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mardi 20 mars 2007

Pesanteurs historiques

Ce soir, au menu des réjouissances, une bande radio du soixante-quinzième anniversaire de Nikolaus Harnoncourt (1997). A la tête du Chamber Orchestra of Europe et du Choeur Arnold Schönberg, il dirige Alfonso und Estrella de Schubert, avec entre autres : Luba Orgonasova, Endrik Wottrich, Thomas Hampson, Alfred Muff, Olaf Bär...

Un détail attire mon attention. On sait que le monologue patriotique de Hans Sachs (dans les Meistersinger), un peu pesant au sortir de la seconde guerre mondiale, a longtemps été coupé (et, aux dernières nouvelles, ne serait pas systématiquement rétabli). Eu égard à l'idéologie particulière de Richard Wagner, notamment sa conception de la formation du héros, ou encore connaissant ses opinions antisémites (même si sa pratique fut bien plus complexe), la chose se comprenait à l'époque, à défaut d'être souhaitable.

Mais ici, Schubert. Au milieu d'un décor champêtre, Alfonso, tel le Jemmy de Guillaume Tell, remporte les jeux d'adresse et d'art. Et son père Troila est chargé de le récompenser. On lit alors :

Empfang das Schwert des Führers ! / Reçois l'épée du chef !

et l'on entend :

Empfang das Schwert des Königs ! / Reçois l'épée du roi !

Ce qui n'est gênant ni pour la prosodie, ni pour le sens. Mais de penser qu'à Vienne en 1997, certains mots, dans du Schubert, dans une atmosphère qui est celle de la fraternité beethovenienne rêvée, dans le décor du Devin du village de Rousseau, le mot "chef"/"Führer" soit banni, pour écarter tout mauvais souvenir, voilà qui est saisissant. Comme pour éloigner Schubert de tout soupçon, comme pour ne pas briser le rêve de cette scène champêtre par des souvenirs lourds de culpabilité.

Je ne crierai pas à la sotte censure (même si cette intervention me paraît superflue), le problème me semble de loin plus complexe. Ce soir, l'opéra a beaucoup dit sur l'état du rapport à cette période de l'histoire en Europe : elle pétrit encore les pensées, son urgence et sa prégnance sont toutes contemporaines.


[P.S. : Par ailleurs, Harnoncourt est merveilleux...]

[P.P.S : Sans même parler de ce petit bijou qu'est Alfonso & Estrella, pas du tout l'oeuvre faiblarde qu'on décrit dans les histoires de la musique. Un langage mi-classique mi-romantique, avec cette grâce toute schubertienne et des ensembles de première qualité. Bien des mozartiens, rossiniens, verdiens, weberiens, beethoveniens ou czerniens devraient y trouver leur compte.]

David Le Marrec

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