Bellérophon : Le retour du dernier Lully - III - Quelle musique ?
Par DavidLeMarrec, lundi 20 décembre 2010 à :: Baroque français et tragédie lyrique - Saison 2010-2011 :: #1636 :: rss
3. La musique
Peu de spécificités dans cet opus, globalement très réussi. On note assez peu de tubes, peu d'ariettes aussi (par rapport à Psyché créée l'année précédente par Lully - une pièce qui à cause de son origine de tragédie-ballet en regorgeait) ; guère d'airs qui trottent dans les oreilles après un acte ou une représentation.
Une très large majorité de l'oeuvre, comme c'est l'usage chez Lully, est donc confiée uniquement à la basse continue pour accompagner au plus près les récitatifs des chanteurs. Très peu de divertissements aussi.
Même la chaconne, partis pris de Rousset aidant, est presque cachée dans son duo d'amour paisible de l'acte II (II,2). Elle est de toute façon très brève, et peu variée, juste un morceau de mouvement, presque aussi allusive que celle de l'acte I d'Atys ("Si j'aimais un jour par malheur") - à telle enseigne qu'on peut plus parler de sarabande que de chaconne [1], même si le balancement et surtout les chromatismes à la basse, les petites variations sont caractéristiques. Il est vrai qu'à l'exception de Cadmus, Lully ne magnifie pas beaucoup ses chaconnes avant Persée.
Notes
[1] La sarabande est une danse lente à trois temps, accentuée sur le deuxième (avec des mesures de type noire-blanche), typique des suites de cour et même des suites instrumentales qui fleurissent ensuite au XVIIIe siècle. La chaconne (qu'on différencie peu de la passacaille) s'apparente à une sarabande, souvent jouée un peu plus vive, avec une basse obstinée et des reprises variées.
On peut lire aussi que Bellérophon est la première tragédie de Lully pourvue de récitatifs accompagnés. Je n'en suis pas persuadé, en tout cas l'information demande à être vérifiée, puisqu'il est d'usage sur CSS de constater par soi-même la chose. (Ce qui suppose réécouter Bellérophon et toutes les oeuvres qui ont précédé, ce qu'on fera en son temps.)
Globalement, la musique n'en est pas originale, mais très bien construite. Les récitatifs ne sont pas les plus beaux de Lully, mais certaines scènes, comme l'affrontement de Bellérophon avec Sténobée (II,3), l'incantation maléfique d'Amisodar à la fin du même acte ou les plaintes des lyciens sont non seulement hors du commun, mais aussi d'une grande beauté. Comme par hasard, ce sont les endroits où le texte est le plus inspiré que Lully laisse éclater l'ampleur de son génie.
Une des tragédies lyriques de Lully les plus homogènes musicalement : sans tubes et sans baisse d'inspiration. Ce n'est certes pas sa meilleure oeuvre, mais elle peut figurer sans trop pâlir parmi le groupe des plus belles.
4. Représentations de Beaune, Paris et Versailles
(A suivre, très vite.)
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