Carnet d'écoutes — Le Requiem de Jean Gilles par Skip Sempé (et rapide discographie)
Par DavidLeMarrec, dimanche 14 septembre 2014 à :: Carnet d'écoutes :: #2521 :: rss
Vient de sortir une nouvelle version du Requiem de Jean Gilles. Elle mérite le coup d'oreille, car les doublures de vents sont particulièrement inhabituelles et réussies. L'inclusion des timbales improvisées à l'intérieur de la partie écrite est aussi une nouveauté, un peu étrange, mais très séduisante.
En revanche, ce n'est pas la version la plus animée de la discographie, les (bons !) solistes n'y sont pas spectaculairement investis et la prise de son très floue lime significativement les angles (un peu comme sur un mp3 très compressé) d'une lecture misant déjà beaucoup sur le fondu. J'aime beaucoup ce que j'entends, mais il y a comme un aplatissement, légèrement dommageable dans ce répertoire plutôt fin et dansant.
Il s'agit d'une reconstitution de la messe mortuaire de Rameau chez les Oratoriens de la rue Saint-Honoré, premier de trois offices. Le concours était immense (1600 personnes) ; pour ce 27 septembre 1764, on joua le Requiem de Jean Gilles entrecoupé d'extraits adéquats d'opéras de Rameau (dont Séjour de l'éternelle paix en guise de Graduale et une version instrumentale de Tristes apprêts, bien entendu). Je n'ai pas encore lu la documentation, mais je suppose que les doublures avec bassons et cors en folie proviennent de là , puisqu'il était d'usage de réviser les œuvres anciennes lorsqu'elles étaient redonnées — notamment sur le plan de l'orchestration.
C'est à entendre si on aime déjà l'œuvre, car ce disque en révèle un nouvel aspect ; sinon on peut d'abord aller voir du côté des grandes versions discographiques :
On peut commencer par la légendaire Herreweghe-Chapelle Royale (Harmonia Mundi), à qui il reste un semblant de raideur, passé l'Introït extraordinaire, mais qui exhale une poésie assez irrésistible. Herreweghe-Musica Antiqua Köln (Arkiv) dispense sensiblement les mêmes qualités, avec des solistes un peu moins fulgurants et une aisance générale moindre, un maintien plus contraint.
J'aime beaucoup aussi Joel Cohen (Erato, Apex) : incluant le plain-chant, privilégiant le un par partie (mais il y a aussi un chœur), remarquables ténors, un Introït avec un sens de la poésie comparable à Herreweghe-Chapelle Royale, mais un galbe plus ferme. En revanche, la suite s'amollit et la basse-taille détone çà et là .
La version de Jean-Marc Andrieu (Orchestre Les Passions, chez Ligia) fonctionne à rebours de ces trois-là : l'Introït est légèrement terne, mais la finition du reste est supérieure, avec beaucoup de présence et de superbes couleurs, une palpitation presque balletistique typique du style français.
Hervé Niquet (Musidisc), donne une version dont le début (j'insiste, car c'est tout de même le moment qui rend cette œuvre fascinante, et il dure quasiment un quart d'heure), sans atteindre les suspensions éternelles, cadre bien avec une suite toujours en progression, sans aucune baisse de tension, ce qui est plutôt difficile dans cette messe un peu disparate.
Reste la version de Louis Frémeaux, mais c'est vraiment le plaisir du dépaysement, car la musicologie n'était pas encore passé par là et le grain est très épais, la temporalité très longue dans une œuvre déjà contemplative.
Difficile d'en distinguer une dans l'absolu, mais pour en rester au disque, pas besoin de chercher l'originalité : Herreweghe-Chapelle Royale et Niquet me paraissent le plus sûr moyen de commencer, et restent à l'usage la plus magnétique pour l'une, la plus évidente pour l'autre.
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Ajouter un commentaire