, ça fait PCF, ce qui, à plus ou moins 1% de la population, est très vachement élitiste.
Vachement, c'est un truc complètement élitarien-reproducteur.
Nous venons de publier sur notre blog un article bourdieusement incorrect et nous avions publié au mois de mai une petite chronique pour célébrer, nous aussi, l'anniversaire de 68, c'était tellement distinctionnel que c'en est passé inaperçu.
[les crochets, c'est juste]
[[pour confirmer que c'est bien lui]]
[[[maintenant, il signe lou, parce que j-- est passé à la trappe]]]

37. Le mercredi 30 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Oui, le 68 était si distingué qu'il nous a laissé sur le bas-côté...

Ensuite, effectivement, je n'ai pas fini de me plonger dans cet article très copieux sur ce jeune artiste vietnamien méconnu - comment s'appelle-t-il - Lee Ghê-Ti ?


Quand je t'ai vu parler de la musique de pompe, j'ai un instant craint que tu ne t'abaisses aux sempiternels shadocks, ce qui t'aurait fait assurément perdre toute distinction.

38. Le mercredi 30 juillet 2008 à , par lou :: site

GA BU ZO MEU
lol !

39. Le mercredi 30 juillet 2008 à , par DavidLeMarrec

Hou-là ! La distinction - même nonbourdivine - de ces lieux en prend un coup...

Je devrais vous présenter, noble Lou, à mon camarade Hope52era...

40. Le mardi 5 août 2008 à , par kfigaro

Une dernière précision de ma part : pour résumer mon point de vue, je regrette que tu te retranches constamment derrière des positions idéalistes (typiquement démocratiques, scolastiques mais aussi irréalistes) comme en témoignent des phrases comme "Ca n'empêche nullement tout le monde de l'apprécier", "Avec les moyens actuellement existants (médiathèques, ouvrages de vulgarisation, sites, carnets ou forums divers, enregistrements libres de droits, tarifs préférentiels, spectacles de qualité gratuits ou à bas prix, radio...), c'est tout à fait possible. Avec un peu d'insistance aussi" (comme si l'insistance suffisait !!) ou "C'est d'abord de l'art, d'abord du plaisir" (posture idéaliste s'il en est, tu en reviendras !), ce qui rend totalement facultative voire même gênante, que tu le veuilles ou non, ma présence dans ces lieux (à quoi bon parler face à un mur ou prêcher dans le désert ?)

Mais bien mieux que mes propres mots (qui ne valent pas grand chose), peut être seras tu (un peu) plus sensible à ceux de l'universitaire Nathalie Heinich qui, dans un ouvrage assez critique sur Bourdieu (qui est tout sauf un éloge panégyrique !), explique que :

Nathalie Heinich :
L'accès aux "biens symboliques" (culture, éducation, compétence linguistique ou esthétique) irréductibles aux valeurs marchandes, n'est pas conditionné que par les moyens financiers [...] mais aussi par des "dispositions" inculquées par l'environnement familial et mesurées, indirectement, par le niveau d'études : dispositions profondément incorporées, peu conscientes et peu objectivables, repérables dans les savoirs comme dans les goûts, des habitudes, des façons de regarder ou d'écouter.



Nathalie Heinich :
La sociologie de l'art devait se démarquer de l'idéalisme esthète des spécialistes et des amateurs d'art : c'est "l'illusion du goût pur et désintéressé" de la philosophie kantienne, dépendant de la seule subjectivité et ne visant que la délectation, qui se trouve mise à mal par les concepts de "distinction" et de "biens symboliques".



et surtout :

Nathalie Heinich :
La véritable barrière à l'entrée dans les lieux de haute culture n'est pas tant un défaut de revenus, ni même parfois de connaissances, qu'un manque d'aisance et de familiarité, la conscience diffuse de "n'être pas à sa place" manifestée dans les postures du corps [...] la façon de parler ou de se déplacer.



voilà en quelques lignes et explicité de façon limpide et évidente ce que je tente en vain (laborieusement et presque tout seul, si je fais exception de Laurent) d'expliquer ici..

41. Le mardi 5 août 2008 à , par DavidLeMarrec

Mais oui, Christian, l'insistance fait beaucoup, j'en connais des exemples éclatants... On ne peut pas non plus se retrancher en permanence derrière le ressentiment des injustices pour justifier ses propres difficultés - même si celles-ci sont très largement accentuées par tous les phénomènes que tu cites et que je ne nie pas en bloc.

Ce que je conteste, c'est l'idée que la classe sociale soit première - alors que ce n'est pas le cas dans les faits, qui sont bien plus complexes.


ce qui rend totalement facultative voire même gênante, que tu le veuilles ou non, ma présence dans ces lieux (à quoi bon parler face à un mur ou prêcher dans le désert ?)

