Tри сестры et Kabale und Liebe, en russe, par Lev Dodin
Par DavidLeMarrec, mercredi 21 mai 2014 à :: Au théâtre :: #2466 :: rss
La MC93 propose un petit festival Dodin sur trois semaines (s'achevant à la fin de celle-ci), avec la présentation de trois pièces, en russe, avec la troupe du Maly Drama, « théâtre de l'Europe » de Saint-Pétersbourg. On voit tout le temps Tchekhov à Paris, mais très rarement dans la langue originale ; quant à Schiller, quelle que soit la langue, on ne croule pas sous les représentations alors qu'il s'agit tout de même d'un maillon important de la culture européenne, à l'influence considérable, et aux proportions parfaitement calibrées pour un public contemporain.
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Dans les Trois Sœurs, Dodin prend le parti d'exalter le sentiment d'ennui – même pas de fatalité, plutôt d'absence d'événement... personne ne semble attendre un changement... qui ne survient, en effet, jamais. De ce fait, le rythme est lent, et surtout, les acteurs sous-jouent en permanence : l'objectif est atteint, puisque je me suis méchamment ennuyé la plupart du temps, le temps passant sans passer comme pour les personnages – mais c'est une victoire à la Pyrrhus, tout de même.
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Kabale und Liebe est un drame conçu à l'inverse pour l'efficacité, et Dodin y prend une tout autre posture. Ses tableaux courts sont exécutés sans précipités, avec un nombre minimal d'accessoires, mais une gestion de l'espace suffisamment habile et suggestive pour évoquer sans peine les lieux très différents de l'intrigue. Dodin ne transpose rien, mais il pousse un peu au delà du texte, comme pour tester sa résistance (Ferdinand est sur le point de cèder à Lady Milford, par exemple) – et, de fait, cela révèle d'autant plus les qualités du texte.
La scène est conçue comme un espace ouvert où les personnages qui ne participent pas (et en particulier le Président Walter) observent ceux qui jouent une scène en principe à huis clos. Ces regards supplémentaires ajoutent l'intensité très adéquate des jeux de surveillance et de calomnie qui font tout le rouage de la pièce.
Une seule musique, diversement adaptée : la marche turque des Ruines d'Athènes de Beethoven (musique contemporaine), sorte d'allègement un peu cocasse, qui fonctionne étrangement bien.
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Dans ces deux soirées, peu de voix hautement remarquables (pas de Kregjdé en vue), mais la souplesse (aussi bien balletistique que mélodique) de Ksenia Rappoport (Lady Milford), ou la voix (étonnamment plus sombre, et juvénile néanmois) d'Elizaveta Boiarskaya (Louise le 16 et probablement le 18) étaient fort convaincantes.
Belle expérience, surtout pour Schiller.
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