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"On" et le sport, "on" et la nation

Je rencontre par hasard ceci chez Koz. Enfin, le hasard est un bien grand mot, par les temps qui courent. Même France Culture donne les résultats des matchs pour nous enlever le plaisir délicieux de tout ignorer des résultats qui passionnent tout le monde. (sadiques, va)

Je lui ai laissé un commentaire, mais comme il s'agit d'émerveillement autour de la langue, ça pourrait toujours intéresser des lecteurs ici.

Que l’on soit footeux ou pas, y’a quand même marqué France sur leur maillot !

Comme je n'applique pas le boycott de principe (personne ne m'oblige à regarder, à lire ou à en parler, c'est amplement suffisant), c'est l'occasion de m'exprimer sur un sujet qui m'a toujours hautement intrigué.



Allez dire aux tributaires du lagaan que les jeux idiots n'ont rien d'excitant, si vous osez.


Une chose qui me fascine, c'est ce déplacement constant de la prouesse (ou de l'échec) sur la nation.

Certes, c'est avec cela qu'on fait vendre, le frisson d'un guerre entre nations, même amicale.

Mais d'où vient ce "on" collectif ?

Car ceux qui regardent les rencontres, à plus forte raison à la télévision, n'ont aucun lien avec les participants, même pas celui d'être voisin qu'on peut éventuellement rencontrer dans une petite ville. Et aucune influence sur eux.

Qu'on soit fier de son pays, de ses hommes politiques, c'est discutable[1] mais concevable dans la mesure où l'on a prise sur eux, que l'on participe, que l'on influe sur leurs actions.

Je reste très intrigué par l'ivresse que semble susciter cette projection dans les onze bonshommes, comme si on pouvait être eux ou qu'ils étaient un part de nous.

Notes

[1] A priori, on n'a à être fier que de ce que l'on fait, mais c'est sans doute là grande naïveté de ma part.


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Commentaires

1. Le vendredi 30 juin 2006 à , par fitze

Et si ce "on" n'était pas une projection de "nous" dans l'équipe, mais plutôt l'expression d'une appartenance à un groupe plus large : en l'occurrence, celui des supporters (traduction québécoise : partisans) de l'équipe de France. D'un ensemble de personnes qui n'ont pas forcément autre chose en commun, mais qui ont des appréhensions, des angoisses (plus ou moins relativisées), des espoirs communs aux mêmes moments. C'est une façon de se définir comme appartenant à un groupe. Il y a à la fois le plaisir de savoir qu’on a quelque chose en commun avec les membres de ce groupe, qu’on partage quelque chose, d’une certaine façon, et c’est aussi un moyen de se définir et de se positionner dans la société. Tout comme on fait partie d'une famille, d'un groupe d'amis, d'une entreprise/université, d'une association, d'un club de sport, etc...

L'autre question, c'est "pourquoi est-on supporter de l'équipe de France ?" (de foot ou d'autre chose). Parce qu'effectivement, je n'ai pas de raison d'être personnellement fière d'un but de Zidane. Peut-être parce que cela donne une image positive (victorieuse en tout cas) (et quand on gagne) du pays auquel on appartient, et auquel on peut se sentir attaché. De même qu' "on" peut être fier d'un Debussy, d'un Monet, d'un Hugo. (On pourrait aussi être simplement heureux qu'ils aient existé, et être tout aussi "fier", ou plutôt heureux, des artistes, humanistes et scientifiques de tous poils et de toutes nations, simplement en tant qu'être humain, finalement.)
Cela pose en fait la question du nationalisme et du patriotisme. On encourage l'équipe de France parce qu'elle représente (à la façon d'un diplomate) le pays auquel on appartient, et qu'on préfère voir gagnant.

2. Le vendredi 30 juin 2006 à , par DavidLeMarrec

Tout ce que tu dis là est extrêmement bien senti, et pour tout dire me convainc tout à fait. Je me range à ton analyse.
J'ignore si tu en as conscience, mais tu viens de lever un sujet de perplexité qui me taraude depuis ma plus tendre enfance. Si, si.

A défaut de pouvoir réfuter ou préciser quoi que ce soit dans ce que tu dis sur le sentiment de groupe, le rôle social, l'image positive qu'on donne de soi, points sur lesquels je n'aurais rien à ajouter, je vais digresser sur deux petits points.

De toute façon, tu tiens sans doute l'essentiel en précisant que ce n'est pas tant à l'équipe qu'on appartient qu'à un groupe plus vaste qui s'y intéresse, et que c'est plus la joie des supporters qui "ont gagné" qui compte que celle des onze bonshommes.


