Don Gio revisité
Par DavidLeMarrec, mardi 11 novembre 2008 à :: Opéra-comique (et opérette) - Tirso, Molière, Beaumarchais, Da Ponte et Mozart :: #1076 :: rss
Quand on vous disait qu'il s'agissait d'un pastiche...
[Code : ferdinandherold]
La version Harding, très sèche et rapide, qui exalte de façon assez inouïe les rythmes écrits par Mozart. (Peter Mattei en Don Giovanni, Gilles Cachemaille en Leporello, Gudjon Oskarsson en Commandeur ; Mahler Chamber Orchestra.)
Dans la version donnée par Yves Abel à Wexford en 1993, la filiation a été poussée jusqu'à reproduire le même type de cri traditionnel au moment où Don Juan serre la même du Convive de pierre. (On entend ici, en plus de la musique d'Hérold, Mary Mills et John Daniecki.)
La parenté est frappante non seulement par la thématique, mais aussi par la structure (le défi lancé à la statue qui finalement vient prendre la proie en vertu des pactes inconséquents qu'elle a contracté avec l'au-delà ). Ici, évidemment, l'intrigue à sauvetage fait que l'intervention de la statue représente plus un dénouement forcé de vaudeville. Il faut dire qu'on a plaisamment échappé à une reconnaissance à la croix de ma mère, lorsqu'Alphonse de Monza, frère du mutin, s'aperçoit de ce qu'il s'agit de son frère. Le librettiste Mélesville s'amuse à repousser immédiatement cette solution pour un lieto fine anticipé, et convoque le spectaculaire et le merveilleux pour faire disparaître cette autre figure de Don Juan, transgressant tous les devoirs sacrés, se moquant des pactes - et diablement moins sympathique que son modèle.
Musicalement, mêmes paroxysmes, à ceci près que tout est condensé, et que la mort survient en un instant - il s'agit d'un divertissement, et les questions de la repentance et du salut n'y trouvent pas vraiment leur place. Le caractère moralisateur de l'opéra-comique de Favart s'est largement estompé, et n'en reste plus que l'esprit bon enfant.
L'ensemble du livret de Zampa
exploite ces attentes souvent déjouées (ou au contraire grossies) avec les conventions du canevas opératique. On y retrouve la romance initiale, le choeur des ivrognes, la chanson à boire, la scène du servus currens [1], l'ensemble de pétrification... Mais toujours avec un recul propre aux meilleures productions de ces années (dans lesquelles il faut inclure naturellement les Meyerbeer). Il en va ainsi jusque dans les invraisemblances (personne ne se soucie du changement d'époux, Alphonse revient vivant de l'embuscade, son refus de tout sauver uniquement par pudeur, etc.) qui mettent en valeur à chaque fois un moment typique (le choeur empathique, l'(in)vraisemblable extraordinaire, la reconnaissance salvatrice...).
On accepte pleinement les codes du genre, mais on les met finement en valeur comme artificiels, et cela ne fait que renforcer l'amusement du spectateur qui assiste à des résonances entre forme musicale et intrigue, ou qui se voit la dupe du dramaturge.
Notes
[1] Typique du théâtre antique, où un esclave hors d'haleine entre comme messager, sans pouvoir s'expliquer pendant une scène entière.
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