Le mythe de Médée, un parcours - II, les auteurs - 2, Pindare
Par DavidLeMarrec, vendredi 9 juin 2006 à :: Littérature :: #267 :: rss
Passons sur les Corinthiaca d'Eumélos de Corinthe, perdues. Il serait le premier auteur à avoir placé Médée en Colchide.
Passons également sur les Nostoï cycliques, qui traitenent du rajeunissement miraculeux d'Eson, père de Jason - tué par Pélias en l'absence de son fils, dans d'autres traditions. Cet épisode précède le meurtre involontaire de Pélias par ses filles. (Voir notre plan au point 5.) Il ne nous en reste que des fragments - comme de Pélias, en quelque sorte.
Arrêtons-nous à Pindare.
[...] le sage fils d'Eson apprit de Vénus l'art des prestiges enchanteurs qui devaient écarter de l'esprit de Médée la crainte de ses nobles pareils, et faire céder son coeur brûlant d'amour aux atteintes répétées que lui porterait le plus séduisant des jeunes héros de la Grèce. Cette princesse tarda peu de lui révéler le secret des épreuves que préparait son père. Elle composa d'huile et d'herbes un liniment dont la vertu rendit le corps de Jason inaccessible aux âpres douleurs. Tous deux, l'un de l'autre épris, convinrent d'unir leur sort par les doux liens de l'hymen.
PINDARE, Quatrième ode pythique
Traduction de R. TOURLET.
A défaut de tout citer, voici un lien où l'on peut trouver une traduction française.
Comme il se doit, Pindare décrit Médée comme une porteuse d'oracle (qui constitue le premier tiers de l'ode), annonçant les destinées de royaumes futurs. Conformément au ton de l'oeuvre, Médée et Jason sont, on le voit, semblablement épris, ce qui n'est pas le cas dans toutes les traditions, celles où Médée est le point de passage inévitable pour la Conquête de la Toison, une épreuve supplémentaire par laquelle le héros doit passer pour accomplir ses exploits, et à laquelle il ne se sent plus lié une fois ses hauts faits accomplis[1].
[...] je dis qu'en s'emparant de la riche toison, notre héros ravit aussi Médée, l'instrument perfide de la mort de Pélias ;
Médée, ayant aidé Jason à vaincre, s'enfuit avec lui. A part la mort annoncée de Pélias, qui n'est pas chez Pindare un être odieux, mais plutôt un rival avec lequel est conclu un pacte sincère, rien ne présage les ignominies répétées de Médée. La tradition livrée par Pindare est donc tronquée et encore relativement positive.
Pourtant, si on lit l'ensemble de la dernière phrase qui mentionne Médée :
[...] je dis qu'en s'emparant de la riche toison, notre héros ravit aussi Médée, l'instrument perfide de la mort de Pélias ; qu'avec lui les Argonautes traversant les flots de l'Océan et ceux de la mer Erythrée, abordèrent dans l'île de Lemnos où ils furent accueillis par les femmes homicides de leurs maris, après qu'ils eurent emporté pour prix de leur force et de leur agilité dans les jeux, les vêtements qu'on y distribuait aux vainqueurs.
La principale aventure des Argonautes décrite lors du périple du retour est celle des femmes criminelles, où les Argonautes font paisiblement étape. Comment ne pas y voir une annonce de l'ombre terrible que fait planer Médée sur Jason, sur ceux qui l'approchent ? Médée porte le malheur où elle pose ses pas (du moins dans la première partie du mythe, avant le retour à l'Est de la Méditerranée), Médée détruit tous ceux qui s'attachent à Jason - et, pour finir, Jason, en répudiant Médée, se désigne à une fin libre mais misérable.
Sans l'évoquer, Pindare contient en germe ce versant du mythe.
Notes
[1] Il semblerait qu'aucune équivalence du contrat de mariage n'était prévue entre Corcyre et la Thessalie, vide juridique très fâcheux en la circonstance.
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