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Le mystère de l'An die Freude présidentiel


Dans ma microsphère de mélopathes asociaux dysfonctionnels, alors que tout le monde se demandait mais où va le monde, nous étions fascinés par cette Neuvième Symphonie de Beethoven jouée en fond de sa première apparition publique.

Une version pas du tout moderne, au contraire bien épaisse, molle et visqueuse – pour un chantre du renouveau, tout sauf une version HIP (musicologiquement informée), plutôt un souvenir de l'époque où Beethoven et Bruckner entraient dans le même domaine de maîtrise stylistique. Quelque chose comme une version stéréo de Klemperer ou un (très mauvais) Giulini. Et qui, à en juger par la mollesse d'ensemble, devait même être dû à un chef moins aguerri.

J'ai donc réécouté ce matin la chose plus en détail, et derrière les commentaires parasites – car une entrée solennelle et de la musique, il ne faut surtout pas les laisser seuls, ça ne sert à rien, ça ennuierait les gens. Ou bien ils voulaient leur place sur le bande son pour l'éternité, je ne sais pas –, je puis confirmer mon hypothèse d'hier soir.

beethoven macron
Quand le hideux éclairage jaune change ton pays en Belgique.

Il s'agit d'une bande sonore ad hoc, prévue pour les cérémonies, et donc enregistrée par quelque orchestre de cacheton manifestement pas très motivé. On entend clairement la résolution, c'est-à-dire une fin nette ajoutée après ces variations au début du dernier mouvement de la symphonie. En principe, on débouche alors sur un retour de l'orage qui ouvre le mouvement, puis sur le début de la partie vocale. Ici, un accord parfait conclusif (juste un seul ajouté, modérément heureux), pour pouvoir disposer d'une fin – l'hymne européen étant purement instrumental.

Par ailleurs, j'ai eu l'impression d'entendre plusieurs fois les mêmes variations (il faudrait compter, parce qu'il n'est pas facile d'entendre les diminutions rythmiques et changements d'orchestration sous les commentaires parasites), comme s'il était possible de juxtaposer autant de fois que nécessaire les dernières variations – j'ignorais que ce fût possible techniquement. Ou alors l'enregistrement a été réalisé pour cette cérémonie précise, avec un nombre de reprises étudié pour la durée du parcours.

En tout cas, inutile de la chercher, il ne s'agit pas d'une version du commerce – dans le meilleur des cas, ce serait dans l'album des « musiques pour les cérémonies de votre mairie ».

Et ça explique pourquoi c'était aussi mauvais.

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Pour le reste, Chénier et Gossec ont déjà tout dit il y a deux semaines.


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Commentaires

1. Le mardi 9 mai 2017 à , par Benedictus

Par hasard, il ne s'agirait pas de la BO de ce vieux slapstick de Serge Moati qui avait enchanté mon enfance?

2. Le mardi 9 mai 2017 à , par DavidLeMarrec

J'ai glané un peu plus d'informations : apparemment, de source interne (les journalistes politiques en parlent à présent), ce serait bien l'arrangement officiel de l'hymne européen (l'arrangement de Karajan – mais à ce que j'en perçois après restitution d'une musique déjà amplifiée, pas joué par lui).

La défaite d'un parti fondé par des collaborationnistes entraînera donc l'enrichissement des héritiers d'un ancien membre du parti nazi… Les méchants gagnent donc à tous les coups ?

(Toucher des droits pour un bidouillage aussi sommaire, c'est assez scandaleux, et ça ne passerait pas forcément devant une commission de droits d'auteur – qui juge, pour les orchestrations par exemple, ce qui est composition et ce qui est arrangement. Mais ça avait été commandé directement à Karajan et négocié avec lui, je crois.)

3. Le mercredi 10 mai 2017 à , par Thomas Savary :: site

Je préfère de loin l’immortelle version du grand Robert Bennington : www.youtube.com/watch?v=oWGZdYNpaSo. Notre président n’a décidément aucun goût.

