Concours Reine Elisabeth 2008 - XV - le palmarès et le point
Par DavidLeMarrec, jeudi 29 mai 2008 à :: Disques et représentations :: #958 :: rss
Fin sur Diaire sur sol des recensions des programmes de finale et demi-finale, classées par candidat.
Et à présent pour CSS, un petit point sur tout cela (palmarès inclus pour ceux qui n'en auraient pas encore connaissance).
On le répète, ordre des portraits plus ou moins par ordre d'intérêt croissant, mais vraiment à la louche, on débute par les quelques-uns qui n'ont pas vraiment convaincu, et on finit par ceux qui nous ont beaucoup séduit.
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Carrière et concours
Beaucoup d'entre eux ont commencé une carrière à laquelle ils souhaiteraient donner un tour plus prestigieux, et tous sont des habitués des concours internationaux. Comme pour toutes les disciplines, il s'agit d'une des voies pour lancer une carrière, et le jeune interprète se prête à ces contraintes un peu partout - ce qui peut aider, mais n'augure de rien. Une Victoire de la Musique, vu la popularité que cela implique en amont ou provoque en aval (peu de rivaux, et le public entend simplement le vainqueur, ce qui donne plus de légitimité), c'est une assez bonne garantie. Un concours international, fût-ce avec le jury amplement compétent et la diffusion télévisée de Reine Elisabeth, n'augure pas d'une carrière prestigieuse. Côté premiers prix de chant, mis à part Marie-Nicole Lemieux, aucun interprète n'a fait une carrière très bruyante, et ceci est valable pour la majorité des autres premiers prix du concours Reine Elisabeth (et pour tous ceux du concours de composition...).
On peut citer par exemple Chang-Han Lim, Anna Kasyan et Elizabeth Bailey qui ont participé en tant que finalistes au concours de Marmande en 2005, et Michèle Losier qui l'année précédente remporta le premier prix en mélodie française et le troisième prix d'opéra pour le même concours. Anna Kasyan a également remporté le concours de Grand-Théâtre de Genève. Tout cela est valable pour l'ensemble des participants.
Sont tout de même désavantagés les spécialistes trop marginaux. Par exemple les purs liedersänger et mélodistes - mais ça n'existe pas, tant mieux pour leur carrière - ou alors ils sont recalés très en amont, n'auront pas de rôles et ne seront jamais suffisamment connus pour qu'on leur confie des récitals. Plus concrètement, les très agiles et les baroqueux sont désavantagés par les exigences de polyvalence, leur puissance limitée, les pianos et orchestres modernes. Sébastien Parotte, un baryton-basse baroque plutôt intéressant, n'avait aucune chance de remporter le prix avec des aigus pas timbrés (pour un baryton !), une voix un peu tassée dans la direction du grave (mais seul médium est sollicité par ce répertoire, c'est donc assez logique), un volume et des possibilités techniques expressives très réduits. Non pas qu'il ait été le meilleur participant, mais avec un accompagnement adéquat, ç'eût été plus captivant (et moins aigu pour lui qu'à 440Hz).
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Absence du pupitre
Ceux qui ont pu chanter de mémoire la pièce contemporaine sont significativement ceux qui, ayant une bonne mémoire, un bon niveau de solfège, un rapport libéré à la musique, ont fourni en général les meilleures prestations, non seulement dans cette pièce, mais également dans l'ensemble de leur programme.
Structurellement, ce type de mélodie avantageait cependant les voix graves.
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Palmarès
- Szabolcs BRICKNER
- Isabelle DRUET
- Bernadetta GRABIAS
- Anna KASYAN
- Yury HARADZETSKI
- Gabrielle PHILIPONET
Autres lauréats sans rang (sachant qu'il est possible d'obtenir plus de prix classés) : tous les autres finalistes.
- Elizabeth BAILEY
- Layla CLAIRE
- LIM Changhan
- Michèle LOSIER
- Tatiana TRENOGINA
- YOON Jung Nan
Impossible pour les lutins d'y déceler une logique qui aurait prédominé (grandes voix, interprètes éloquents, tel ou tel type de répertoire, polyvalence ou non). On note simplement leur joie de trouver des ténors exploitables sur les scènes. (Au moins un, Szabolcs Brickner.)
Vu la constitution prestigieuse et hétérogène du jury, il peut y avoir une part d'aléatoire (ou de négociation pour pondérer ?). Il semblerait, d'après nos informations, que les notes soient simplement ajoutées (en supprimant au préalable la plus haute et la plus basse), sans délibération, ce qui donnerait un caractère étonnamment mathématique à la désignation. Ce qui demande sérieusement vérification, tant le procédé semble étrange.
Pour notre part, on l'a déjà martelé, une interprète totalement professionnelle, Michèle Losier, domine de très loin le concept même du concours, et s'impose comme une artiste de première qualité. Ce n'est pas précisément ce qu'on a coutume d'appeler un espoir.
Avec de grandes qualités pour le récital, et un répertoire déjà étoffé et très appétissant dans cette perspective.
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'Accompagnement'
Un mot admiratif pour les accompagnateurs du concours (dont rien moins que Daniel Blumenthal), tous d'une extrême clarté (quasiment pas de pédale), avec de beaux phrasés, attentifs au style, précis et mordants. Bien sûr, dans Rameau, ou dans les pièces virtuoses, ils trouvent avec plus de difficultés leurs marques ; et, afin de ne pas interférer dans l'interprétation du candidats, n'opèrent pas de choix radicaux. Mais le résultat est vraiment superbe en connaissant les contraintes de l'exercice (avant tout être propre) - et ils produisent mieux que cela.
... Et pour finir un grand bravo à Kazushi Ono, qui à son habitude se montre capable de diriger absolument tout (c'est le Mozart qui convainc encore le moins) avec le maximum d'intérêt. La clarté de ses Italiens rend immédiatement le discours intéressant, toutes les strates s'entendent, c'est merveilleux. Capable aussi d'inventer, partout, des textures inédites, des phrasés qui font sens. Un autre grand vainqueur de ces soirées.
Commentaires
1. Le samedi 31 mai 2008 à , par DavidLeMarrec :: site
2. Le samedi 31 mai 2008 à , par Jean Lucien
3. Le dimanche 1 juin 2008 à , par DavidLeMarrec
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