Le Sacre de Stravinsky dans Fantasia de Disney
Par DavidLeMarrec, vendredi 24 juillet 2009 à :: Domaine symphonique :: #1322 :: rss
A l'occasion d'un petit badinage tout récent, je rapporte sur CSS cette anecdote amusante - et fondamentale, on s'en doute, pour l'Histoire de la Musique.
Dans Fantasia (1940), Walt Disney voulait évoquer notamment la Création, mais tout ce que ses conseillers ont été fichus de lui trouver, c'était du Haydn (Die Schöpfung, évidemment...), ce qui n'avait pas tout à fait le caractère épique visé. Il est donc allé voir Stokowski, qui lui aurait dit (selon ce que rapporte Stravinsky, donc de seconde main un peu de parti pris) :
- Why don't we do the Sacre ?
- Socker ? What's that ?
Les émissaires juridiques de Disney sont allés voir Stravinsky à Paris dès 1938, et lui ont demandé les droits, tout en assortissant leur proposition d'un rappel que l'oeuvre étant libre de droits aux Etats-Unis, et qu'il ne pouvait de toute façon s'opposer à son utilisation (bluff ou absence de droit moral dans le Code de la Propriété Intellectuelle aux USA dans les années trente, je n'ai pas vérifié).
La conversation s'est donc soldée - on connaît Stra - par un chèque de $5000. Sic transit superbia Stravinski.
Au demeurant, Stravinsky était très hostile au projet :
- le sujet était un contresens par rapport à la musique (il n'acceptait donc pas le détournement illustratif de son oeuvre) ;
- l'argument de toucher les masses ne l'intéressait pas, pour lui les masses ne comprenaient rien, et surtout n'apportaient rien à l'art.
Par ailleurs, il a été très impressionné par les dispositifs techniques lorsqu'il a visité les studios de Disney en 1939, aussi bien du point de vue de la technique graphique que de l'interprétation de Stokowski. [1]
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L'inclusion de l'oeuvre paraissait à l'époque terriblement subversive à Disney (et Fantasia fut par ailleurs un échec commercial, sans doute faute d'action tangible sur un aussi long ballet d'animation - et avec un sujet aussi ambitieux...), mais l'idée d'en faire une oeuvre d'art lui plaisait.
Par ailleurs, ce n'était pas non plus prendre un risque immense dans la mesure où
- le Sacre (1913) était tout de même joué de longue date ;
- qu'à cette époque-là, on avait déjà vu passer le jazz, Varèse et Schönberg ;
- sans compter que le scandale de la création était essentiellement dû à la chorégraphie extrêmement tribale et archaïsante de Diaghilev, loin des ballets classiques.
Notes
[1] La somme de la transaction est selon André Boucourechliev. Kevin Starr parle de $6000.
Commentaires
1. Le samedi 25 juillet 2009 à , par Pois de senteur
2. Le samedi 25 juillet 2009 à , par Papageno :: site
3. Le samedi 25 juillet 2009 à , par DavidLeMarrec
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