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Atys 2011 : enjeux, réalisation et aboutissements de la mise en scène de Jean-Marie Villégier


Compléments sur la mise en scène.

Ce commentaire a également été ajouté dans la notule générale autour de l'oeuvre et de la production.

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7. Soirées de 2011 : la mise en scène

La mise en scène de Villégier paraissait déjà remarquablement intense en vidéo. Elles se confirment vues en salle, et s'amplifient : parce que la vidéo fragmente la scène, fait perdre le mouvement d'ensemble, comme souvent chez les réalisateurs qui captent les spectacles d'opéra, en privilégiant les gros plans ; mais aussi parce que les chanteurs-acteurs sont encore (bien) meilleurs ici !

Sans prétendre en épuiser les enjeux le moins du monde, je voudrais en esquisser quelques lignes de force.

a) Emplacement esthétique

D'abord les choix de principe. La mise en scène de Villégier fait certes le choix d'une certaine authenticité, avec des costumes "d'époque", une gestuelle souvent inspirée de la gestuelle baroque, des décors Grand Siècle. Pourtant, elle ne s'y limite pas du tout, ménageant aussi de la distanciation.

L'exemple le plus frappant en est le Prologue, où le Surintendant apparaît mettant en scène son propre spectacle :

  • il y a bel et bien distanciation, puisque les accessoires, les solistes, les choeurs, les danseurs sont présentés comme accessoires, solistes, choeurs, danseurs... et non comme personnages fictifs (même si, de fait, ces chanteurs et danseurs qu'on nous montre sont fictifs) ;
  • la représentation, malgré quelques clins d'oeil (battue de mesure par le pseudo-Lully avec la faux du Temps...), évoque les circonstances des premières représentations, ce qui nous pousse du côté de l'authenticité ;
  • enfin plusieurs éléments échappent tout à fait à ces deux paradigmes, comme par exemple l'utilisation des Arlequins tapageurs en guise de zéphyrs, évocation des relations complexes et fécondes entre les différents types de théâtres lyriques italiens et les différents types de théâtres lyriques français. Ce n'est pourtant ni en rapport avec la littéralité du livret, ni même un commentaire de l'oeuvre au second degré - mais bien une évocation ajoutée par le metteur en scène à l'esthétique et la poésie générale de son spectacle.


Ces trois positions sont remarquablement conciliées tout au long du spectacle, et si les aspects authentiques ne se substituent jamais à l'intérêt direct de la représentation d'aujourd'hui, la distanciation non plus ne déconstruit pas l'adhésion directe du spectateur à l'esthétique XVIIe.

Quelque chose d'assez ambivalent, finalement, mais qui est ressenti comme homogène par le spectateur.

b) Aspect de la production

Ambiguïté entre deux genres, tragédie lyrique et tragédie classique, le décor reste unique pendant les cinq actes (seule la disposition du mobilier change, et de façon très évidente à l'acte V), comme dans une tragédie classique.
[Rappelons qu'en principe, dans une tragédie lyrique, genre issu du théâtre à machines où la norme n'est pas le vraisemblable mais le merveilleux, le décor change à chaque acte.]

Cependant, cette antichambre noir et argent, grâce à un système ingénieux de perspective, se charge de significations très diverses. En effet, les portes pratiquées dans les vastes murs ornés laissent voir, au fond, tantôt d'autres portes évoquant l'atmosphère de palais, où tel personnage pourra passer ostentiblement pendant que l'action se déroule sur le plateau proprement dit, tantôt des images plus merveilleuses ou symboliques, comme les nuées lors de la grande scène du Sommeil. Par ailleurs, l'aspect monumental et presque hostile est renforcé par une déformation des proportions qui accentue adroitement les perspectives.

Le Prologue, lui, est à la fois plus lumineux et plus étouffant : une grande toile (qu'on ne devine que lorsqu'elle s'affale brutalement lors de la reprise de l'Ouverture qui annonce le premier acte) figure le décor champêtre d'un théâtre galant... mais sans aucune issue vers la coulisse. L'effet produit en salle (et totalement imperceptible en vidéo) est quasiment suffocant.

Côté costumes, la présence d'étoffes chargées en motifs raffinés, mais toujours dans les tons sable (au sens héraldique) et argent, produit l'effet étonnant (ici encore peu perceptible en retransmission) de gravures mouvantes et vivantes.

c) Direction d'acteurs

Enfin, le plus important, la direction d'acteurs. Bien plus lisible et riche du fait de la présence entière de la scène et non de gros plans, magnifiée aussi par les nouveaux chanteurs bien plus souples sur scène que Guillemette Laurens et Howard Crook (pourtant loin d'être maladroits), on pouvait la goûter dans toute sa force.

En réalité, Villégier développe une esthétique du pas, pas exactement de façon chorégraphique, mais ses interprètes sont sans cesse en mouvement, et des mouvements qui trahissent leurs émotions. Le nombre de fois qu'ils traversent toute la scène, dans des directions, des vitesses et des attitudes diverses, est assez impressionnant, dès qu'on y prête garde.

S'alliant avec certains aspects de la gestuelle théâtrale Grand Siècle (sans en faire non plus le fondement de son langage scénique, très actuel), un vrai naturel s'impose, pour développer un propos étroitement lié à l'oeuvre (on est rarement dans le second degré très profond). On trouvera bien quelques choix (comme l'accentuation de scènes potentiellement comiques avec le dépit amoureux du roi, la querelle des amants, la gouaille du fleuve Sangar), mais rien qui excède réellement la lettre du texte. Quand ce choix aboutit à une exaltation aussi intense de l'original, on ne peut vraiment pas regretter le second degré.
Par ailleurs, on l'a vu précédemment, le dispositif scénique mêle lui-même plusieurs attitudes, si bien qu'on reste loin de l'univocité.

d) Intentions

Je me suis défendu de lire le commentaire de Jean-Marie Villégier avant la rédaction de cette partie de la notule. Une fois de plus, ses explications sont d'une finesse rare, et témoignent d'une intelligence profonde du genre.

Et je suis assez impressionné d'y retrouver la plupart des impressions que je viens d'évoquer... cela signifie qu'il a réussi à communiquer la complexité de son point de vue par la seule force de la scène. C'est assez confondant.

Je recommande donc la lecture de cet excellent texte, qui excède de très loin la note d'intention.

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A venir rapidement :

8. Soirées de 2011 : exécution musicale



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Commentaires

1. Le mardi 17 mai 2011 à , par Jérémie

Le DVD prévoit de permettre plusieurs angles de vision pour une même scène, quel dommage que personne s'en soit jamais servi pour permettre de voir un opéra en plan fixe, sans gros plans.

Sinon, merci pour ce commentaire. J'ai beaucoup aimé cette mise en scène, et je pense que ce doit être la plus belle que j'ai vue. Même si c'est peut-être le rameau de Cybèle qui m'a le plus marqué :-)

2. Le mardi 17 mai 2011 à , par DavidLeMarrec

Amusant, je me suis très souvent fait la même remarque. Oh, pas forcément uniquement en plan fixe, mais un plan large de principe agrémenté ici ou là de quelques gros plans pour mettre en valeur tel ou tel détail (dans les airs, c'est vrai qu'on peut serrer sur le personnage), ce serait tellement mieux...

Concernant le rameau, j'ai comme l'impression que tu n'es pas le seul à avoir goûté ce menu plaisir.

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