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Carnet d'écoutes - Carl ORFF, Der Mond (La Lune)

Ce soir, CSS écoutait avec intérêt le concert retransmis par France Musique[s], consacré à Carl Orff.

Etrange chose, que le Festival de Montpellier, si prodigue en redécouvertes fascinantes, propose un tel tube. Manifestement, l'originalité de la chose résidait dans la présentation scénique - contrairement au concert habituel.

La plupart des mélomanes sérieux semblent abhorrer cette oeuvre ; CSS, qui n'apprécie guère le terme de « mélomane », y voit un peu opportunément l'occasion d'en déduire qu'il n'en est pas.

Car les Carmina Burana présentés ce soir ne sont pas une oeuvre méprisable ; il y a là une véritable personnalité sonore. Bien sûr, l'orchestration est lourde, de mauvais goût, l'harmonie pauvre, les traits vulgaires, mais n'est-ce pas précisément le principe même de cette oeuvre que de se mesurer à l'orgie ?

Et CSS, bien que ne fréquentant guère cette emphase un rien monumentale et naïve (jamais serait plus proche de la réalité), brûlait depuis longtemps de découvrir Orff en véritable compositeur.


Nos voeux furent comblés avec le portrait qui clôturait la soirée. Déclarations radiophoniques de Carl Orff, suivies de larges extraits de son opéra Der Mond.

La première surprise provient des propos du compositeur lui-même :

  • considérant les Carmina Burana, écrits tôt, comme le début de ses oeuvres dignes d'intérêt, alors qu'on imaginait plutôt une oeuvre de maturité jouant avec des esthétiques étrangères ;
  • affirmant que la force de cette oeuvre tient à ce que « sa portée spirituelle dépasse sa valeur musicale ». C'est donc du très sérieux, et non un pastiche fantasmatique de chants d'étudiants.


On en est un peu refroidi, mais d'autant plus curieux. La présentation de François-Xavier Szymczak rappelle sa complaisance avec le nazisme (sans carte toutefois), et signale de façon très intéressante une explication potentielle au reniement des oeuvres de jeunesse, par-delà les considérations esthétiques : il avait notamment mis Bertolt Brecht en musique - ce qui est peu nationalsocialistocompatible, on en conviendra.




Vient l'oeuvre. Et on est surpris. Le langage musical, quoique plus divers, est exactement similaire à l'Orff que nous connaissons. Réputé pour son académisme, on pouvait attendre un drame germanique un peu standard, une sorte de Siegfried Wagner[1] un peu stable, de post-Humperdinck.
Point du tout.

L'oeuvre s'organise en séquences brèves, de ton totalement indépendant ; dans chaque séquence, tourne en boucle un même motif simple, jamais développé, mais maquillé par des orchestrations assez opposées.
On y retrouve aussi cette orchestration fortement cuivrée et percussive, sans grande finesse[2], mais très efficace.

La grande différence, outre la continuité dramatique (qui n'est guère, on l'a vu, sensible dans le traitement musical), réside dans l'usage de procédés plus variés, avec notamment des formes mélodrame[3]. Tout cela ne fait que renforcer l'hétérogénéité des sections, au demeurant, mais apporte des possibilités d'expérimentation intéressantes pour bien tenir un drame sur la longueur - en refusant le développement.

Il y a en somme chez Orff un côté assez minimaliste, au fond, avec le ressassement en guise de développement. L'effet en est toujours assez réussi, mais il faut bien avouer qu'on n'est pas éperdu non plus d'admiration devant ce travail assez peu raffiné.

Réjoui de l'avoir entendu et satisfait de ne pas l'avoir acheté, dira-t-on en manière de résumé.




( Pour information )

Distribution du concert d'après le site de France Musique[s] :

En direct de l'Opéra Berlioz, Le Corum à Montpellier
Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon
et en simultané avec l'Union européenne de Radios

Carl ORFF
Carmina Burana
Cantate pour solistes, choeurs, choeurs d'enfants et orchestre
(Version scénique, Production du Deutsche Oper Berlin)

Ditte Anderson : soprano
Markus Brück[4] : baryton
Jörg Schörner : ténor
Beate Vollack : Der Mensch
Chef de choeur : Ulrich Paetzholdt
Choeur d'enfants Opéra Junior
Choeur et Orchestre du Deutsche Oper Berlin
Tomas Netopil, direction

Notes

[1] Compositeur de grand intérêt, qui mérite bien mieux que la réputation d'épigone fade qu'on lui a faite, soit dit en passant. Ne révolutionnant rien, mais auteur de splendides réussites, si l'on considère les oeuvres en tant que telles et non comme des phares d'une pensée novatrice.

[2] Litote inside.

[3] Section où l'orchestre accompagne une déclamation parlée.

[4] Le pauvre homme avait été unanimement assassiné pour son Orest dans l'Elektra de Dohnanyi à Paris, il y a un an et demi.


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Commentaires

1. Le vendredi 13 juillet 2007 à , par jdm

Les Catulli Carmina sont bien moins souvent cités et pourtant encore plus intéressants dans la démesure, avec les quatre pianos traités en percussions. Ce n'est pas Bartók, mais Catulle c'est plaisant.
Merci David, il est bon de parler de Carl Orff, souillé de penchants nazis par quelques bien pensants mal informés : il suffit de lire une biographie sérieuse de Carl Orff pour apprendre qu'il a renoncé à de hautes fonctions officielles lors de la montée du nazisme et, ensuite, a été considérés avec la plus grande méfiance. Je laisse les lutins chercher. Je suis en RTT.

2. Le vendredi 13 juillet 2007 à , par DavidLeMarrec

C'est donc Catulle qui sauve le tout...

Sinon, il n'est pas le premier à qui l'on prête plus que de raison. Et même parmi les vivants.

Je ne donne pas de noms, ça m'obligerait à argumenter longuement, faute de quoi les moteurs de recherche risqueraient m'apporter un limon militant peu ragoûtant.

Mais j'ai toujours dans mes cartons un article sur le sujet. Le problème est que faire de la mesure dans ce domaine est toujours suspect, j'ai payé pour le savoir. :)
A l'occasion, pendant une phase de creux...

3. Le vendredi 13 juillet 2007 à , par jdm

les moteurs de recherche risqueraient m'apporter un limon militant peu ragoûtant


Je te comprends.

Sinon, il n'est pas le premier


Je me contenterai de signaler un film diffusé le 24 sur une chaîne publique, à propos d'un (un des plus grands) scandaleusement poursuivi et enfermé à une certaine époque alors que deux, au moins, de ses oeuvres avaient été 1terdites pendant l'époque limoneuse précédente.
S'il y a un mot dans tout cela qui conduit ici, il ne s'agit plus de quelqu'un qui cherche, mais d'un spélé0.

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