Wagner - Die Walküre (La Walkyrie), acte I - Daniel Barenboim et West-Eastern Divan Orchestra : de Madrid à Paris
Par DavidLeMarrec, mercredi 3 septembre 2008 à :: Disques et représentations :: #1030 :: rss
Les lutins, mis dans le secret des dieux du Walhall par Frère Elustaphe (oui, comme Hakon, un vil renégat), ont pu entendre quelques extraits du concert madrilène de la Plaza mayor et du concert parisien à Pleyel (le premier et le dernier de la tournée).
Le Prélude de Daniel Barenboim est saisissant côté cordes, d'une vigueur assez inusitée, en faisant ressortir à sa guise le motif, quasiment en démiurge. L'orchestre se montre effectivement limité (cuivres faiblement sonores et pas toujours très justes, cordes agiles mais un peu légères et, à de rares moments, moins justes), mais le travail en équipe et l'enthousiasme compensent largement, surtout qu'il s'agit d'un très jeune orchestre (pour ses membres, et plus encore pour sa constitution...). Et que le critère de recrutement n'est pas d'abord l'excellence en faisant abstraction de l'origine, mais l'excellence sur un territoire relativement restreint, et où le classique n'est pas nécessairement la culture musicale sans partage.
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Angela Denoke (Sieglinde), à Madrid, est d'une intensité qu'on imagine à peine dans ce rôle, qui ne serait comparable qu'avec Mödl (disponible sur CSS), mais avec une maîtrise, une finition, une expressivité extrêmement précises. Les mots claquent, les consonnes tintent, et les affects du personnage semblent couler de source d'un attirail technique pourtant fort complexe, avec l'usage de sons plus ou moins altérés, plus ou moins vibrés, etc.
Meier, en comparaison, en paraîtrait globale ! Il est vrai qu'il existe une différence de nature entre les deux tempéraments - celui de Meier étant d'une certaine façon plus "vocal", le timbre participant largement à la séduction (même si celui de Denoke est splendide, plein, incarnant une sorte de perfection, il est nettement moins personnel), et l'interprétation transpire plus par la conviction, le frémissement musical que par une articulation excessive des mots. Tout cela en comparant bien sûr. Et dans les deux cas, l'interprète fait mouche au delà de ce qu'on peut souhaiter ou même espérer.
Simon O'Neill (Siegmund), présent dans les deux distributions, débute un peu incertain le premier soir sur ses premières paroles à découvert, on le sent compter les temps, l'allemand est assez vilain (très américain), de même que ses placements pas toujours gracieux dans le nez ; mais tout cela se cale très bien une fois l'interprète investi dans son rôle, vers une interprétation très lyrique, d'une bien belle musicalité qui n'est pas si fréquente, eu égard aux formats barytonnants qui prédominent dans le rôle...
A Madrid, Hunding était campé par John Tomlinson. Comme toujours étrange à entendre, et avec le temps, la voix sonne de plus en plus filandreuse et écrasée, mais il paraît qu'en vrai, la bête est très impressionnante - un boucan phénoménal et beaucoup de présence. C'est tout à fait possible, les harmoniques "de présence" qui font le charisme d'une basse ne passent pas toujours au disque. Des voix comme celles de Nicolas Testé et plus encore Fernand Bernadi sonnent terne au disque, alors qu'elles dispensent un halo assez particulier en salle.
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A Berlin et à Oslo , en revanche, même distribution qu'à Paris.
En effet, comme rapporté partout, Waltraud Meier (Sieglinde) est phénoménale, elle connaît désormais tant ces rôles qu'elle en investit la moindre parcelle, à une intensité extrême, mais sur toute la durée de l'acte. (C'est encore plus impressionnant dans ses toutes récentes Isolde, où elle ne lâche rien pendant quatre heures.) Excellente actrice, fine et charismatique, de surcroît.
Pour une fois, on percevait bel et bien la présence vocale de René Pape sur un enregistrement - très impressionnante. Son Hunding se montre très éloquent, on n'avait jamais entendu Pape en mots comme cela, il en avait plein la bouche - et cela faisait plaisir à voir. Voilà qui est rassurant par rapport à certaines interprétations wagnériennes (ou autres) plus routinières ces dernières années, pariant largement sur l'impact vocal.
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Barenboim faisant parfaitement tout entendre et très intensément (nettement mieux qu'avec les grands orchestres, je trouve), du régal en barre. Il place en valeur chaque pupitre, et toutes ces beautés d'orchestration qui passent facilement inaperçues ici (en particulier avec une direction du type Rattle). Les korrigans sur sol en sont d'autant plus satisfaits que l'habitude de Barenboim (du moins telle qu'elle transparaît par le filtre toujours déformant des divers enregistrements et captations) est plutôt de distiller des climats quasiment à l'acte, avec une manière un peu massive - efficace, mais pas nécessairement subtil.
Accessoirement, CSS se doit de vous faire une révélation stupéfiante : Wagner, c'est génial.
Commentaires
1. Le mardi 9 septembre 2008 à , par Morloch
2. Le mardi 9 septembre 2008 à , par DavidLeMarrec
3. Le mardi 9 septembre 2008 à , par Morloch
4. Le mercredi 10 septembre 2008 à , par DavidLeMarrec
5. Le samedi 13 septembre 2008 à , par Jean-Charles
6. Le samedi 13 septembre 2008 à , par DavidLeMarrec
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