Mélisande Mélusine
Par DavidLeMarrec, samedi 17 mars 2012 à :: Autour de Pelléas et Mélisande :: #1938 :: rss
Le parallèle onomastique n'est pas forcément une coïncidence : comme Mélusine, Mélisande est un être aquatique (profondément lié aux fontaines), fascinant, entouré de mystère, et capable de porter le malheur au lieu du bonheur promis. Dans le phénomène d'échos qui caractérise le poème de Maeterlinck, la parenté est probablement délibérée.

A l'occasion des représentations à l'Opéra Bastille (auxquelles je n'ai pas assisté), j'ai discuté ou lu autour de la question du sourire à la fois sarcastique et satisfait, assez malsain, qui trône la plupart du temps sur le visage de Mélisande dans cette mise en scène. Jusque dans la scène de l'outrage (IV,2) où elle continue à jubiler.
Bien sûr, la thèse de la manipulation fonctionne très bien, puisque Mélisande dispose clairement d'un pouvoir sur les hommes, dont elle peut se servir redoutablement (en II,2, elle abuse complètement Golaud à propos de la bague perdue), mais manifestement sans plaisir (l'aveu tout franc à Pelléas en IV,III : « Non, je ne mens jamais, je ne mens qu'à ton frère. » ).
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La vidéo de cette mise en scène se trouve depuis hier sur Medici.tv, qui a considérablement augmenté son ergonomie, même pour les configurations peu performantes.
Je crois qu'elle donne la réponse dès la première image :
Mélisande au sol, sa robe formant comme une langue d'eau derrière elle, le sourire vainqueur, et la main levée comme dans une incantation.
Clairement, en voyant cela, la clef de la Mélisande-Mélusine me paraît donnée de façon assez lisible.
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Au passage, alors que j'attendais peu de la mise en scène de Robert Wilson, et la redoutais beaucoup trop figée pour la souplesse du texte, je suis frappé par la place qu'elle laisse au texte et au mystère. Il n'est pas évident que cela fonctionnerait pour une oeuvre moins intrinsèquement évocatrice, et le dispositif n'est pas forcément enthousiasmant en tant que tel (à part que c'est apaisant et beau à regarder, ce qui reste un plaisir malgré tout), mais pour une oeuvre qui a autant à dire, le résultat de la nudité du texte est assez idéal, il acquiert une force tout à fait remarquable.
Je pourrais en dire autant du plateau, puisque Elena Tsallagova, dans un registre très ingénu et effaré, propose une lecture très approfondie dans un français d'une pureté parfaite, et que Vincent Le Texier me convainc pour la première fois pleinement (alors que je l'avais déjà entendu Golaud), un Golaud brusque et sombre mais fragile, parfaitement articulé, et sans mollesse ni laideur dans les attaques contrairement à l'habitude.
[Moins intéressé par Anne-Sofie von Otter et Franz-Josef Selig, mais comme pour Le Texier, mes attentes étaient modérées. Orchestre mesuré et superbe, je suis particulièrement impressionné par le grain dense et profond des violoncelles, on croirait un seul violoncelle solo démesurément élargi !]
Si je l'avais vu avant, j'aurais sans doue pris des places, même si je doute que le charme puisse être entier dans la grande étable de Bastille.
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Commentaires
1. Le dimanche 18 mars 2012 à , par Era
2. Le dimanche 18 mars 2012 à , par DavidLeMarrec
3. Le lundi 19 mars 2012 à , par Gilles
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5. Le lundi 19 mars 2012 à , par Olivier :: site
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