Sur l'image positive et la cohésion qui en naît. C'est vrai, le football, tout particulièrement, est accessible, et tout le monde peut s'y intéresser. En outre, la grande part de hasard qui entre en jeu fait qu'une petite équipe peut gagner contre une plus grande, et rend tout pronostic accessible à n'importe qui.
En outre, le résultat est très télégénique.
Du coup, beaucoup s'y intéressent, toutes classes sociales confondues, il n'est que de faire un tour dans la blogeoisie pour en prendre pleinement conscience. Sans doute cette ivresse de la communion ajoute-t-elle au plaisir.

Pour l'anecdote, lors de la dernière rencontre avec la France (vendredi dernier ou à peu près), je suis sorti pour du ravitaillement. Rues désertes, alors qu'il faisait beau et que les Bordelais flânent volontiers. Et dans la surface ou je me suis rendu, une télévision aux caisses ; au moment de rendre la monnaie, la jeune fille se recule, s'immobilise, et décoche un sourire éclatant à sa télévision. Son équipe favorite, à ce que j'ai entendu à ce moment, venait d'égaliser.
Image touchante de cet enthousiasme, je dois dire, qui m'a beaucoup amusé en pensant à l'air d'indifférence que j'aurais pu prendre à sa place. J'en ai retrouvé mes pénates tout guilleret.


Sur le patriotisme. Nationalisme est un mot banni, sauf à l'extrême-droite, désormais. Oui, sans doute que le patriotisme entre en jeu, et cela explique peut-être mon étanchéité à tout cela.
A vrai dire, je ne me sens de liens fort que sur deux critères.
- A la rigueur, la ville où je vis, puisque j'y suis, concrètement, que je profite de ses avantages, que je subis ses défaillances. Mais je ne m'y sens nullement lié par une quelconque fierté (ou, inversement, honte). Simplement, j'y suis.
- La langue. Là, oui. Je m'exprime dans une langue qui est un barrage pour communiquer avec ceux qui ne la parlent pas. Du même coup, il y a proximité forcé avec ceux qui la parlent. Ce qui fait qu'au total, j'ai un sentiment d'appartenance (à défaut d'une fierté) à la francophonie, certes. Mais cette appartenance doit être au maximum combattue, pour s'ouvrir au plus d'autres domaines possibles.

Tout cela tient plus de la nécessité, ou dans le meilleur des cas du confort, que de la fierté, je le crains.

Bref, malgré les ragots qu'on a pu faire courir sur mon compte, j'ai tout d'un très mauvais patriote.

3. Le vendredi 30 juin 2006 à , par kfigaro :: site

Pas mieux que fitze qui a absolument tout dit... J'ai moi aussi un peu lorgné sur les résultats de ce match et à quelques reprises quelques minutes de son déroulement, je n'aime pas le foot non plus mais j'ai été content malgré tout que la France se qualifie. Je n'ai aucune prise sur ça, je ne suis pas sportif, je suis exécrable en foot, mais il s'agit de l'équipe DE France et que, comme dit fitze, je préfère la voir gagner elle que l'Espagne parce qu'elle représente le Pays.

4. Le vendredi 30 juin 2006 à , par DavidLeMarrec

Oui, tu mets précisément le doigt sur ce qui m'échappe : contrairement à un élu ou à un représentant de la France, "l'équipe DE France" n'a aucun lien avec ce qui peut se passer en France, aucun lien autre que ses vingt-trois individus qui doivent avoir une carte d'identité française.

Qu'elle gagne ou perde, elle ne représente rien de ce qu'est la France, qui peut être faible ou vigoureuse, et le restera indépendamment de ces résultats. Le sport en tant que tel ne porte pas une valeur spécifique du pays qui joue, et dont la victoire aurait un lien ou un influence quelconque sur ses valeurs. [Ensuite, qu'un individu se sente lié aux valeurs de son pays, c'est encore une autre question.]

Je veux dire par là que le fait que "la Corée du Nord batte les Pays-Bas" n'a aucun lien ni aucune incidence sur les droits de l'Homme, par exemple. Ni même sur les relations diplomatiques.

Je suis d'accord, il y a une large part d'éducation et d'irrationnel là-dedans, et peu importe après tout, puisque ça n'a pas d'incidence. Mais c'est justement la raison de cet irrationnel qu'il m'amuse d'interroger. Pour le plaisir du jeu, sans doute. :-)

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