Intruments d'époque et authenticité
Par DavidLeMarrec, jeudi 29 juin 2006 à :: Discourir :: #289 :: rss
Eternel débat, alors même que tout le monde écoute et apprécie des ensembles qui jouent à partir de sources « musicologiquement informées »
La difficulté théorique réside dans une contradiction insoluble.
- Depuis le dix-neuvième siècle[1], l'artiste est un démiurge, et sa musique doit être absolument respectée, telle que son génie l'a écrite.
- La musique doit parler aux contemporains, qui ne pourraient pas entendre une exécution comme elle était faite, car s'adressant à un autre public.
Ces deux éléments sont souvent inconciliables.
Exemples :
- On veut jouer une oeuvre selon l'esprit du dix-septième. Mais le dix-septième ne se serait pas embarrassé pour arranger une oeuvre avec ses propres instruments !
- On veut reconstituer une représentation d'époque. Ajoutera-t-on les odeurs et les conversations parasites, les gens venus pour se faire voir, les places debout au parterre ? Pour que l'esprit soit complet, il faudrait. Et encore, ce serait une attraction, quelque chose d'extraordinaire, de ponctuel pour nous.
- Mais si l'on joue une oeuvre du dix-septième sur des instruments modernes, on trahit l'image sonore que pouvait en avoir le compositeur - les instruments d'époque n'étant pas une garantie, mais s'en approchant mieux.
- Si l'on voulait être authentique, il faudrait faire des concerts symphoniques de quatre heures pour la période 1800, et couper les ouvrages, ne les représenter que dans des traductions françaises. Ne les jouer que dans les théâtres qui sont de l'époque, voire qui les ont réellement reçus, pour en vérifier l'accoustique. L'opéra-musée.
Bref, l'authenticité est une vue de l'esprit, mais cela n'inclut pas nécessairement de considérer toutes les adaptations comme légitimes.
C'est pourquoi, et un Harnoncourt ou un Minkowski ne s'en cachent pas, l'usage d'instruments et de modes de jeu d'époque doit être un facteur de plus grande intégrité stylistique et par-dessus tout d' inspiration. Pas une illusoire reproduction à l'identique.
C'est aussi ce qui fait que les anathèmes sur les versions "à la moderne" ne sont pas nécessairement fondés.
Quant à la supposée absence de justesse des versions sur instruments anciens, elle tient largement de la légende urbaine. A part quelques ensembles, et qui ne se sont pas nécessairement améliorés (gros problème de ce côté avec la Grande Ecurie & la Chambre du Roy de Jean-Claude Malgoire), le niveau des instrumentistes est au moins aussi bon que dans les orchestres traditionnels (voir les cornistes naturels[2], les tempi pris, la netteté des attaques, la capacité à éviter les décalages).
Lorsqu'on entend déjà la maîtrise d'instruments à peine redécouverts, chez Harnoncourt, en 1969 pour L'Orfeo de Monteverdi, on ne peut qu'être rêveur.
Alors, quel choix ? A mon sens, il ne s'impose pas entre conceptions "à la moderne" et " à l'ancienne". Néanmoins, la capacité de recréation par certains ensembles sur instruments d'époque rend difficile l'audition par un orchestre moderne pour quelques répertoires. Par exemple la tragédie lyrique, dont la nudité des récitatifs omniprésents réclame une nervosité, une limpidité, et pour laquelle la présence de divertissements-ballets rend indispensable un sens aigu de la danse dont ne disposent que rarement les orchestres traditionnels. C'est cependant l'exception : Bach, Haendel et même dans une certaine mesure Monteverdi supportent très bien de n'être pas joués sur instruments d'époque.
Notes
[1] Et de façon croissante jusqu'à aujourd'hui : chaque créateur peut (voire doit) désormais inventer un langage qui lui est totalement, ce qui crée parfois quelque difficulté à suivre pour le public qui travaille la journée.
[2] Qui doivent tout jouer sans piston, simplement avec la place du poing dans le pavillon.
Commentaires
1. Le vendredi 30 juin 2006 à , par Bra :: site
2. Le vendredi 30 juin 2006 à , par authueil :: site
3. Le vendredi 30 juin 2006 à , par DavidLeMarrec
4. Le vendredi 30 juin 2006 à , par kfigaro :: site
5. Le vendredi 30 juin 2006 à , par DavidLeMarrec
6. Le vendredi 30 juin 2006 à , par kfigaro :: site
7. Le vendredi 30 juin 2006 à , par DavidLeMarrec
8. Le vendredi 30 juin 2006 à , par kfigaro :: site
9. Le vendredi 30 juin 2006 à , par DavidLeMarrec
10. Le lundi 3 juillet 2006 à , par kfigaro :: site
11. Le lundi 3 juillet 2006 à , par DavidLeMarrec
12. Le vendredi 7 juillet 2006 à , par kfigaro :: site
13. Le samedi 8 juillet 2006 à , par DavidLeMarrec
Ajouter un commentaire