4. Le samedi 13 mai 2017 à , par Diablotin :: site

Il s'agit bel et bien de l'enregistrement de Karajan, avec son orchestre philharmonique de Berlin, paru sur son disque "The Anthems Album", paru en 1972. C'est la seule version estampillée "officielle" de l'hymne européen. Et, effectivement, les héritiers de Karajan, dimanche soir, ont touché des droits d'auteur... Tout cela avait été négocié, en effet, avec la commission de la CEE, à l'époque.
Tu trouveras utilement, ici, les arrangements effectués : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hymne_européen

5. Le samedi 13 mai 2017 à , par Diablotin :: site

By the way, j'en parlais l'autre jour ici : http://latelierdediablotin.fr/WordPress3/2017/05/les-symboles-dun-parcours-initiatique/
Tu peux y entendre l'hymne en entier...

6. Le dimanche 14 mai 2017 à , par DavidLeMarrec

@ Benedictus :

Ah, tu voulais peut-être non seulement dire la même œuvre et le même arrangement, mais aussi la même interprétation ?

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@ Thomas :

J'ai connu quelqu'un qui a (réellement) voté pour un candidat, en 2002, parce qu'il ressemblait à ce magnifique baryton inégalé.

--

@ Diablotin :

Merci ! Je n'ai pas consulté ton site cette semaine, en effet.

Incroyable… c'est donc le Philharmonique de Berlin des années 70, vraiment ? Parce que ce j'ai entendu était assez immonde, tout de même. Certes, je vois dans ton lien que le tempo a été largement ralenti (et de fait, c'était mollisime), mais que les timbres de l'orchestre soient à ce point altéré, la charpente même du son c'est étonnant. Ou alors l'effet de la captation de haut-parleurs.
D'après la description que je lis, il n'y a que peu de variations conservées, donc il y a bel et bien eu des redites pendant la marche d'E Macron.

J'avais pourtant entendu cette version hymnique il y a longtemps ; j'avais trouvé que c'était du Karajan pâteux, mais que l'orchestre n'était pas vilain, pas comme ça !

7. Le dimanche 14 mai 2017 à , par Diablotin :: site

Je pense que c'est en effet dû à le retransmission en plein-air via des hauts-parleurs qui devaient essentiellement servir, préalablement, au concert concert d'un tout autre genre qui a précédé cette petite cérémonie ! Parce que l'enregistrement "officiel" n'est pas mauvais, ni très bon d'ailleurs : du DGG typique de l'époque !
Ce qui est curieux, c'est qu'à la TV, j'ai tout de suite reconnu la version pour ma part :-) même si, entre brouhaha, vent dans les micros et commentaires sporadiques des journalistes expliquant que le nouveau président mettait un pied de vent l'autre, puis l'autre pied de vent l'un, tout cela lentement pour se présidentialiser le temps de son mini-marathon de marcheur, on avait parfois bien du mal à entendre la musique, en effet.

8. Le dimanche 14 mai 2017 à , par Diablotin :: site

devant, c'est mieux que de vent...

9. Le lundi 22 mai 2017 à , par DavidLeMarrec

Je n'ai écouté le disque (ou plutôt une version vidéo, je crois) qu'une fois, et j'avais été effrayé par la lenteur et la mollesse, mais je croyais que c'était un bidouillage de circonstance (du genre « je biffe deux variations sur la partoche et je gribouille une clausule sur une demi-mesure »), pas que c'était quelque chose de publié officiellement. J'ignorais l'histoire de la commande et de la négociation européennes !

En tout cas, pas vraiment à la gloire du bon goût (et les timbres étaient donc en lambeaux avec le double système de reproduction inadapté). Heureusement qu'un spécialiste du Maèètre rôdait dans les parages ! Merci à toi pour cette expertise détaillée, encore une fois !

10. Le lundi 22 mai 2017 à , par Thomas Savary :: site

@ David
Qui était ce candidat de 2002 ? J.-P. Ch. ?
Je regrette sinon infiniment que Christopher Bruerton ait été préféré à Robert Bennington pour remplacer Philip Lawson au sein des King’s Singers.

@ Diablotin
« De vent » pour notre nouveau président, c’était très bien, je trouve.

11. Le lundi 29 mai 2017 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Thomas !

Pardon, j'ai été très long à répondre, je peine à soutenir la charge de CSS ces derniers temps. Je suis très impressionné de cette intuition, le lien entre Atkinson et tout homme politique français me paraissant extraordinairement ténu – cohérence politique mise à part. En effet, c'était bien lui.

[Je suis sûr que la métaphore du « souffle nouveau » a déjà amplement été filée dernièrement, de même que celle de la baudruche, il y aurait des articles codés ou des poèmes à clef à écrire sur cette matière.]

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