Carnets sur sol

Nous avions regretté, précédemment, que l'information se dispense toujours d'évoquer le fond des sujets (l'exemple-type étant de poser sans cesse la question "qui va gagner ?" au lieu de décrypter ce qu'on propose, dans une campagne électorale), voire de définir les termes employés. Et on avait pris, à tout hasard, la distinction chiites/sunnites, faite avec si peu de soin que manifestement beaucoup de monde, jusqu'au prochain patron, ne fait pas de distinction claire.
Félicitations donc à France Culture qui a pris le temps par deux fois dans des formats brefs, ces derniers temps, de préciser très consciencieusement la définition, l'origine historique et les enjeux de cette division. [Il s'agissait des Enjeux internationaux, durée 10 minutes, et d'Histoire de, durée 15 minutes.]

Autre sujet de satisfaction tout bête, les économies réalisées, il y a quelques mois, en choisissant définitivement de ne plus modifier le nombre d'étoiles du drapeau européen, ce qui épargne bien des dépenses qui, elles, ne sont pas symboliques (redessiner le drapeau, ajuster tous les logos et drapeaux de l'Union...). Pour une fois qu'on ne sacrifie pas aux "signaux" inutiles, il faut s'en réjouir.

Enfin, nous semblons jouir d'une influence considérable sur le nouveau gouvernement, sachez-le ! Si vous souhaitez que nous exercions notre pouvoir, les commentaires sont ouverts. Consultations privées pour tarifs modiques.

Car, bien qu'ayant suivi avec une certaine attention les différents programmes, nous n'avions noté nulle part ces mesures qui viennent d'être, paraît-il, confirmées. Et que nous avions proposées... en avril 2006 !

Il semble que soient en projet, outre la suppression de la carte scolaire qui a tant fait parler d'elle et dont, à mon sens, on ne percevra les nombreuses implications bénéfiques et perverses qu'à l'usage :

1) la diminution par deux des effectifs dans les zones d'éducation prioritaires. Or, le 8 avril 2006, CSS pensait tout haut :

Mais c'est en amont qu'il faut apprendre la grammaire à tous les élèves du secondaire, au moyen, si besoin, d'effectifs beaucoup plus compacts dans les classes.

Non pas que ce soit une solution à tous les maux, bien sûr, mais pour les endroits les plus compliqués, ce ne peut pas être un mal, si on peut le financer.

2) le financement des études aux élèves qui choisissent une filière qui manque de bras. Précisément, les bras nous en tombent... Jamais entendu parler de cette mesure, pas citée non plus dans les récapitulatifs les plus poussés sur les programmes des candidats. Pourtant, voilà bien une mesure qui risquait peu de produire des vagues... Les études en médecine, longues et nécessaires, qui s'offusquerait de leur financement dans les secteurs les moins demandés ?
Et il se trouve que CSS y pensait depuis longtemps, même si la question n'avait été abordée qu'un an environ auparavant, le 8 avril 2006 également, puis le 19 du même mois.

Le 8 :

Une des solutions au problème qu'il pose me semblerait une planification incitative. On pourrait désengorger certaines filières en proposant des avantages pour celles qui sont désertées ou celles pour lesquelles on aura besoin de beaucoup de volontaires, ce serait déjà un début.

Le 19 :

Je ne reviendrai pas ici sur l'idée d'une planification incitative des études avec redistribution en conséquence des bourses, de façon à réorganiser le marché du travail et à limiter les dépenses tout en incitant les jeunes à former des projets

Et, précisément, on a attendu en vain que cette idée de planification soit reprise par quelque candidat, même en fouillant dans les programmes.
Dommage, parce que l'ensemble de la rédaction de CSS^[1] aurait été très sensible, au moment de glisser son bulletin collectif dans l'urne, à la présence de ce genre d'argument à la fois pertinent en termes d'accès à l'éducation, d'économies à court et moyen terme, et d'action sur les problèmes de qualification et de chômage à long terme.

Bref, nous sommes très satisfaits, sachez-le, que le futur gouvernement ait décidé de suivre les judicieux conseils de CSS. Cette nouvelle devrait être de nature à rassurer la France sur la politique à venir, n'en doutons pas...

En somme, pas de récriminations, même sur la surface linguistique, pour aujourd'hui. Même si on pourrait s'amuser du verbe ressortir à, toujours si difficile à employer, des journalistes aux universitaires, soit pour la préposition, soit pour la conjugaison (il ressortit et non il ressort, qui n'a pas le même sens) ; même si on a tordu le nez en pensant aux aussi probables que lointaines études de lettres de cette jeune journaliste de France 2 qui propose un très joli « en ayant revêti » (il devait être question de jean, probablement...) ; même si le débat du 2 mai a fait la part belle, dans le feu de l'action, aux erreurs d'accord les plus fantaisistes. Non, pas de récriminations, même sur la surface linguistique, pour aujourd'hui. Même pas, comme c'est de coutume, pour s'en amuser ou pour en tirer des observations sur notre petit monde. Non, rien.
Carnets sur sol est puissant, et se repaît de son pouvoir, même si son hébergeur technique n'a rien d'un hors-bord^[2].