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[Carnet d'écoutes n°100] – Sibelius, Symphonie n°2


Pas du tout une présentation méthodique, mais en l'écoutant hier en concert, quelques remarques récurrentes me sont venues de façon plus claire, et comme je n'avais pas les mains occupées, j'ai eu le temps de les mettre de côté. Purement la vocation d'un carnet d'écoutes, donc.

¶ L'aspect tchaïkovskien qu'on remarque souvent dans les deux premières symphonies (voire 3 et 5) tient largement, je crois, dans l'usage des cors syncopés – autrement dit, à contretemps et tenus – qui font palpiter le discours de façon très efficace. Tchaïkovski en met partout.

¶ Pardon pour le truisme, mais en vrai en remarque encore plus l'extraordinaire variété de l'orchestration : les mêmes motifs, tout en mutant dans le discours musical, vont aussi faire un tour complet de l'orchestre, des pupitres, des alliages, des modes de jeu possibles… Et le tout l'air de rien, ça ne ressemble pas du tout au systématisme des mouvements à variations.

¶ Le mélange de folklorisme, de lyrisme et de modernité (certaines sections semblent faire de la sortie de route harmonique de façon assez impressionnante) est vraiment réussi et troublant – on s'en rend moins compte à l'écoute seule, mais l'usage de la mesure et du rythme est également très libre et nouveau.

¶ Pourtant, je trouve tout de même que les appuis rythmiques qui se dérobent (effectivement, ils sont tout sauf évidents) et la discontinuité générale, la transmutation fine d'un matériau d'origine pas toujours follement mélodique en font une musique plutôt réservée aux mélomanes « informés ». Difficile d'adhérer à cette musique à la première écoute, ou simplement avec une oreille ingénue (qui s'attache à la mélodie, à la pulsation et aux changements de couleurs harmoniques plus qu'à la grande forme ou au contrepoint). Certes, le dernier mouvement se répète façon rondeau et martèle les parentés thématiques, mais je ne crois pas que ce soit tout à fait suffisant.
    Et ça, pose une fois de plus, la question de fond de la destination. Toute musique doit-elle être accessible à tous ?  À partir de quel degré de niche peut-on la considérer comme dispensable ou autistique ?  Sibelius a son public, mais on sent bien qu'il réclame ses diplômes (d'auditeur, hein, pas de musicien) avant de se laisser aimer – ce qui n'est pas le cas de Beethoven et Brahms, et même dans certains cas de son exact contemporain Nielsen.

Au demeurant, c'est une symphonie extraordinaire que j'aime énormément, pour toutes les raisons dites, et d'autres plus difficiles à exprimer – la prégnance des toutes premières minutes !


Au disque ?  Il existe des tombereaux de grandes versions : je distinguerais tout particulièrement Ashkenazy-Philharmonia, Oramo-Birmingham, Storgårds-BBCSO, Rattle-Berlin, Saraste-Radio Finlandaise pour ma part, mais on pourrait continuer d'aligner les noms : Jansons-Oslo, Karajan-Philharmonia, C.Davis-Dresde, Elder-Hallé, Berglund-Helsinki, Bernstein-NYP, Sanderling-Konzerthaus ou les hautement atypiques (mais réussis) Kajanus-LSO, Collins-LSO, Roshdestvensky-URSSRT, Celibidache…


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Commentaires

1. Le dimanche 13 novembre 2016 à , par Diablotin :: site

Il me semble que "les versions atypiques" que tu cites constituent, pour certaines d'entre elles, la "manière typique" -à savoir : plutôt vive et brute de décoffrage- d'interpréter Sibelius avant l'élargissement du tempo constaté à partir des années 60 : c'est le cas, notamment, pour Kajanus et Collins -ce dernier utilisant une partition légèrement arrangée par Koussevitsky dans le finale- , mais aussi pour Ehrling, voire, dans une moindre mesure Karajan / Philharmonia ou Szell/RCO Amsterdam.

2. Le dimanche 13 novembre 2016 à , par Diablotin :: site

Il me semble que "les versions atypiques" que tu cites constituent, pour certaines d'entre elles, la "manière typique" -à savoir : plutôt vive et brute de décoffrage- d'interpréter Sibelius avant l'élargissement du tempo constaté à partir des années 60 : c'est le cas, notamment, pour Kajanus et Collins -ce dernier utilisant une partition légèrement arrangée par Koussevitsky dans le finale- , mais aussi pour Ehrling, voire, dans une moindre mesure Karajan / Philharmonia ou Szell/RCO Amsterdam.

3. Le dimanche 13 novembre 2016 à , par DavidLeMarrec

Je ne suis pas sûr qu'elles soient si typiques (Beecham et Barbirolli ne sont pas du tout dans cette veine…), mais oui, tu as raison, il y a finalement beaucoup d'anciens qui pensent cette musique autrement, de façon beaucoup plus dramatique, pas du tout dans la veine du paysage étale !

4. Le dimanche 13 novembre 2016 à , par Benedictus

Mutatis mutandis (mais finalement pas tant que ça), ça fait comme pour Bruckner, quoi...

5. Le dimanche 13 novembre 2016 à , par DavidLeMarrec

Sauf que pour Sibelius, ça correspond assez bien à la logique de ce qui est écrit : on peut y privilégier la structure et la couleur au détriment du mouvement, il y a suffisamment de contrepoint et de références folkloriques pour occuper le spectateur. Alors que dans Bruckner, si on commence à jouer les énormes doublures d'octaves pures comme si c'était les plus beaux accords du monde, à goûter pour l'éternité, forcément, ça fait un peu baudruche…

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