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Wagner - Die Walküre (La Walkyrie), acte I - Daniel Barenboim et West-Eastern Divan Orchestra : de Madrid à Paris

Les lutins, mis dans le secret des dieux du Walhall par Frère Elustaphe (oui, comme Hakon, un vil renégat), ont pu entendre quelques extraits du concert madrilène de la Plaza mayor et du concert parisien à Pleyel (le premier et le dernier de la tournée).

Le Prélude de Daniel Barenboim est saisissant côté cordes, d'une vigueur assez inusitée, en faisant ressortir à sa guise le motif, quasiment en démiurge. L'orchestre se montre effectivement limité (cuivres faiblement sonores et pas toujours très justes, cordes agiles mais un peu légères et, à de rares moments, moins justes), mais le travail en équipe et l'enthousiasme compensent largement, surtout qu'il s'agit d'un très jeune orchestre (pour ses membres, et plus encore pour sa constitution...). Et que le critère de recrutement n'est pas d'abord l'excellence en faisant abstraction de l'origine, mais l'excellence sur un territoire relativement restreint, et où le classique n'est pas nécessairement la culture musicale sans partage.

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Angela Denoke (Sieglinde), à Madrid, est d'une intensité qu'on imagine à peine dans ce rôle, qui ne serait comparable qu'avec Mödl (disponible sur CSS), mais avec une maîtrise, une finition, une expressivité extrêmement précises. Les mots claquent, les consonnes tintent, et les affects du personnage semblent couler de source d'un attirail technique pourtant fort complexe, avec l'usage de sons plus ou moins altérés, plus ou moins vibrés, etc.
Meier, en comparaison, en paraîtrait globale ! Il est vrai qu'il existe une différence de nature entre les deux tempéraments - celui de Meier étant d'une certaine façon plus "vocal", le timbre participant largement à la séduction (même si celui de Denoke est splendide, plein, incarnant une sorte de perfection, il est nettement moins personnel), et l'interprétation transpire plus par la conviction, le frémissement musical que par une articulation excessive des mots. Tout cela en comparant bien sûr. Et dans les deux cas, l'interprète fait mouche au delà de ce qu'on peut souhaiter ou même espérer.

Simon O'Neill (Siegmund), présent dans les deux distributions, débute un peu incertain le premier soir sur ses premières paroles à découvert, on le sent compter les temps, l'allemand est assez vilain (très américain), de même que ses placements pas toujours gracieux dans le nez ; mais tout cela se cale très bien une fois l'interprète investi dans son rôle, vers une interprétation très lyrique, d'une bien belle musicalité qui n'est pas si fréquente, eu égard aux formats barytonnants qui prédominent dans le rôle...

A Madrid, Hunding était campé par John Tomlinson. Comme toujours étrange à entendre, et avec le temps, la voix sonne de plus en plus filandreuse et écrasée, mais il paraît qu'en vrai, la bête est très impressionnante - un boucan phénoménal et beaucoup de présence. C'est tout à fait possible, les harmoniques "de présence" qui font le charisme d'une basse ne passent pas toujours au disque. Des voix comme celles de Nicolas Testé et plus encore Fernand Bernadi sonnent terne au disque, alors qu'elles dispensent un halo assez particulier en salle.

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A Berlin et à Oslo , en revanche, même distribution qu'à Paris.

En effet, comme rapporté partout, Waltraud Meier (Sieglinde) est phénoménale, elle connaît désormais tant ces rôles qu'elle en investit la moindre parcelle, à une intensité extrême, mais sur toute la durée de l'acte. (C'est encore plus impressionnant dans ses toutes récentes Isolde, où elle ne lâche rien pendant quatre heures.) Excellente actrice, fine et charismatique, de surcroît.

Pour une fois, on percevait bel et bien la présence vocale de René Pape sur un enregistrement - très impressionnante. Son Hunding se montre très éloquent, on n'avait jamais entendu Pape en mots comme cela, il en avait plein la bouche - et cela faisait plaisir à voir. Voilà qui est rassurant par rapport à certaines interprétations wagnériennes (ou autres) plus routinières ces dernières années, pariant largement sur l'impact vocal.

