Francesco Bartolomeo CONTI - Don Quichotte de la Manche dans la Sierra Morena - René Jacobs
Par DavidLeMarrec, mardi 7 juillet 2009 à :: Opéra seria :: #1306 :: rss
Suite à la production impromptue d'une courte note sur le sujet, on en propose une version un peu étoffée pour CSS.
Un autre Florentin.
Florence 1681 - Vienne 1732.
On connaît essentiellement de Conti son Don Chisciotte della Mancia in Sierra Morena (« Don Quichotte de la Manche dans la Sierra Morena »), créé à la cour de Vienne en 1719. C'est un opéra seria un peu particulier, puisqu'il comporte quasiment des finals en fin d'acte, une suite de "numéros" [1] et d'ensembles en particulier, ou au minimum un "numéro" libre et développé, à la manière de l'opéra classique, tel qu'on le connaît par exemple chez Martin y Soler ou dans les Da Ponte de Mozart. (Donc passablement moderne !)
L'argument est tiré de l'épisode de la traversée (puis de la retraite, au sens religieux du terme) de la montagne espagnole par Don Quichotte. C'est un épisode célèbre du premier livre de ses aventures, qui comprend les fameuses Folies de Cardenio mises en musique par Lalande, et qui raconte dans un récit inséré l'histoire de Dorothée. C'est là où Don Quichotte, qui se prépare à mourir d'inanition exposé au soleil en songeant à Dulcinée, est ramené chez lui sous prétexte de remettre la fantasmagorique Micomicona sur son trône.
C'est une oeuvre intéressante à plusieurs titres.
Le duetto final de l'acte I, quasiment un final tout court. Dans le récitatif, Sancho (Christophoros Stamboglis) oppose à toutes les raisons séductrices de Maritorne (Maria Cristina Kiehr) le leitmotiv du muletier qui peut revenir le rosser... et l'obsession du gouvernement d'île qu'on lui a promis, et qui est également utilisée par Boismortier et Massenet dans leurs opéras quichottesques respectifs.
Bois rigolards, castagnettes, coups de talon à la façon du flamenco, continuo déchaîné... A Innsbruck, René Jacobs et l'Academie für Alte Musik Berlin violemment inspirés. L'orchestration, si elle est d'origine, évoque également les derniers feux du seria, avec tous ces bois en particulier - soit quelque chose comme soixante ans d'avance !
Notes
[1] C'est-à -dire une partie chantée valorisée et close, un air ou un duo par exemple.
Tout d'abord, tous ces éléments, à l'exception peut-être de l'état misérable de Don Quichotte, se retrouvent dans le livret d'Apostolo Zeno et Pietro Pariati. [Zeno était le librettiste à la mode avant Métastase.] La folie brutale de Cardenio (chanté logiquement, vu sa distinction, par une voix aiguë et délicate), la cour de Maritornes (servante d'auberge repoussante) à Sancho (et non plus à un muletier contre qui Don Quichotte veut la défendre dans un des moments les plus grotesques - et peut-être faciles - du roman)...
Ensuite, on a affaire à une oeuvre musicale tout à fait piquante. Les airs n'y sont pas particulièrement spectaculaires ou inspirés musicalement, mais dressent des portraits très individualisés des personnages, quasiment des airs de caractère, et non plus des numéros individuels un peu interchangeables. Enfin, on y retrouve les folies d'Espagne, en particulier lors du final totalement fou du premier acte, où la grande confusion (entre Maritornes qui minaude et Micomicona qui feint, on n'est pas sorti de l'auberge) bâtit une succession des variations les plus dansantes et convaincantes jamais écrites sur ce thème. Le joyeux désordre va ainsi de pair avec une invention musicale réjouissante.
Surtout peut-être, René Jacobs, qui l'a donné à plusieurs reprises (1992 Innsbruck, Beaune 2005, Innsbruck 2005), se montre dans sa dernière série de représentations capable d'inventer une orchestration hors du commun, avec une richesse du continuo (les cordes grattées en particulier), une alliance magnifique des timbres, une inspiration totalement débridée qui ne peuvent que susciter l'admiration la plus invense. Les récitatfs comiques deviennent quasiment symphoniques... quand ce n'est pas de la musique contemporaine à clusters (avec cor faux, bruits de chaînes arythmiques et dépareillés, etc.). Incontestablement, dans ce répertoire, l'interprète peut prendre la place de co-compositeur, car Conti ne séduirait pas ainsi, littéralement interprété.
Un délice absolu, une réjouissance riante. De plus, le rôle-titre était interprété par Nicolas Rivenq et sa présence dramatique toujours aussi persuasive, son timbre si caractéristique aussi. Et la mise en scène de Stephen Lawless semblait assez sympathique (illustration en tête de notule).
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L'oeuvre n'a manifestement pas été publiée depuis la radiodiffusion. Mais à venir, peut-être, et on peut l'espérer en vidéo, ce qui représenterait en l'occurrence une réelle plus-value.
Dans l'attente, le final de l'acte I, pour le plaisir de cette curiosité, ci-dessus.
Commentaires
1. Le vendredi 10 juillet 2009 à , par Licida :: site
2. Le vendredi 10 juillet 2009 à , par DavidLeMarrec
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