samedi 3 février 2018
[Carnet d'écoutes n°114] – Sonya Yoncheva : album Verdi
Récital écoutable intégralement, gratuitement et légalement ici (sur ordinateur).
Après avoir très vite commencé, en Bulgarie, par chanter les spinti (grands ambitus de formats lyriques héroïsants, façon Tosca ou grands Verdi), Yoncheva s'est fait connaître au grand public par le Jardin des Voix de Christie (où elle chantait divinement nettement les formats baroques, aucune grosseur…), puis plus largement en remportant Operalia (avec l'air du Cours-la-Reine de Manon de Massenet, lyrique assez léger), et il me semble que sa première grande production vidéodiffusée à l'international furent ses Pêcheurs de Perles (miraculeux de précision, là encore) à l'Opéra-Comique.
Mais dès que sa notoriété fut suffisante, la voilà (avec un vague sentiment de trahison pour ceux qui espéraient en elle pour servir au plus juste le baroque ou au minimum l'opéra français romantique) retournée à ses premières amours, les très grands rôles du très grand répertoire.
(Avec, à mon sens, une déperdition technique lors de cette transition brutale : ce qui était parfait ne l'est plus vraiment.)

Et, de fait, on alterne entre le magnifique et quelques détails qu'il est étonnant de laisser passer en studio (comme cet aigu crié dans « D'amor sull'ali rosee » du Trouvère), pas très rassurant considérant que l'évolution d'une voix dans les rôles exigeants du romantisme tardif et sur les plus grandes scènes va invariablement dans le sens du dérèglement progressif et du déclin, fût-ce lent.
Détail amusant, Yoncheva dit écouter peu de disques avant de préparer ses rôles pour ne pas singer qui que ce soit, mais dans le bas-médium, je trouve enfin la réponse à une énigme : Callas avait une voix bulgare ! À l'aveugle, c'est exactement le même timbre très arrondit et un peu dans les joues dans certaines parties de la tessiture !
(Et, de fait, je n'y avais jamais songé, mais il y a quelque chose de slave oriental dans l'enflement des sons de Callas. De pas italien du tout, en tout cas, techniquement parlant.)
Pour le reste, très joli récital, très bien chanté, avec des airs rares – mais pas vraiment intéressants… les points forts des Verdi de jeunesse ne résident pas à vrai dire dans leurs airs de soprane. Pas d'incarnation bouleversante à signaler non plus, mais j'ai déjà dit à mainte reprise combien l'exercice du récital d'opéra, a fortiori pour un disque en studio supposé inonder le marché et préparer les directeurs d'Opéras à ses prochaines prises de rôle, me paraît formel et finalement assez éloigné de ce qui fait le prix de l'opéra – la fièvre de l'action, de la déclamation, de situations fécondées par la musique.
C'est néanmoins de la très jolie glotte !
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Carnet d'écoutes a suscité :
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