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Barenboim faisant parfaitement tout entendre et très intensément (nettement mieux qu'avec les grands orchestres, je trouve), du régal en barre. Il place en valeur chaque pupitre, et toutes ces beautés d'orchestration qui passent facilement inaperçues ici (en particulier avec une direction du type Rattle). Les korrigans sur sol en sont d'autant plus satisfaits que l'habitude de Barenboim (du moins telle qu'elle transparaît par le filtre toujours déformant des divers enregistrements et captations) est plutôt de distiller des climats quasiment à l'acte, avec une manière un peu massive - efficace, mais pas nécessairement subtil.







Accessoirement, CSS se doit de vous faire une révélation stupéfiante : Wagner, c'est génial.


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Commentaires

1. Le mardi 9 septembre 2008 à , par Morloch

Et zou ! Les lutins doivent venir à Bastille pour Makropoulos, le rôle semble avoir été écrit pour Angela Denoke (j'ajoute donc le concert sur la liste).

2. Le mardi 9 septembre 2008 à , par DavidLeMarrec

Oui, enfin, moi, tu sais, comment dire...

Le Puccini pour snob, j'aime bien, hein - mais de là à me déplacer...

Et puis n'ayant pas entendu Mademoiselle Denoke en tchèque, je sais que le résultat peut changer du tout au tout...

3. Le mardi 9 septembre 2008 à , par Morloch

Mais elle s'en sort très bien, pas le genre à machouiller les mots (bien entendu elle n'est pas aussi impériale que Renée dans cette langue, mais qui le pourrait ?)

4. Le mercredi 10 septembre 2008 à , par DavidLeMarrec

En tchèque, Renée passe assez bien. C'est de la bouillie, mais c'est musical.

Son allemand, en revanche, c'est vraiment éprouvant, j'ai rarement eu autant de peine à écouter une langue massacrée. Le style [strike]music-hall[/strike] [strike]cabaret[/strike] romance de rue n'aide pas non plus, quand on est dans du Richard Strauss versant mondain.


Je me doute bien que Denoke ne saurait massacrer une langue, mais je m'interroge sur la plénitude vocale du résultat, il est difficile d'imaginer que ça puisse égaler son allemand.

5. Le samedi 13 septembre 2008 à , par Jean-Charles

Le nouveau disque Strauss de Fleming que David attend impatiemment :
http://www.reneefleming.com/flash/INTplayer/INTversion/

6. Le samedi 13 septembre 2008 à , par DavidLeMarrec

Ca a l'air pas mal du tout, en fait. Nettement plus habité qu'avec Abbado à Lucerne, nettement plus correct en diction et même en style que sa Comtesse de Capriccio à Paris (qui était un peu éprouvante). Et puis Thielemann est toujours très intéressant là-dedans.

Vu le choix présent dans ces pièces, je ne recommande tout de même pas ce genre de sirop un peu gras aux lecteurs de CSS. Il y en a pour tous les goûts, Della Casa / Böhm, Grümmer / Kraus, Stich-Randall / Somogryi, Janowitz / Karajan, Popp / Tennstedt, Norman / Masur, M. Price / Gibson, Te Kanawa / Solti, Popp / Tilson-Thomas...

Il suffit d'éviter Caballé, qui n'est pas sous son meilleur jour [attention euphémisme], et après on peut faire son marché à son aise. Fleming se classe plutôt dans le bas du tableau par rapport aux gloires qu'on croise, d'autant qu'à côté de certaines versions moins exaltantes (Voigt / Masur, par exemple) ou potentiellement irritantes (Schwarzkopf / Ackermann), le style n'est pas bien là.


Mais les amateurs peuvent acheter sans crainte dans la mesure où la voix est glorieuse et les manières intactes (et relativement maîtrisées) ; ça reste un bon disque pour ce que j'en puis juger.

Autre chose à mettre au crédit de Fleming : sa curiosité réelle pour des répertoires peu fréquentés (on n'avait pas enregistré Thaïs et Daphné depuis longtemps, et dans le domaine américain, elle soutient beaucoup de choses anciennes ou récentes).

Ce que ne font pas certaines immenses chanteuses (à trois rôles et demi) comme Waltraud Meier. Ca compte aussi.

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David Le Marrec

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