Si tu ne participes qu'à condition de convaincre tes interlocuteurs, c'est sûr que tu dois être souvent déçu ! Les échanges sont toujours enrichissants, qu'on soit d'accord ou pas ; il faut vraiment qu'il y ait un problème de personnes pour s'arrêter de discuter.
Tu ne gênes pas quiconque ici, même si je ne suis pas en phase avec cette perception du monde, qui me paraît reléguer dangereusement le libre arbitre au rang de variable d'ajustement. :)

Depuis le temps que nous conversons ensemble, je pensais acquis que je m'abstiendrai plus que tout de te juger sur tes opinions, d'accord ou pas. Ca n'a rien à voir avec le respect et l'estime, c'est même ce qui permet de faire autre chose que s'intercongratuler à l'infini. ;)


Sur les citations de Nathalie Heinich :

L'accès aux "biens symboliques" (culture, éducation, compétence linguistique ou esthétique) irréductibles aux valeurs marchandes, n'est pas conditionné que par les moyens financiers [...] mais aussi par des "dispositions" inculquées par l'environnement familial et mesurées, indirectement, par le niveau d'études : dispositions profondément incorporées, peu conscientes et peu objectivables, repérables dans les savoirs comme dans les goûts, des habitudes, des façons de regarder ou d'écouter.

Moins d'accord avec les suppositions de la fin, ça demanderait de lire les bouquins pour voir si c'est correctement étayé.
Pour le reste, c'est évident, je ne dis pas le contraire. Je dis simplement que :
1) Il ne faut pas réduire l'art à ce qu'il révèle de la condition sociale.
2) La chance de naître dans la bonne classe (sociale ou culturelle) n'est pas du tout déterminante pour le bon goût, elle n'est que l'un des facteurs, certes majeur, mais pas du tout unique.


La sociologie de l'art devait se démarquer de l'idéalisme esthète des spécialistes et des amateurs d'art : c'est "l'illusion du goût pur et désintéressé" de la philosophie kantienne, dépendant de la seule subjectivité et ne visant que la délectation, qui se trouve mise à mal par les concepts de "distinction" et de "biens symboliques".

Elle critique Kant à bon droit, mais je n'ai pas la position de Kant. :-) Simplement, j'intègre les deux dimensions, et l'art ne doit pas être considéré seulement comme un objet de sciences sociales, si on veut en profiter pleinement.


La véritable barrière à l'entrée dans les lieux de haute culture n'est pas tant un défaut de revenus, ni même parfois de connaissances, qu'un manque d'aisance et de familiarité, la conscience diffuse de "n'être pas à sa place" manifestée dans les postures du corps [...] la façon de parler ou de se déplacer.

D'où ma suggestion faite aux salles de concert (ou tout de bon aux enseignants) de faire ce genre de mise au point sur des codes qui sont plus rêvés par ceux qui ne les connaissent pas que réellement intimidants dans les faits.

Dans ma province, je n'ai jamais été mal regardé, au contraire, même à mes débuts où j'étais assez jeune et absolument pas cravaté. Je n'en avais pas les codes, mais je me suis un peu renseigné avant, j'ai observé comme ça se passait et j'en ai tiré les conclusions qui s'imposaient...

Tout à fait d'accord, donc, sur "le manque d'aisance et de familiarité", mais il suffit d'un peu de courage pour le surmonter, personne n'est chassé d'un musée pour avoir parlé en argot...

La façon de parler ou de se déplacer n'est absolument pas déterminante, en revanche : elle ne vaut que pour les groupes d'habitués qui se reconnaissent, mais celui qui va au concert une fois par an n'a nul besoin de s'en soucier...


Après, je ne connais pas toutes les salles et tous les publics du monde, ni toutes les psychologies de toutes les personnes qui ont eu du mal à franchir le seuil. Je constate simplement que si le milieu de départ aide, il n'est pas suffisant, et que son absence n'est pas non plus un obstacle fondamental.
Etant donné que c'est facilitant, je suis pour donner en amont cette culture, et c'est plutôt sur ce plan-là du débat que je me placerais volontiers : quel biais employer pour initier efficacement ceux qui se sentiraient plus tard exclus ?


Le reproche aux privilégiés qu'on sent trop souvent derrière ces textes de sciences sociales (ils sont supposés faire exprès de maintenir les autres dans l'ignorance pour mieux se distinguer...) ne produit pas d'effet positif si on ne se pose pas cette question.


Et une chose est sûre, étant donné que je tâche de produire régulièrement des notules accessibles à tous (téléchargements libres de droits, notices pédagogiques, amusettes diverses...), d'aller donner des informations hors de CSS à ceux qui s'intéressent à la question, de donner leur chance à de jeunes gens (il m'est arrivé plusieurs fois d'offrir des disques ou d'inviter à l'Opéra ceux qui me semblaient susceptibles d'être réceptifs), et qui plus est avec mon histoire personnelle, je ne me sens pas trop visé par le côté "défense des acquis de classe".
Je sais bien que ce n'est pas suffisant, mais celui qui se donne la peine peut en profiter à bon compte.



=> Et je redis, si besoin en était encore, que tu es bien sûr le bienvenu ici... !

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