Impressions sur la Sixième Symphonie de Mahler
Par DavidLeMarrec, jeudi 7 septembre 2017 à :: Domaine symphonique :: #2953 :: rss
Au concert pour l'inauguration de la saison de l'Orchestre de Paris (simplement pour pouvoir entendre On the Waterfront et Lincoln Portrait par Cincinnati, n'y voyez aucune stratégie de prestige ni attrait du tote bag), quelques détails qui m'ont frappé.
D'abord, la Sixième de Mahler me paraît étrangement longue pour un complément de programme de Purcell, mais c'était assez bien vu, plusieurs des chorals de la symphonie (au I et au IV en paticulier) utilisent les harmonies de la Marche Funèbre de pour Mary.
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J'avoue que la Sixième Symphonie me touche moins que les autres (considérez-moi plutôt comme un Wunderhornkind – j'aime beaucoup les dernières aussi) : la pensée m'y paraît beaucoup plus homophonique, avec de grandes lignes massives (surmontées de quantité de traits virtuoses bien évidemment), beaucoup moins versée dans le contrepoint et le tuilage que dans la plupart de ses autres grandes œuvres.
Par ailleurs, je n'ai jamais trop perçu, émotionnellement, l'opposition entre la Cinquième réputée lumineuse (et qui s'éclaire vaguement dans le rondeau, peut-être triomphal, mais tout de même bien sombre) et la Sixième supposément tragique, qui dispose pourtant d'une tout aussi grande énergie vitale.
[Je m'aperçois au passage que, sans me concerter avec moi-même, je partage mon avis émis dans mon cycle de présentation Mahler d'il y a dix ans.]
Cela dit, j'admire la circulation des thèmes, qui réapparaissent en fragments sous les formes les plus diverses, comme les retours en majeur dans le I, ou le très joli passage fugace à la basse dans le II, et tant d'autres instants diversement saisissables.
Je suppose au demeurant que l'interruption des rares élans et la décoloration harmonique progressive des moments les plus expansifs (avec des harmonies qui changent pour devenir plus tourmentées) sont tout à fait volontaires, et en effet assez réussis.
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Pour le reste, dans l'écume des jours de la gazette :
Dans Purcell (Musique funéraire pour la reine Mary), le Chœur de l'Orchestre de Paris confirme qu'il est le plus beau chœur symphonique du monde, voilà. (Et je dis ça en ayant entendu en vrai le RIAS Kammerchor associé au DSOB et le divin Runfunkchor Berlin, sans commune mesure en enregistrement, mais qui m'a moins impressionné en salle.)
Douceur des timbres, netteté rare de la diction, intensité de l'expression – alors que l'anglais lyrique est très rarement bien servi par les étrangers.
L'alliance entre la densité des cuivres modernes et les timbales d'époque fonctionnait à la perfection.
Je les avais déjà entendus à Saint-Eustache cet printemps dans le même programme (couplé avec la Totentanz de Distler et du Reger !), c'était tout aussi beau hier soir. (Petit effectif, le chœur de chambre n'était même pas au complet.)
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Sensiblement moins convaincu que par les autres Mahler de l'Orchestre de Paris, le spectre m'a paru très opaque au début (je n'entendais vraiment pas le détail de ce que je voyais pourtant). Est-ce l'œuvre, plus massivement orchestrée ? Est-ce moi qui ai perdu l'habitude de la salle, eux qui revenaient de vacances, ou encore l'effet-Aïche ? L'impression s'est largement dissipés au fil du I, mais on demeure très éloigné de leurs accomplissements symphoniques enthousiasmants de ces dernières années. (Il est vraisemblable également que je n'aille qu'aux bons concerts…)
Ou bien, pour les plus rancuniers d'entre nous, est-ce le reste de l'ombre d'Eschenbach, le seul à avoir dirigé cette symphonie, et par deux fois, depuis Bychkov en 1992 ?
C'était amplement décent, évidemment, mais beaucoup moins d'abandon et de souplesse stylistique qu'à l'ordinaire. Les équilibres étaient aussi aléatoires, on sentait l'ajustement en temps réel, comme après coup, pour éviter qu'untel ne couvre l'autre.
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Le spectacle était aussi la scène, avec l'envol de la baguette de Harding (que j'ai manqué comme il a manqué Saariaho…) et le micro accablé par le marteau du Destin.
Commentaires
1. Le samedi 9 septembre 2017 à , par Andika :: site
2. Le dimanche 10 septembre 2017 à , par Diablotin :: site
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